Le 23 janvier 2020, le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé s’était rendu au Gabon. Selon la présidence la République togolaise, cette visite s’inscrit dans le cadre de la redynamisation des relations de coopération entre Lomé et Libreville. En huit mois, le Président togolais s’est rendu trois fois au Gabon. Dans l’opinion, la récurrence de ces visites « d’amitié et de travail » pose question. Surtout, au regard de l’histoire politique récente des deux pays qui a vu se succéder aux pères de la nation, leurs fils.

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Cette visite au Gabon du président togolais était la troisième depuis les précédentes, effectuées le 7 mai et le 9 août 2019. « La rencontre entre les deux chefs d’État (ndlr : du 23 janvier dernier) a porté sur le renforcement de la coopération bilatérale et multisectorielle entre le Gabon et le Togo d’une part, et également sur des sujets d’intérêt commun relatifs aux questions de paix, de sécurité et de développement dans leurs sous-régions respectives d’autre part», informe la Présidence Gabonaise.

Lors des trois dernières années, Faure Gnassingbé a, au moins, effectué un voyage au Gabon. Une complicité affichée entre les deux hommes d’Etat qui commence par susciter des questionnements au sein de l’opinion dans les eux pays. En effet, les togolais se demandent quelles sont les réelles motivations des visites du président dans la capitale gabonaise. ‘

Sauver l’héritage familial en péril…

Selon les recoupements, l’axe Lomé-Libreville se porte plutôt bien. En effet, depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques, le Gabon et le Togo entretiennent une excellente coopération bilatérale dominée par les questions de migration. Ainsi, de nombreux Gabonais étudient dans les universités et grandes écoles togolaises. Tandis que plusieurs Togolais séjournent au Gabon comme enseignants à divers niveaux, cadres de sociétés, commerçants et artisans.

Ainsi, pour certains observateurs, les derniers voyages que le président togolais a effectué à Libreville vont bien au-delà d’une simple visite de travail et d’amitié. En mai 2019, après le voyage éclair de Faure Gnassingbé au Gabon, Clay Martial Obame, Porte-parole de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) s’est montré très critique. «Tous les deux sont des héritiers du trône présidentiel», a d’abord souligné le Porte-parole du CNR avant d’ajouter que «cette implication d’un président (ndlr : Faure Gnassingbé » est une maladroite et offensante ingérence dans la gestion des relations d’amitié et de fraternité entre nos deux États».

Pour lui, ces visites s’assimilent au «soutien d’un dictateur à son homologue». Il faut dire que, depuis leur accession au pouvoir, AIi Bongo et Faure Gnassingbé marchent dans les pas de leurs pères, perpétuant les pratiques d’un clan familial prédateur et corrompu. Mais le vent de l’alternance qui souffle sur le continent secoue les deux régimes.

En effet, depuis quelques mois, comme celui de Faure Gnassingbé, le régime d’Ali Bongo est sérieusement secoué. Au Gabon, ça gronde non seulement au sein de l’opposition mais aussi dans les rangs du Parti démocratique gabonais (PDG), le parti au pouvoir. La purge orchestrée par une partie des proches du président gabonais, mal en point depuis son Accident cardio-vasculaire (AVC) en 2018, visant à écarter certains caciques du régime créé des frictions. « Le PGD est au bord de l’implosion », affirme une source proche du parti.

Le parachutage du fils d’Ali Bongo, Noureddin Bongo Valentin, à la tête du cabinet de la présidence et l’interpellation d’une vingtaine de hauts responsables de l’administration dont l’ancien tout puissant chef de cabinet de la présidence, Brice Laccruche Alihanga, n’en est qu’une petite illustration. Les divisions qui apparaissent de plus en plus au grand jour pourraient contribuer à l’effondrement du régime érigé par feu Omar Bongo. Puisque certains voient dans la nomination de Noureddin Bongo comme «coordinateur des affaires présidentielles », un signal de la perpétuation du régime du père au fils.

« Dans cette situation, quoi de mieux que de faire appel à un ami pour aplanir les dissensions », estime une source proche de la société civile au Gabon. Surtout qu’en matière de règlement des conflits du genre, Faure Gnassingbé sait comment s’y prendre. En effet, au pouvoir depuis 15 ans, le fils du feu Général Gnassingbé Eyadéma a réussi, du moins pour l’instant, à éteindre les voix discordantes au sein de son parti et à rouler l’opposition dans la farine. Et il est en préparation pour un quatrième mandat.

Sur les traces des pères…

Tous les deux arrivés au pouvoir dans la même année, 1967, Gnassingbé Eyadéma et Omar Bongo ont, petit à petit, noué une amitié. Cette amitié couplée d’une soumission au désidérata de l’ancienne métropole, leur a permis de régner pendant plus de trente-ans. Et avant de mourir, ceux-ci ont pris soin de préparer leurs fils à l’exercice du pouvoir.

« L’on peut comprendre et accepter que, de par leur qualité, les hommes d’une même famille, à divers moments de l’histoire d’un Etat, viennent à diriger leur pays. Mais il est frustrant pour un peuple de voir un fils contestable succéder à un père contesté. La question de fond étant celle du mérite. C’est malheureusement ce qui se passe parfois en Afrique comme au Gabon et au Togo. Les nations africaines n’ont pas à subir la loi de familles ou de clans aux méthodes mafieuses », explique l’analyste Théophile Mone, Journaliste et Analyste politique, parlant justement de Faure et Ali, les deux fils héritiers.

Aujourd’hui, les deux chefs d’Etats doivent faire face à de nouvelles crises. Au Togo, pour un quatrième mandat, Faure Gnassingbé défie le peuple en quête d’alternance tandis qu’au Gabon, le refus d’Ali Bongo de quitter le pouvoir malgré sa convalescence prolongée pousse le pays vers l’abîme. « C’est vrai que le deux président présentent des profils technocratiques plus policés que celui de leurs géniteurs. Mais cela risque de ne pas être suffisant pour sauver ces régimes si loin mais si proches et à bout de souffle »

Fraternité No 345

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