Dans le cadre de la coopération Togo-Japon, notre pays a bénéficié d’un don à l’issue d’une convention de financement pour la construction du nouveau port de pêche de Lomé. La construction des infrastructures proprement dites a été confiée à une entreprise nipponne. En contrepartie, le Togo s’est engagé à assurer les travaux relatifs à l’adduction d’eau, au branchement électrique, au bitumage de la voie principale, le reprofilage de la voie d’accès secondaire et la clôture du port. L’ensemble de l’ouvrage est prévu pour être réceptionné en février 2019. Concernant la partie du projet qui incombe au Togo, un Avis Appel d’Offres Ouvert (AAOO) N°0161 /201/MAEH/cab/PRMP/DPA a été lancé le 27 octobre 2017 pour les travaux d’aménagement et de bitumage de la voie d’accès principal au nouveau port à partir de la RN2 (680m) y compris les travaux d’assainissement et de reprofilage de la voie d’accès secondaire (400m) et de construction de sa clôture 1134ml.
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A l’issue de l’évaluation des offres, un soumissionnaire, notamment le groupement ITC/ETOM dont le prix est le moins élevé à l’ouverture des plis, n’est pas qualifié car le personnel clé présenté ne remplit pas les critères de qualification et le matériel clé présenté ne répond pas aux exigences du dossier d’appel d’offres. Après l’évaluation des offres, le marché a été provisoirement attribué au groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR pour un montant de 1 293 989 424 francs CFA TTC.
L’entreprise classée deuxième a pour nom CETA/MJRF pour un montant évalué à 1 401 896 471 francs CFA TTC. Dans un courrier en date du 1er août 2018, le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, le Colonel Ouro-Koura AGADAZI informe les soumissionnaires des résultats de l’évaluation des offres et l’attribution provisoire. Ce courrier (en Fac-similé) est accompagné du résultat des évaluations.
Le 20 août 2018, l’entreprise classée deuxième à l’issue des résultats des évaluations CETA/MRJF introduit un recours auprès du Conseil de Régulation contre le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. Après avoir rappelé les faits, le gérant du groupement CETA/MRJF expose l’objet du litige en ces termes : «Loin de contester les erreurs de calcul constatées dans l’offre de notre groupement qui ont fait passer le montant lu à l’ouverture des plis (1 280 685 131 francs CFA TTC) à 1 401 886 471 francs CFA TTC, le litige se rapporte à la mauvaise évaluation de l’offre de l’attributaire provisoire qui se trouve être le groupement TIMIAM/ ENTREPRISE DE L’AVENIR, qui en réalité n’a pas rempli les critères de qualification 2.1 et 2.2 du critère 2. Situation financière figurant à l’annexe A. Critères de qualification du dossier d’appel d’offres.
Les bilans des trois dernières années à savoir 2014, 2015 et 2016 fournis par ledit groupement au titre des critères de qualification ci-dessus relevés, sont en effet falsifiés et il s’agit donc de faux et usage de faux. Cette situation litigieuse aurait pu être relevée et sanctionnée par le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche pendant l’évaluation des offres, qui, contre toute attente, attribue provisoirement le marché à un soumissionnaire non seulement non qualifié, mais qui plus est, demeure un faussaire récidiviste».
Sur les moyens invoqués à l’appui de ce recours, on peut lire dans le courrier : « Fournitures de faux bilans au titre des années 2014, 2015 et 2016 et faux et usage de faux. Le groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR n’a pas rempli le critère de qualification figurant au point 2.1 Situation financière de l’Annexe A. Critères de qualification du dossier d’appel d’offres. Il fournit de faux bilans au titre des années 2014, 2015 et 2016 pour justifier sa capacité économique et financière comme exigé à l’article 48 du code des marchés publics et délégations de service public. L’attribution provisoire du marché à ce groupement non qualifié est une violation de l’article ci-dessus. ».
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Il s’ensuit toute une argumentation pour démontrer le caractère frauduleux du bilan des trois dernières années.
