C’est un évènement plutôt rare sur la scène politique nationale. Sept mois après la présidentielle du 22 février 2020, tout sommeille à la tête du pays. On aurait cru en finir hier mardi mais c’est plutôt à six autres mois supplémentaires d’hibernation auquel on aura droit, selon l’Assemblée nationale. Une si curieuse léthargie sans précédent qui repose le débat de la méthode de lutte face au pouvoir cinquantenaire de Lomé.

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Léthargie et hibernation…

L’on croyait le débat clos depuis le 3 mai dernier. Mais non ! Quatre mois après sa prestation de serment, Faure Gnassingbé éprouve toutes les difficultés à former un nouveau gouvernement. Inaudible depuis le 1er avril dernier, le Chef de l’État ne fait signe de vie que de façon sporadique. Soit dans son palais où il est cloîtré, soit à l’occasion de ses curieux voyages qui l’ont amené ces derniers jours en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Congo Brazzaville et au Ghana. L’avant dernier voyage annoncé sur le Niger pour le sommet des Chefs d’État de la CEDEAO a suscité une polémique de faux au point que la présidence ait dû réagir par presse interposée. Mais sans la moindre once de réponse tangible pour débouter ceux qui ont pointé du doigt une supercherie entre les affirmations du tweet du Chef de l’État et la photo de famille de fin de sommet. Pendant ce temps, le gouvernement sortant se complaît et sombre dans une impertinente loi d’habilitation pour, dit-on juguler la crise sanitaire au nom de la Covid-19. Quant à l’Assemblée nationale, elle se résout à de simulacres de séances et plénières sans grands enjeux. L’une d’entre ces séances a été celle opérée hier mardi avec six autres mois supplémentaires d’état d’urgence arrivé à échéance hier mardi 15 septembre. In fine, l’on s’achemine vers 12 mois d’hibernation politique au Togo.

Méthode Agbéyomé

À l’origine de cette stagnation politique dans le pays, une hydre d’opposition portant la griffe Agbéyomé Kodjo. Le candidat classé deuxième au scrutin présidentielle du 22 février, selon les résultats officiels, mais qui clame être le vrai vainqueur.

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En effet, malgré les persécutions multiformes du pouvoir, le candidat de la Dynamique Mgr Kpodzro n’est pas prêt à abdiquer. Avec une détermination et un courage inédit, le Président du Mpdd brave tous les interdits en vue de rentrer dans «ses droits». Ceci, en conquér ant le pouvoir et l’exercer. Ainsi, du haut de sa conviction de «Président démocratiquement élu», il a déjà procédé à une série de nominations allant d’un Premier ministre aux ministres et ambassadeurs. Des faits interprétés par la justice togolaise comme «tentative d’atteinte à la sécurité de l’État». Contraint au maquis depuis juin dernier, Agbéyomé Kodjo est aujourd’hui visé par un mandat d’arrêt international. Mais loin de lâcher prise, le candidat de la Dynamique Kpodzro continue de donner de la voix depuis son lieu de refuge tenu secret par ses proches. Il traduit ainsi dans les faits, son opposition affichée à la mascarade électorale de février dernier.

Bras de fer juridique

Et la dernière estocade est la saisine du comité des droits de l’homme des nations unies par son conseil. Il s’agit des avocats Pierre Bovis et Robin Binsard du barreau de Paris, acquis à la cause de M.Kodjo qui, au nom de leur client, demandent à l’ONU de sanctionner le pouvoir de Faure Gnassingbé pour « fraude électorale » lors du dernier scrutin présidentiel.

Dans les faits, ces derniers dénoncent en substance, outre la fraude électorale, les violences et les menaces de mort dont est constamment victime leur client depuis le contentieux électoral qui l’oppose au régime en place.

« C’est donc à l’issue d’une élection entachée de fraudes et de violences que le Président de la République sortant Faure Gnassingbé a été déclaré vainqueur avec un score s’élevant prétendument à hauteur de 72,3% des votes. Les persécutions dont M. Agbéyomé KODJO fait désormais l’objet parachèvent d’établir le recul de l’Etat de droit au Togo », relèvent ces deux avocats français.

Appréciant très mal l’interdiction faite à leur client par la justice togolaise de se prononcer, de quelque manière que ce soit sur la dernière présidentielle, Me Pierre-Henri Bovis et Robin Binsard, y voient une sorte de «privation de liberté» de leur client. Une manœuvre du régime qu’ils qualifient d’ «inique et attentatoire au droit international ainsi qu’à la constitution togolaise, lesquels consacrent la liberté d’expression, d’opinion et, plus largement, le droit de participer à la vie publique et politique, droits indispensables à toute démocratie».

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Mais avant, en guise d’une stratégie endogène, le candidat de la DMK dispose également d’un conseil au plan. Il s’agit des avocats Célestin Agbogan et Atsou Darius qui, déjà en mars dernier, à la veille du passage de leur client devant le Scric, sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils appellent «un acharnement contre leur client».

Qui es-tu, Agbéyomé?

C’est dire donc que pour contrarier Faure Gnassingbé, Agbéyomé ne manque pas d’inspiration et de stratégie. A la bataille juridique, il associe la pression populaire et internationale au travers des manifestations de rue qui se tiennent au Nigeria, en Allemagne, en France et aux États-Unis. Des manifestations qu’organisent ses ambassadeurs qu’il a précédemment nommés dans le cadre de sa lutte.

Dans un contexte marqué par la restriction des libertés publiques et interdiction des marches au plan national, cette approche se révèle si pertinente et intelligente de Kodjo lorsqu’on sait justement que le Togo est bien connu par le comité des Nations-Unies et d’autres institutions internationales surtout américaines comme, étant un mauvais élève en matière du respect des droits de l’homme. Et c’est bien là, une pression supplémentaire que le natif de Tokpli, en vieux briscard, met sur Faure et son régime plus que jamais en difficulté.

Contre un pouvoir autocrate, une opposition atypique

«Tu me tiens, je te tiens !», avait déjà titré votre Journal Fraternité analysant le duel Faure-Agbéyomé. Et c’est à juste titre. Contre un pouvoir particulier et autocrate, une opposition exceptionnelle et atypique. Et c’est ce que semble incarner aujourd’hui Agbéyomé qui a tout le mérite d’avoir sû jusqu’ici faire bien coordonner sa strategie de participationisme et gangstérisme. Une stratégie qui contraint aujourd’hui le pouvoir de Lomé à une léthargie et à une hibernation sans précédent. Et ce, depuis plusieurs mois.

Loin d’évaluer sa pertinence, il est tout simplement constaté que la lutte que mène actuellement le candidat de la Dynamique Kpodzro se montre plus dérangeante par sa particularité d’allier stratégiquement intelligence et voyoucratie. La seule approche qui siet au pouvoir cinquantenaire de Lomé qui doit sa longévité à la même méthode. Une lutte qui vaut la peine d’être menée pendant que le reste de la classe de l’opposition regarde le bras de fer depuis les tribunes.

Source : FraternitéNo.370 du 16 septembre 2020 [fraternitenews. info]

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