Un short moulant pour ceindre sa taille, le torse entièrement dénudé, un jeune homme se tortille sur une scène. Nous sommes dans un bar. Les clients sont venus se rincer les yeux avec le show du jour. Une danse qui se prétend traditionnelle mais qui est si lascive et suggestive qu’on comprend vite qu’il n’y a de traditionnel que les notes de musique qui s’égrènent. Après son déploiement fort applaudi, L. consent à se retirer pour discuter et raconter son histoire.

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«Je suis payé dans ce cabaret uniquement avec les pourboires que les clients laissent. Il faut bien que je gagne ma vie. Au début j’ai eu peur de sortir avec un homme qui proposait de me payer si je satisfaisais ses envies sexuelles, mais pour ce soir-là seulement, il m’a donné vingt mille francs. J’ai cru que je rêvais et il m’a expliqué qu’il y avait d’autres, comme lui, qui étaient intéressés par la «marchandise». C’est lui qui m’a montré la voie et qui m’a permis d’avoir un carnet d’adresses. Je gagne bien ma vie aujourd’hui, mais je continue à danser ici pour maintenir mon réseau et rencontrer de nouveaux clients».

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Quand L. arrive en 2000 de son village natal, il vient rejoindre son oncle qui lui promet de le remettre à l’école et de payer ses études. Après quelques mois, ils se brouillent et son oncle lui demande de débarrasser le plancher. Il devient plongeur dans le cabaret où il officie aujourd’hui en star de nuit. S’il n’est pas né avec une cuillère dans la bouche, il a un visage à faire fortune. Une ossature qui émeut et qu’on a envie de protéger. Son patron convaincu de lui faire un pont en or, lui propose de devenir danseur dans son établissement. Le reste va évoluer très rapidement. Lorsqu’il commence à offrir ses charmes aux hommes, il est convaincu qu’il est le seul mais ses amants vont le détromper et lui faire très vite rencontrer certains autres membres du réseau.

Chaque jour, les clients sont à la recherche de nouveaux initiés. Les maquereaux ne manquent donc pas. A la différence que, dès que vous avez le pied à l’étrier, ils vous laissent voler tout seul, de corps en corps. Ici, c’est le téléphone qui sert d’instrument de travail. On se communique les performances, les exigences, les fantaisies, les lubies des uns et des autres. L. a le dos strié de balafres, et c’est le sourire aux lèvres qu’il déclare:

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«Certains aiment me fouetter, ce n’est pas toujours amusant mais je suis maintenant habitué. Aujourd’hui, je prends dix minutes de fouet à 50 000 FCFA. Mes tarifs ont considérablement augmenté et dans le milieu, je suis connu pour accepter toutes les fantaisies, tant qu’on paie ».

La clientèle se recrute dans une certaine catégorie sociale. Le haut de la pyramide se situe au niveau des personnes nanties. Certains jeunes gens vont d’ailleurs souvent très loin et menacent de faire chanter les clients qui ont des familles. Si les femmes en mal de pigment sexuel dans leur vie sollicitent souvent leurs services, elles ne sont pas les plus nombreuses. Les hommes sont surtout les plus intéressés. Ceux qui n’arrivent pas à trouver des partenaires pour assumer leur sexualité, ceux qui ont besoin de se débrider, et puis, ceux qui sont tout simplement vicieux. L. a d’ailleurs trouvé en sa profession une légitimation mystique:

«Je suis Adja et j’ai mon esprit protecteur. Il me demande de le faire pour rester en vie. J’ai aussi des écorces pour me protéger des hommes qui peuvent vouloir faire de moi leur esclave sexuel ou autre chose. Parfois un homme me donne un rendez-vous et il me dit de ne pas y aller et je lui obéis ».

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Sa famille restée au village est bien consciente que son rejeton n’a pas un gagne-pain très orthodoxe mais, personne ne soupçonne la réalité des faits. C’est lui qui subvient à de nombreux besoins. L. a un collègue de travail dont le parcours, pour être différent, n’est pas moins heurtant. La maison familiale de H. était située près d’un ordre religieux où, très tôt, il a commencé à recevoir de fortes sommes d’argent pour de menus services que la pudeur interdit de répéter ici. Conscient que son corps était un outil puissant pour faire fortune, il a continué plus tard à une échelle plus élevée. Entre pratiquants, de ce qui a pour seul et unique nom, la prostitution masculine, ils se demandent le jour où ils auront aussi le cran de faire le trottoir comme sous d’autres cieux.

Pour le moment, le commerce est florissant et ne se déroule que dans des cercles très fermés. Contrairement à ce que l’on peut penser, ces jeunes gens sont adeptes de la provocation et la nuit, ils ne font pas de mystères de leur occupation quotidienne et s’affichent dans le milieu avec ostentation. Ils ne cachent pas leur bonheur. Normal, n’est-ce pas? Ce sont des hommes de joie !

Source : L’Union pour la Patrie N°1111

Titre modifié

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