Du groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR et le rappel des violations des dispositions en vigueur. Plus grave, le requérant démontre dans son courrier que le même groupement au cœur du litige avait été déjà épinglé pour faux et usage de faux, cette fois-ci dans l’attribution d’un marché au ministère des Mines et de l’Energie.
« Dans le cas du ministère des Mines et de l’Energie, la Direction Nationale du Contrôle des Marchés publics avait déjà dans sa lettre N° 0711B/MEF/DNCMP/DSMP du 23 février 2018 faisant office d’avis de non objection sur le rapport d’évaluation, constaté et recommandé ce qui suit. (Après examen des documents transmis, la DNCMP note la régularité du rejet de l’offre du groupement d’entreprises TIMIAM/ECNAF classé premier à l’ouverture et après correction, dont le chef de fil TIMIAM a fourni des états financiers des années 2014, 2015 et 2016 falsifiés. Suite aux vérifications faites auprès de l’office togolais des recettes OTR. En effet ce membre du regroupement déclare avoir réalisé au cours des trois (3) dernières années un chiffre d’affaires annuel moyen des activités de construction de 843 752 536 francs CFA alors que son marché similaire le plus élevé est celui relatif aux travaux de réhabilitation d’un bâtiment devant servir de bureau pour le compte du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au camp de Tandjouaré pour un montant de 65 435 800 francs CFA en 2015. De plus les chiffres d’affaires de 2014, 2015 et 2016 obtenus auprès de l’OTR sont respectivement de 155 350, 3 610 050, 655 680 francs CFA. Vous voudrez bien saisir l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) compétente pour cas de fausses déclarations). Au regard de ce qui précède, il n’en demeure pas moins que la Direction nationale de contrôle des marchés publics dispose d’éléments nécessaires et suffisants pour demander au ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche de reprendre l’évaluation des offres aux fins de rejeter l’offre du groupement faussaire. En décidant le contraire, l’avis de non objection de la Direction nationale de contrôle des marchés public est donné sur fond de faux et usage de faux et n’est pas congru d’autant qu’il s’agit des bilans des mêmes années dans les trois cas d’espèce ».
Au regard de tous les moyens invoqués, le groupement CETA/MRJF demande dans son courrier au Comité de règlement des différends : l’annulation de l’attribution provisoire du marché au groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR et ordonner la reprise de l’évaluation des offres afin que l’attributaire provisoire soit déclaré non qualifié, d’autant qu’il a fourni de faux bilans pour masquer sa situation financière catastrophique, d’où il sait qu’il s’agit purement et simplement de faux et usage de faux. Procéder à des investigations pour obtenir plus d’éclaircissement sur la situation financière catastrophique du groupement faussaire. Prendre des sanctions à l’encontre du groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR pour faux et usage de faux sur le fondement de l’article 132 du code des marchés publics.
Ce groupement est coutumier de ce fait et aurait dû déjà être sanctionné afin d’assainir l’environnement des marchés publics. Enfin rappeler à l’ordre le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche afin d’éviter à l’avenir la lenteur qui a caractérisé l’évaluation des offres, alors que les plis ont été ouverts le 06 février 2018 à 11H 00 minutes et que le délai règlementaire imparti pour l’évaluation des offres est de trente (30) jours, le procès-verbal d’attribution provisoire a été notifié que le 16 août 2018.
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L’ARMP annule l’attribution provisoire du marché, Agadazi s’oppose
Ce recours avec des arguments solides et des preuves irréfutables a conduit le Comite de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics à annuler purement et simplement l’attribution provisoire du marché tout en ordonnant la disqualification du groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR de la suite du processus. Nous passons l’intégralité de la décision de l’ARMP. Face à cette décision, furieux, le ministre Ouro-Koura Agadazi envoie une réponse à l’ARMP dans laquelle il avance de curieuses raisons pour continuer par maintenir l’attribution provisoire du marché au groupement TIMIAM/ENTREPRISE DE L’AVENIR.
