Discret et pieux, cet ancien moine a fait un saut inattendu dans la politique. Depuis, ni sa foi, ni sa loyauté ne suffiront à lui épargner des critiques qui se multiplient à l’égard du régime d’autant qu’entre deux déplacements diplomatiques, il doit défendre le pouvoir face à une opposition déchaînée.

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Mais ce qui préoccupe ce philosophe qui est plus diplomate que politique, c’est la réussite de la présidence togolaise de la Cedeao. La crise en Guinée Bissau et les réformes de la Cedeao étaient le cheval de bataille de la présidence togolaise de l’institution. Si sur le premier dossier, des sanctions ont fini par être prises, la diplomatie togolaise n’aura jamais été aussi active.

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Mais en sourdine. Crise politique oblige, chaque déplacement de Robert Dussey ne peut plus être aussi qu’une aubaine de lobbying. Alors que Buhari, président du Nigeria profite d’une remise de lettre de créance pour lancer un appel à Faure Gnassingbé, Robert Dussey ne compte pas que sur ses relations bien enfouies au sein de l’Union africaine ou ses contacts multiples dans la sous-région. Il compte aussi sur Dieu, dans une arène politique où les hommes s’en passent de plus en plus.

Pour cet ancien franciscain dont l’attachement à la Vierge Marie a quelque chose de fondamentaliste, la foi est une clé de réussite. Une obsession qui finit par lui marcher au point de devenir la marque de fabrique de ce truculent essayiste qui, pris en étau par la diplomatie togolaise, n’aplus publié un livre depuis si longtemps.

La Guinée Bissau, cheval de bataille

Dès le début de la présidence togolaise de l’organisation sous-régionale, le ministre a fait de ce dossier un défi. Avec le soutien certain de Faure Gnassingbé qui, malgré la réticence de quelques-uns de ses pairs, a prononcé les sanctions contre un pays qui n’aura jamais été longtemps stable.

Et pour y arriver, à l’initiative du président togolais, son ministre de la diplomatie a multiplié séjours et contacts. Il s’est battu pour convaincre du bien-fondé de la décision, au point qu’elle a été saluée dans la plupart des organisations continentales et internationales et des capitales africaines comme «le meilleur moyen de pression». Robert Dussey a veillé à ce que le président en exercice soit épargné, pas seulement pour maintenir le dialogue mais surtout lui laisser la main d’accélérer la sortie de crise.

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Mais ces sanctions ont été tournées en dérision par des internautes et une partie de l’opinion nationale togolaise. Opposants et activistes s’en sont saisis à raison pour dénoncer «deux poids deux mesures» et appeler le Togo « à se sanctionner lui-même» en dilatoire relatif à la crise interne à laquelle le gouvernement fait face avec l’ouverture d’un dialogue qui devrait amorcer une issue.

Pour qu’une telle décision passe facilement, les bonnes entrées de Robert Dussey à la Maison blanche et surtout, auprès du secrétaire d’Etat américain dont il a été le premier et le seul hôte jusqu’à ce jour en qualité de ministre des affaires étrangères africain n’auront pas suffi.

Puisque c’est la première fois que la Cedeao sanctionne des personnalités, ce précédent aurait pu résister aux hésitations des Etats.

Mais dans l’ombre de son président, Dussey prend ses contacts et a su compter sur ses bonnes relations à l’Union africaine, en l’occurrence avec Moussa Faki, président de la commission avec qui il fut un temps, un homologue très proche. Mais aussi, une promiscuité avec Antonio Guterres. Le portugais partage avec Dussey l’appartenance à l’influente communauté tertiaire franciscaine.

Une diplomatie du pragmatisme et de la crise Contrairement à ce qu’on peut penser, la communauté internationale n’est pas un acquis au profit du régime dans la crise qui l’oppose depuis plusieurs mois aux manifestants qui ont pris d’assaut la rue. Même au sein des pays de grande influence à Lomé, tout n’est pas gagné. L’Allemagne a assoupli profondément ses positions au point d’être confondue à un soutien du régime. «Les Allemands sont entièrement acquis», répète sans cesse l’opposition togolaise.

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Ce qui, au-delà de la diplomatie, est surtout lié à des relations «particulières» que Robert Dussey entretient avec les diverses tendances chrétiennes au sein du parti de Angela Merckel, le CDU.

Le ministre des Affaires étrangères du Togo aura été l’invité d’honneur au Munich Security conférence cette semaine. Occasion de rassurer ses amis, notamment le vice-président du Bundestag (parlement allemand) sur la crise togolaise. D’ailleurs, en 2009, alors qu’on s’y attendait le moins, Faure Gnassingbé a été reçu pompeusement par la chancelière et toute l’Allemagne.

Un succès qui n’est pas que lié aux intérêts mais plutôt à un état d’âme consécutif à une marque de confiance. Ancien pilier de Sant’Egidio pour l’Afrique, le ministre togolais des affaires étrangères a pu compter sur des ramifications religieuses qui ont facilité une détente dans les relations germano-togolaises et occasionné des investissements allemands au Togo.

Mais la crise a vite rattrapé la diplomatie. Imposant au Togo de convaincre de sa bonne foi son engagement pour le dialogue. S’il est trop peu politique et préfère s’occuper de ce qu’on lui demande, Dussey aura du mal à ne pas relancer une nouvelle manche.

Notamment à l’égard des Etats africains depuis qu’une sortie du président nigérian a été interprétée comme «un soutien à l’opposition» alors que l’ex-général devenu président proposait «une transition pacifique». Les prochaines semaines seront encore celles d’un pèlerinage diplomatique qui n’est pas gagné d’avance.

Si toutes nos tentatives pour entrer en contact avec lui ont été vaines, il n’insistera au téléphone que sur un aspect de la crise, «l’élan pris par le Togo dans le concert des Nations et les événements internationaux peut susciter une certaine jalousie sur le continent», selon celui pour qui tout passe par Dieu, «prions pour le Togo», lâche-t-il comme si tout ne passait plus que par Dieu.

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