A la mort du Général Eyadéma Gnassingbé le 05 février 2005, Faure Gnassingbé s’est vu confier le pouvoir par les généraux de l’armée avant de se retirer et se faire élire en avril 2005. 

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Une passation de pouvoir entouré de mystères comme le révèle le journal Jeune Afrique dans un article publié en février 2005 sur les derniers instants du général Eyadéma. Extrait…

Passation de pouvoir

Samedi, 20 h 30. Pour ne pas laisser la moindre place à une vacance du pouvoir et en attendant que les députés, convoqués pour le lendemain en séance extraordinaire, formalisent à leur manière la nouvelle donne, les chefs de l’armée togolaise, « dont le devoir est de garantir la sécurité », décident de « confier le pouvoir à Faure Gnassingbé à partir de ce jour » et « jurent de le servir loyalement ».

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La cérémonie, à laquelle assistent Faure et son frère Kpacha, a quelque chose de surréaliste. Il fait nuit et le haut état-major est réuni presque au complet. Il y a là les quatre généraux que comptent les FAT – Gnofame, Nandja, Memene, Tidjani – et une douzaine de colonels, dont les directeurs du port, des douanes et des impôts. La quasi-totalité est originaire du Nord, la région natale d’Eyadéma, terre d’élection des militaires togolais depuis l’époque coloniale.

À l’évidence, cet adoubement du fils du défunt par un aréopage en treillis a des allures de coup de force – c’est ainsi qu’il sera unanimement perçu à l’étranger. D’où l’urgence d’un habillage constitutionnel que seul le Parlement peut tailler à la mesure du nouveau président.

Coup de pouce de Debbasch

Pour ce faire, Faure Gnassingbé a impérativement besoin d’un homme, expert en la matière : Charles Debbasch. L’ancien doyen de la faculté de droit d’Aix-en-Provence, proche collaborateur de Valéry Giscard d’Estaing quand ce dernier officiait à l’Élysée, est le conseiller juridique attitré de Lomé 2 depuis plus de dix ans.

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Titulaire d’un passeport diplomatique togolais et constamment accompagné de son petit chien aux longs poils soyeux, Debbasch, que l’on voit parfois le soir s’exercer au piano dans le hall de l’hôtel Sarakawa, vit entre sa villa de Lomé et son appartement parisien. Le doyen, qui a l’humour cinglant, est un homme habile, et même brillant, spécialiste en broderies constitutionnelles. Il va pouvoir donner toute sa mesure.

Problème : lorsqu’on l’informe, vendredi 4 dans la soirée, qu’Eyadéma est au plus mal, Charles Debbasch est à Paris. Il affrète aussitôt un Falcon 50 de location qui décolle du Bourget le lendemain matin – trop tard pour atterrir à Lomé avant la fermeture de l’espace aérien.

Dérouté sur Cotonou, le doyen emprunte un véhicule, prévient Faure de son arrivée et parvient à franchir la frontière terrestre. Immédiatement à pied d’oeuvre, il compose en coulisse l’alchimie juridique qui va faire de Faure Gnassingbé, président désigné par l’armée, un chef d’État légitimé par la représentation nationale.

Destitution de Fambaré Natchaba et modification de la Constitution

Il faudra trois heures aux 67 députés (sur 81) réunis le matin du dimanche 6 février au Parlement pour destituer Fambaré Natchaba de son perchoir, le remplacer illico par Faure Gnassingbé – qui a retrouvé entretemps son siège de député de Blitta après avoir démissionné de son poste de ministre – et faire de ce dernier, ipso facto, le successeur de son père. Le tout à l’unanimité des présents.

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Au passage, les élus du peuple modifient les articles 55 et 144 de la Constitution, ainsi que l’article 152 du code électoral. Il n’est plus question de l’exercice provisoire du pouvoir par un intérimaire, le temps d’organiser une élection présidentielle sous soixante jours, mais d’un chef de l’État assurant sa fonction « pendant la durée du mandat de son prédécesseur qui reste à courir ». En l’occurrence, jusqu’en 2008.