Au niveau de l’ARMP, on ne se laisse par distraire par les arguments peu convaincants du ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. L’affaire est devenue un bras de fer entre le Colonel Ouro-Koura Agadazi et l’ARMP qui tient au respect scrupuleux des textes. Dans un nouveau courrier en réponse au ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, le Directeur Général de l’ARMP écrit : « J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre sus-référencée par laquelle vous avez bien voulu signifier à l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) vos inquiétudes sur la mise en œuvre de la décision citée en objet et vous en remercie. L’ARMP prend acte des observations relevées par votre département et vous rassure que dès lors que les offres des soumissionnaires ont été déjà évaluées, la reprise de l’évaluation prescrite par la décision du CRD ne nécessite ni des moyens ni un délai importants au point d’impacter sur les objectifs communs fixés avec le partenaire du projet qui est l’Etat japonais et sur la coopération entre le Togo et cet Etat. Aussi, voudrais-je porter à votre aimable attention que conformément aux dispositions de l’article 30 du décret N° 2009-296/PR du 30 septembre 2009 modifié par le décret N° 2011-182/PR du 28 décembre 2011 portant missions ; attributions ; organisation et fonctionnement de l’ARMP, les décisions du comité de règlement des différends sont immédiatement exécutoires et ont force contraignante pour les parties. Dès lors, en sa qualité d’autorité contractante soumise à la règlementation sur les marchés publics, le ministère de l’Agriculture, de l’Eevage et de la Pêche a l’obligation formelle de se conformer à la décision susvisée du CRD au risque de violer les dispositions sus-indiquées.
A cet effet, l’ARMP vous prie de bien vouloir instruire vos services techniques afin de reprendre sans délai l’évaluation des offres au risque de compromettre la réussite du dossier. Comptant sur votre compréhension habituelle, je vous prie d’agréer, monsieur le ministre, l’expression de ma considération distinguée ». Cette correspondance en date du 15 octobre 2018 et signée du Directeur Général de l’ARMP Théophile Kossi Réné Kapou sonne comme une injonction au Colonel Ouro-Koura Agadazi qui cherche par tous les moyens à attribuer le marché à une entreprise faussaire.
Pourquoi le ministre cumulard Ouro-Koura Agadazi se démène-t-il autant pour attribuer le marché à une entreprise faussaire, en violation des dispositions de passation des marchés publics au risque de compromettre le projet ? Qui est derrière cette entreprise qui recourt souvent à la corruption, au faux et usage de faux, à la falsification des documents et bilan pour participer à des appels d’offres? Quel lien existe -t-il entre le vrai responsable de cette entreprise TIMIAM/ENTRPRISE DE L’AVENIR et le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche? Toutes ces interrogations feront l’objet d’une seconde phase du dossier.
Rappelons que ce projet localisé à Gbetsogbé est financé par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) à hauteur de 14, 4 milliards de FCFA et le Togo apporte une participation de 2,2 milliards de FCFA.
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MINISTERE DE L’AGRICULTURE, REPUBLIQUE TOGOLAISE
Lomé, le 25 septembre 2018
DE L’ELEVAGE ET DE LA PECHE
CABINET
N° 01886/MAEP/Cab
Le Ministre
A
Monsieur le Directeur Général de l’Autorité
de régulation des marchés publics (ARMP)
Lomé
Objet: Travaux d’aménagement et de bitumage de la voie d’accès principale au nouveau port de pêche à partir de la RN2 (680 m) y compris les travaux d’assainissement et de reprofilage de sa voie d’accès secondaire (400 m) et de construction de sa clôture 1 134 ml
Observations suite à la décision du comité de règlement des différends
Monsieur le Directeur Général,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre N° 1797/ ARMP /DG /DRAJ du 19 septembre 2018 relative à la notification de la décision du comité de règlement des différends suite au recours en contestation de la procédure citée en objet et vous en remercie.
A cet effet, je voudrais vous rappeler que dans le cadre de la construction du nouveau port de pêche de Lomé, le Gouvernement togolais a signé avec le Japon une convention de financement. Le Togo a ainsi bénéficié d’un don pour la construction des infrastructures proprement dites du port par une entreprise japonaise. En contrepartie, le Togo s’est engagé à assurer les travaux relatifs à l’adduction d’eau, au branchement électrique et au bitumage de la voie d’accès principale, le reprofilage de la voie d’accès secondaire et la clôture du port. Les travaux de construction des infrastructures du nouveau port sont en bonne voie et sont prévus pour être réceptionnés en février 2019 en même temps que tous les autres travaux.
