La Françafrique a manifestement la peau dure. Alors que la plupart des derniers présidents français ont, avec détermination, lu « l’oraison funèbre » de cette relation «incestueuse » ô combien dévastatrice, la réalité demeure tout autre. Emmanuel Macron, avec la légendaire hypocrisie des hommes d’Etat français continue, comme ses prédécesseurs, de faire prospérer cette pratique. Pour lui, les intérêts français priment sur ceux des peuples africains, notamment ceux qui croupissent sous le joug des dictatures. Son pays continue d’entretenir de très bonnes relations avec les vieilles dictatures sous les tropiques. Le Cameroun, le Tchad, le Gabon, le Burundi… et bien évidemment le Togo. Faure Gnassingbé depuis quelques mois, fait des lobbyings tous azimuts, pour se faire recevoir à l’Elysée par le «petit » Macron. Il a activé des réseaux de part et d’autre. Le plus actif dans le dossier qui cherche à lui quémander un rendez-vous à l’Elysée se nomme Jean-Yves le Drian, actuel locataire du Quai d’Orsay. Il se retrouve être l’un des dinosaures de la Françafrique. Les démarches semblent porter des fruits. La rencontre Faure-Macron semble imminente. Or, il n’y a pas longtemps, le Président français n’avait pas caché son désamour pour le dictateur togolais. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

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Faure Gnassingbé cherche 4ème mandat

Pour capter son quatrième mandat, Faure Gnassingbé est prêt à tout. Alors qu’il semble mettre toute la CEDEAO dans son « escarcelle », il recherche (désespérément, pour le moment) la caution de l’Elysée pour faire le plein. C’est la coutume ! A la veille de chaque élection présidentielle, il n’hésite pas à défiler sur le perron de l’Elysée, histoire de « quémander » l’onction de la métropole. La dernière visite en date est celle effectuée fin 2013 chez François Hollande, à un peu plus d’un an du scrutin présidentiel de 2015. Faure Gnassingbé et ses apparatchiks ont une fois de plus réchauffé leur argument concernant la présence du Togo sur les grands théâtres de maintien de la paix au monde pour justifier cette réception. Ceci pour occulter le déficit démocratique qui colle à la peau du Togo depuis des décennies.

Pour la présidence togolaise, cette poignée de mains entre Faure Gnassingbé et son homologue français, François Hollande sur le perron de l’Elysée était « la moindre des choses ». Lomé estime l’avoir mérité. En effet, le Togo participe activement au règlement (sic) des conflits régionaux en Afrique de l’Ouest. Que ce soit au Mali ou en Guinée Bissau, il a dépêché des soldats dans les missions de maintien de la paix. Par ailleurs, la marine togolaise joue un rôle actif dans la lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée. De cette visite jusqu’aujourd’hui, il est évident que les lignes n’ont véritablement pas bougé sur le plan démocratique au Togo. On peut même parler d’un net recul sur plusieurs plans.

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A voir de près, le Togo dispose aujourd’hui d’un parlement monocolore, pour ne pas dire « UNIRcolore » qui a consacré des réformettes pour pérenniser la dynastie des Gnassingbé. Les récentes élections locales ont un seul nom : FIASCO. Le pouvoir de Lomé a du mal à respecter les droits élémentaires de ses citoyens. Les réfugiés politiques ne sont pas les bienvenus chez eux. Tikpi Atchadam, Bertin Agba, Olivier Amah, Alberto Olympio pour ne citer qu’eux, sont des leaders toujours indésirables dans leur pays natal. Le tort de tout ce beau monde, c’est de militer pour l’enracinement démocratique et l’avènement de l’alternance au Togo. Cela semble le dernier souci de Faure Gnassingbé, qui a totalement verrouillé le jeu politique afin de s’offrir un pouvoir à vie. Pour tout avaliser, il a naturellement besoin de la bénédiction de la France d’Emmanuel Macron, qui est sur le point de ravaler son crachat.

Macron, un revirement à 180° ?

En Septembre 2018, au cours du « One Planet Summit » à New York, Faure Gnassingbé et Emmanuel Macron ont eu une brève entrevue dans une salle de conférence. Les communicants du pouvoir cinquantenaire ont vite fait d’exhiber l’image des deux hommes comme une caution de la France à la politique de leur champion. La propagande avait merveilleusement bien fonctionné avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Là, nous étions à trois (03) mois de la parodie d’élections législatives du 20 décembre 2018. Seulement, d’après des informations de sources bien introduites, le président Français n’avait pas été tendre avec le fils d’Eyadema à qui il a demandé de faire les réformes politiques et de respecter la volonté populaire favorisant l’alternance pacifique à la tête du pays en 2020.

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A la veille des législatives auxquelles seuls le pouvoir et ses alliés naturels ont pris part, Paris avait dépêché à Lomé un émissaire en la personne de Jean-Yves Le Drian (nous reviendrons sur son rôle trouble plus loin) pour réitérer la position de la France, dont certains parlementaires «alimentaires » s’apprêtaient à débarquer à Lomé pour une mission de supervision, avortée plus tard suite aux dénonciations de la presse et des activistes.

