Les manifestations publiques pacifiques annoncées par la Dynamique Monseigneur Kpodzro, n’ont pas eu lieu comme prévu. Dans la diaspora, la mobilisation était au rendez-vous, mais au pays, la forte présence des forces de l’ordre et de sécurité, et le retour des miliciens du RPT/UNIR ont étouffé la mobilisation. Les massacres de 2005, les violences sur les militants de l’opposition en 2012 et 2017 confirment que l’utilisation des miliciens est devenue une arme prisée par la dictature en place.

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A l’initiative de la Dynamique Monseigneur Kpodzro, des manifestations pacifiques ont été annoncées. Sur le territoire national, Lomé et certaines villes de l’intérieur ont été choisies pour accueillir cette sortie des militants et sympathisants de la Dynamique. Dans la diaspora également, des villes américaines, européennes et africaines ont vu défiler des Togolais appelant à la rupture avec la dictature des Gnassingbé.

L’une des prouesses de cette journée de manifestation est que la dynamique a réussi à attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur le fait que Faure Gnassingbé est indésirable à la tête du pays qu’il régente depuis 2005. Ce 1er août 2020, les yeux étaient encore rivés sur le Togo. Même si sur le territoire national il n’y a pas eu les marrées humaines de 2017 et 2018, dans la diaspora togolaise, la Dynamique peut se satisfaire d’avoir réussi une forte mobilisation. Ceux qui sont tentés de parler d’échec de la mobilisation feignent d’oublier un élément important, la forte présence des forces de défense et de sécurité dans les différents carrefours, mais aussi la sortie des miliciens par Faure Gnassingbé.

Faure Gnassingbé et le recours aux miliciens

S’imposer par la terreur. Cette méthode utilisée par les organisations terroristes est également prisée par les dictateurs. Au Togo, le régime RPT/UNIR, tout en se réclamant apôtre de la paix, se sert de la terreur pour arriver à ses fins. La preuve a été faite encore ce 1er août 2020. Alors que la Dynamique Monseigneur Kpodzro et les militants de l’opposition s’apprêtaient à descendre dans la rue pour soutenir Agbéyomé Kodjo dans sa réclamation de la victoire à la présidentielle de février 2020, les forces de sécurité ont été disposées à tous les carrefours pour empêcher tout regroupement. Et comme si ce dispositif sécuritaire ne suffisait pas, le régime RPT/UNIR a fait appel à ses miliciens. De nombreux groupes ont été positionnés à des carrefours dont celui de Sun Agip à Bè-Kpota et sous le pont d’Agoè-Nyivé. « Face aux manifestations de la Dynamique Monseigneur Kpodzro et ses acolytes illégaux prévues pour le 1er août 2020, le Comité de veille et de riposte de la commune d’Agoè-Nyivé 1 (CVR) composé des hommes imbus de paix est sorti pour riposter et sauvegarder la paix et la sécurité que prône notre champion Faure Essozimna Gnassingbé », a rapporté le confrère togobreakingnews.

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Comme en 2005. Une fois encore, Faure Gnassingbé fait appel à ses miliciens alors que le pays dispose suffisamment d’agents de la Police et de la Gendarmerie pour assurer l’ordre dans tout le pays. Ce phénomène des miliciens est donc encré dans l’ADN du parti au pouvoir. En 2005, dans la volonté de s’imposer aux Togolais qui voyaient en la disparition de Gnassingbé Eyadéma la fin de la dictature, le régime a eu recours aux miliciens qui ont semé la terreur dans tout le pays. De Lomé à Cinkassé en passant par Atakpamé, des hommes armés d’armes blanches, mais aussi de fusils et soutenus par les forces de sécurité ont fait le carnage. Des jeunes formellement identifiés par leurs voisins et des officiers à la tête des milices ont ôté la vie à leurs concitoyens. Plus de mille morts ont été enregistrés par les organisations de défense des droits de l’homme.