Le tour est joué et la voie ouverte pour la prestation de serment du président Gnassingbé devant les six membres du Conseil constitutionnel – laquelle a eu lieu le lendemain matin. Dans la salle, seuls les ambassadeurs de Chine, de Libye, du Ghana, de la RD Congo, ainsi qu’une délégation ivoirienne, ont fait le déplacement.

(…)

Des marques d’amitiés…

C’est donc de l’extérieur que vient avant tout la menace pour celui que la presse et la télévision officielles togolaises appellent « le président Faure ». Le plus simple, dans ce cas, est de compter ses amis. Mouammar Kadhafi a ainsi personnellement téléphoné le 6 février au fils d’Eyadéma, lequel a reçu du roi Mohammed VI un message de condoléances qui a dû lui faire plaisir : il est adressé à « Monsieur le Président de la République, Faure Gnassingbé ».

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Blaise Compaoré, dont les relations avec le Vieux étaient exécrables, s’est paradoxalement montré très attentif aux explications que Faure lui a fournies quotidiennement dès sa prise du pouvoir. Son attitude, lors du sommet de la Cedeao à Niamey le 9 février, s’en est ressentie, tout comme celle du Ghanéen John Kufuor, auprès de qui a été dépêché le général Gnofame.

Enfin, quelque peu en froid lui aussi avec le père, l’Ivoirien Laurent Gbagbo a multiplié les gestes d’amitié envers le fils. Pascal Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien, a été dépêché pour présenter les condoléances officielles de l’État et, le surlendemain, Faure recevait en audience un ancien chef des services secrets de Mobutu, Honoré Ngbanda, porteur d’un message de Gbagbo, dont il est le conseiller à la sécurité.

… contrastant avec la défiance de plusieurs dirigeants

Reste que ces marques discrètes de bienveillance sont peu, au regard des signes de défiance et des condamnations en cascade émanant de personnalités dont certaines ont pourtant bénéficié des proverbiales largesses du Vieux – la liste de ces « ingrats » circule d’ailleurs déjà sous le manteau dans l’entourage de Faure Gnassingbé.

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« Tout se passe comme si ceux qui avaient le plus profité d’Eyadéma voulaient se racheter en s’acharnant sur son fils », se plaint un proche du nouveau président, qui n’hésite pas à louer au passage la « réserve » dont ferait preuve à cet égard le Français Jacques Chirac. « C’est parce que le Togo est un petit pays qu’on se défoule sur nous au risque de provoquer une guerre civile, histoire de se donner bonne conscience et de faire oublier ce qu’on cautionne ailleurs. »

Signe d’une très vive tension : le Nigérian Olusegun Obasanjo, président en exercice de l’Union africaine, a littéralement explosé de colère lorsqu’il a appris que l’un de ses avions officiels avait été interdit d’atterrissage sur l’aéroport de Lomé, le 10 février. En fait, l’appareil, un biréacteur Challenger 50, qui transportait une partie de la délégation nigériane censée participer à une réunion de crise de la Cedeao convoquée pour le lendemain, s’était vu signifier d’atterrir à Niamtougou, non loin de Kara, où devait se tenir le Sommet.

En outre, l’avion n’avait pas été annoncé, suscitant immédiatement la méfiance des autorités togolaises : transportait-il Natchaba ? « C’est un acte de guerre », s’est exclamé, hors de lui, Obasanjo après avoir ordonné au Challenger de rentrer immédiatement à Abuja. C’est d’ailleurs le choix de Kara comme lieu de la rencontre avec Faure Gnassingbé, de préférence à Lomé, où elle était initialement prévue, qui a fait capoter la visite de conciliation que cinq présidents ouest-africains devaient effectuer au Togo le 11 février. (…)

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