Mais bien avant, lors du sommet du G8 au Canada, un Togolais de la diaspora, activiste politique (Joël Amovin) avait réussi le pari d’interpeller Macron à propos du Togo. Il réussira à lui arracher quelques mots. Dans leurs échanges, sortira une phrase simple mais révélatrice de l’état des relations qui existaient entre Lomé et Paris. Le Président français a clairement évoqué qu’il n’a jamais voulu accorder d’audience en tête-à-tête à son homologue togolais, qu’il était attentif à la crise au Togo…« Est-ce que je l’ai reçu ? Est-ce que je l’ai reçu en voyage bilatéral ou est-ce que je m’y suis rendu ? », avait répondu le locataire de l’Elysée au compatriote. Ces bouts de phrase illustraient bien que Paris ne trouvait pas encore le régime de Faure fréquentable.

Visiblement entre ces périodes de froid et aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. D’après les informations en provenance des milieux diplomatiques français, Macron est sur le point de recevoir Faure Gnassingbé à l’Elysée. Le duo Le Drain-Dussey est manifestement en train de gagner son pari.

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Le duo Le Drian-Dussey à la mannette

Pour que Faure Gnassingbé foule le perron de l’Elysée, « ne serait-ce que pour la pose photo », comme ironise un acteur politique, il n’a pas lésiné sur les moyens. Des émissaires togolais chaperonnés par Robert Dussey et autres lobbyistes étrangers avec Jean-Yves le Drian, se succéderaient à l’Elysée, afin de négocier une visite officielle au « Prince » togolais à Paris. Comme toujours, Lomé met en avant non seulement les « relations légendaires » avec la France, mais aussi l’implication continue et appliquée du Togo et ses soldats aux opérations de maintien de la paix sur divers théâtres de conflits. Ils prétendent que le régime en place à Lomé est celui qui peut au mieux garantir les intérêts de la France au Togo et dans la sous-région. Du déjà entendu ! Au demeurant, les indispensables sont au cimetière.

La persistance du dirigeant togolais à aller à Paris a un seul but : recevoir l’onction d’Emmanuel Macron pour s’arroger un quatrième mandat à la tête du Togo, considéré comme un héritage familial. Comme le veulent les pratiques peu recommandables de la Françafrique, les intérêts français priment sur tout. On annonce d’ailleurs l’imminente arrivée du groupe français Orange dans nos murs. L’affaire, semble-t-il, est juteuse pour la métropole. Suffisant pour faire fléchir Emmanuel Macron ? « Avec nos ancêtres les Gaulois, il faut s’attendre à tout », regrette un compatriote. Le général De Gaulle n’a-t-il pas dit que la France n’a pas d’amis, mais des intérêts ?

Pour mieux comprendre les enjeux, il est judicieux de faire un zoom sur le duo qui a manœuvré en coulisse. Jean Yves le Drian, sans l’ombre d’un doute, reste du côté français, l’un des dinosaures de la Françafrique, indépendamment des réseaux occultes. Il a toujours gravité autour des palais des dictateurs africains avec lesquels il fait de « bonnes affaires ». Longtemps ministre de la Défense sous Hollande, il a multiplié son seul jeu qu’il perpétue avec Macron, en étant locataire du Quai d’Orsay. Il est beaucoup plus en contact avec l’Afrique et ses dictateurs et a joué un grand rôle dans la normalisation des relations entre la France et Idriss Deby, de meêm qu’avec le dictateur burundais Pierre Nkurunziza.

Le ministre Robert Dussey n’est plus à présenter. Il est l’actuel porte-flambeau du «quatrième mandat » de Faure Gnassingbé. Il le vend partout et à qui veut l’entendre. La récente visite à son homologue français, sous couvert des négociations ACP-UE, était véritablement pour faire le point sur l’état d’avancement des démarches sur le rendez-vous qu’espère Faure Gnassingbé chez Macron. Sûrement, cet activisme poussé fera de l’ombre à sa condamnation par le CAMES pour plagiat, qui n’est autre que du vol. Le point commun entre ces deux est qu’ils sont de moralité douteuse et ils se sont énormément enrichis avec la diplomatie-business.

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La diaspora prépare un accueil « chaleureux » à Faure

Les Togolais de la diaspora ayant eu vent de l’imminence de ce rendez-vous, ne comptent pas laisser Faure Gnassingbé venir se pavaner à Paris et mener sa vie sultanesque. Les groupes organisés sont en alerte pour de gigantesques manifestations avec le soutien des autres africains de la diaspora. Doit-on craindre un scénario à la Paul Biya en Suisse? (Les Camerounais avaient violement manifesté pour chasser Papa Biya de son vrai pays « sic » la Suisse). La suite nous situera davantage.

Seulement, il faut relever que Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005, a déjà vu passer quatre (04) présidents en France. Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron. Mais à chaque fois, c’est lui qui se pointe pour quémander leur soutien afin de s’éterniser au pouvoir. Les deux parties devront tirer les leçons de cette situation absurde. A la France de sortir de cette hypocrisie légendaire en appuyant les Togolais, de manière sincère, pour une véritable démocratie et l’alternance pacifique, bref sortir du statu quo, et à Faure Gnassingbé de comprendre qu’il n’y a pas de gloire en s’éternisant au pouvoir. Il peut aussi copier un peu la démocratie française.

Shalom Ametokpo

Source : Liberté No.2975 du 05 août 2019

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