C’est devant un parterre de 300 invités dont une quinzaine de Chef d’Etats et de gouvernement africains que le Président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, nouvellement élu pour son controversé troisième mandat, a prêté serment le lundi 15 décembre dernier. A l’occasion, le Président togolais, Faure Gnassingbé, un des hôtes de l’ivoirien, s’est retrouvé, malgré lui, au-devant de la scène.

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Inauguration de la nouvelle mandature

Élu en 2010 et réélu en 2015, Alassane Ouattara a décroché le 31 octobre dernier, un troisième mandat présidentiel très décrié. Ce, dès le premier tour avec 94,27 % des voix. Un suffrage à la soviétique, au terme d’un scrutin boycotté par l’opposition et marqué par des violences qui ont fait 85 morts entre les mois d’août et novembre, selon des organisations indépendantes.

Comme suite logique, le Président Ouattara, contre vent et marrées, est officiellement entré dans sa nouvelle mandature. Cette cérémonie d’investiture s’est tenue devant plusieurs convives dont l’ancien Président français Nicolas Sarkozy comme invité d’honneur et Faure Gnassingbé, son homologue togolais en «frère et ami».

Concert des frères Daltons

Avant de se retrouver, 24 heures plus tard à Conakry pour la même symbolique, l’investiture d’Alpha Condé, le contingent, à la différence du Tchadien Idriss Deby Itno, était à Abidjan. C’est, somme toute, une belle brochette de dirigeants que certains observateurs, par ironie, prénomment «les frères Daltons». Ceci, pour être liés par les mêmes symptômes de trois mandats et plus. Fait majeur, devant l’assistance, l’heureux du jour, passant en revue ses hôtes, a présenté le Président Faure Gnassingbé du Togo comme « leur jeune Doyen». Une dénomination au delà de son timbre d’honneur à l’endroit du Prince Togolais a plus sonné comme un syllogisme qui allie si bien les deux termes contrastes «Jeune» et «doyen» ! L’effet en a été autant : bourdonnements et rires au sein de la masse. Bref, Ouatarra a servi à son jeune frère du club daltons des éloges très réducteurs pour quelqu’un comme Faure Gnassingbé qui, du haut de son jeune âge, au regard de ses homologues de la sous-région, jouit de son quatrième mandat à la tête de son pays.

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Résultante du dévoiement démocratique

En effet, en scrutant les conditions d’accession au pouvoir du prince de Pya en 2005 couplée d’un semblant de renouveau démocratique qu’il a semblé incarner, rien ne présageait une telle configuration. Malheureusement, force est de constater que Faure n’a changé en rien, et de son géniteur, et de sa méthode. Enivré par l’instinct grégaire de conservation, vaille que vaille du pouvoir, le fils d’Eyadema a créé un modèle de modus operandi que ses autres frères daltons appliquent de façon exhaustive dans leurs pays. Noyautage et instrumentalisation des institutions de la République comme les organes en charge de l’organisation et la validation des résultats électoraux. À la clé, des violations sans commune mesure des libertés publiques et individuelles comme celles que l’on observe actuellement au Togo où la gestion de la pandémie à Coronavirus cache mal la volonté affichée très tôt par le pouvoir de Lomé d’étouffer l’opposition et toute voix dissonantes dans leur rôle de contre pouvoir.

Ainsi donc, en qualifiant Faure Gnassingbé de «jeune Doyen», le Président Ouattara lève le voile sur une réalité dérangeante. Par ce qualificatif comique et caricatural, le Président ivoirien donne du crédit aux critiques des observateurs qui voient en les chefs d’État ouest africain, un nouveau syndicat de chefs d’État qui lui opèrent par coups d’Etat «constituo-institutionnels» à la différence de leurs prédécesseurs qui formaient, eux, un syndicat de dictateurs produit des coups d’État militaire.

Autrement, quelle importance donner à un Président qui se fait réélire avec 94% de suffrage et qui compte, au rang de ses invités de marque, Nicolas Sarkozy, un ancien chef d’État français très décrié sur le continent et contre qui est nouvellement requise, une condamnation de 2 ans de prison chez lui ? Il n’y a visiblement là, rien de démocratique si ce n’est un concert de démonstration de force des hommes forts qui surclassent malheureusement et pitoyablement les institutions de leur Etat respectif.

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Drôle, pathétique et intrigant…

L’appellation «Jeune Doyen» se veut donc, en conclusion, un pied de nez que Ouattara a fait au président comme pour dire que c’est lui qui est l’instigateur du déverrouillage des mandats et ils ne sont que sur ses pas. Faure vient ainsi d’être déshabillé publiquement par celui-là même qui lui servait de béquille en 2015 et 2017 quand il était en bras de fer avec son peuple. Le sourire bleu qu’affichait l’homme fort de Lomé exprimait en réalité un mal être et un certain gène face à cette appellation intrigante qu’il a bien compris comme une déclaration publique de ce que pense vraiment de lui le cynique Ouattara. Malheureusement, le syndicat vient d’entrainer le Ghana dans le cercle des démocraties cancres de la sous-région. Mais alors, l’artiste King Mensah, pour inciter au bien, n’a t-il pas chanté «Papa wövon»? C’est bien là le bien fondé de la morale selon laquelle tout ce qui se fait en bien ou en mal suit toujours l’auteur. Sinon, jusqu’à preuve du contraire, Faure Gnassingbé reste et demeure le «jeune Doyen» des Président pourtant sexagénaires et octogénaires de la sous-région.

Drôle et pathétique !

FRATERNITE

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