Le massacre d’Adéwui. Sept ans après Le massacre de 2005, les miliciens rééditent leur exploit sanguinaire. Le samedi 15 Septembre 2012, une marche pacifique organisée par le Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC) et le Collectif «Sauvons le Togo » (CST) est violemment réprimée par les miliciens du RPT/UNIR. Dès la matinée, ils ont pris d’assaut l’intersection du boulevard de la Kara et de l’Eglise Baptiste du quartier Tokoin Doumassèssé d’où devrait démarrer la manifestation. Sous la protection des forces de l’ordre, les miliciens ont entrepris, à coups de machettes, de haches et de gourdins cloutés, un massacre systématique des militants et sympathisants des organisations initiatrices de la marche. De nombreux blessés ont été enregistrés dans cette folie dont la finalité est la conservation du pouvoir.

Octobre 2017. Alors que la mobilisation pour exiger le départ du pouvoir de Faure Gnassingbé était à son paroxysme, le RPT/UNIR déploie ses miliciens dans les rues pour empêcher les manifestations des 17 et 18 octobre 2017. En bonne intelligence avec les forces de défense et de sécurité, ils ont martyrisé les populations en tapant sur tout ce qui bouge et en violant les domiciles. La terreur était de retour dans de nombreux quartiers de Lomé, 5 ans après le drame d’Adéwui.

La proximité des miliciens avec Faure Gnassingbé

Si le RPT/UNIR a toujours nié l’utilisation des miliciens pour le règlement des conflits politiques, l’année 2017 a connu une étape cruciale. Pour la première fois, les autorités du pays vont ouvertement glorifier la sortie des miliciens, une pratique digne d’un pays en état de guerre civile. Sans honte aucune, sans respect pour son statut de militaire, encore moins à son rang de ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehame déclarait qu’il s’agissait de « groupes constitués pour protéger leurs quartiers des actes de vandalisme de militants de l’opposition ». « Ce sont des jeunes du quartier qui se sont organisés. A partir du moment où le 5 octobre (date d’une précédente manifestation de l’opposition, Ndlr), leurs épouses et leurs sœurs ont vu leurs étalages renversés, les poubelles renversées devant les maisons, leurs femmes tabassées », a-t-il affirmé.

Certains responsables du parti au pouvoir ont même revendiqué la paternité de ces miliciens en affirmant que ce sont leurs jeunes. D’ailleurs, ces derniers ne cachent pas leur proximité avec le chef de l’Etat. Ils s’en orgueillissent même, puisqu’après avoir commis des forfaits et détruit des vies, ils sont récompensés. C’est ce qui a conforté les membres du fameux Comité de veille et de riposte de la commune d’Agoè-Nyivé 1 (CVR) qui ont ouvertement déclaré leur fanatisme pour Faure Gnassingbé.

Ce qui confirme cette proximité des miliciens avec le chef de l’Etat, c’est que ce dernier reste silencieux sur le phénomène. Un chef d’Etat qui se tait quand des miliciens déclarent agir dans son intérêt est complice de tous les actes que commettent ces hors la loi, au nez et à la barbe de la communauté internationale.      

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La France et le G5 interpellés

L’utilisation des miliciens dans un pays qui n’est pas en guerre est un fait dangereux qui ne devrait pas laisser indifférentes les chancelleries occidentales présentes au Togo. En octobre 2017, les Etats-Unis, par la voix du porte-parole du Département d’Etat, ont condamné le recours aux milices. « Nous sommes particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité et signalons que des milices parrainées par le gouvernement utilisent la force et la menace de la force pour perturber les manifestations et intimider les civils », a fait savoir le Département d’Etat.

C’est l’une des rares réactions du corps diplomatique au Togo. Nombreuses sont les diplomaties dont la réaction est attendue avec le retour de ces miliciens du régime. La France, pour sa position stratégique, son poids dans les dossiers concernant le Togo et ses liens avec le pays doit prendre ses responsabilités. Si elle est pour l’avènement de la démocratie véritable dans son ancienne colonie, elle doit cesser de voir le danger dans le camp de l’opposition puisque ce qui continue de ternir son image et risque de porter un coup dur à ses intérêts, c’est le jusqu’auboutisme du RPT/UNIR. L’Hexagone doit cesser de voir en la dictature des Gnassingbé son seul interlocuteur. Le G5, au nom de la démocratie et du respect des droits de l’homme, doit réagir et condamner l’utilisation des milices par Faure Gnassingbé. 

Source : G.A. / Liberté Togo

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