Concernant les travaux d’aménagement et de bitumage de la voie d’accès principale au nouveau port de pêche à partir de la RN2 (680 m) y compris les travaux d’assainissement et de reprofilage de sa voie d’accès secondaire (400 m) et de construction de sa clôture (1134 ml), le marché a été instruit par mon département jusqu’à la publication des résultats en août 2018 avec l’attribution provisoire du marché au groupement TIMIAM/ ENTREPRISE DE L’AVENIR.
L’offre dudit groupement était techniquement conforme et moins disante de 107 897 047 FCFA par rapport au second, mais avait été rejetée au prime abord par la Direction nationale du contrôle des marchés publics (DNCMP), l’organe national de contrôle, au motif que le groupement avait présenté des états financiers déclarés faux dans deux marchés antérieurs au ministère des Mines et de l’éEnergie et au ministère des Infrastructures et des Transports.
Sur présentation d’une notification de redressement fiscal avec validation des états financiers précédemment déclarés faux par l’OTR et un nouveau quitus fiscal, la DNCMP a finalement donné son avis de non objection par lettre N° 2606/MEF/DNCMP/DRMP du 09 août 2018 pour l’attribution provisoire du marché au groupement TIMIAM/ ENTREPRISE DE L’AVENIR.
L’objectif fixé pour ce projet en concertation avec le partenaire japonais est la réception des différents ouvrages en février 2019 afin d’’organiser l’inauguration et la remise aux bénéficiaires dans les meilleurs délais. Un retard dans la réalisation d’un des ouvrages dont la partie togolaise est en charge constituerait un manquement aux termes convenus avec notre partenaire japonais.
Manifestement, une reprise de l’analyse des dossiers relatifs audit marché suite à la décision N° 047-2018/ARMP/CRD du 19 septembre 2018 du CRD, conduira irrémédiablement non seulement à une remise en cause des objectifs communs fixés avec notre partenaire japonais, mais aussi fragiliserait la coopération entre le Togo et le Japon.
Telle est la situation de ce projet et l’impact de la décision de l’ARMP sur l’atteinte des objectifs convenus.
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur Général, en l’expression de ma considération distinguée.
Copie: Madame le Directeur national du contrôle des marchés publics
PJ: Décision N° 047-2018/ ARMP / CRD du 19 septembre 2018
REPUBLIQUE TOGOLAtSE
Travail-Liberté-Patrie
Transparence – Equité – Développement
AUTORITE DE REGULATION DES MARCHES PUBLICS
COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS
DECISION N° 047-2018/ARMP/CRD DU 19 SEPTEMBRE 2018
DU COMITE DE REGlEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN FORMATION LITIGES SUR LE RECOURS DU GROUPEMENT CETA-MRJF CONSTRUCTION CONTESTANT LES RESULTATS PROVISOIRES DE L’APPEL D’OFFRES OUVERT N° 0161/2017/MAEH/CAB/PRMP/DPA DU 27 OCTOBRE 2017 DU MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE L’ELEVAGE ET DE LA PECHE POUR LES TRAVAUX D’AMENAGEMENT ET DE BITUMAGE DE LA VOIE D’ACCES PRINCIPAL AU NOUVEAU PORT DE PECHE A PARTIR DE LA RN2 J680 METRES) Y COMPRIS LES TRAVAUX D’ASSAINISSEMENT ET DE REPROFILAGE DE SA VOIE D’ACCES SECONDAIRE (400 METRES) ET DE CONSTRUCTION DE SA CLOTURE (1134 METRES LINEAIRES)
LE» COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN FORMATION LITIGES,
Vu la loi n°2009-0-13 du 30 juin 2009 relative aux marchés publics et délégations de service public ;
Vu le décret n°2009-277/PR du 11 novembre 2009 portant code des marchés publics et délégations de service public;
Vu le décret n° 2009-296/PR du 30 décembre 2009 portant missions, attributions, organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation des marchés publics modifié par le décret n° 2011-182/PR du 28 décembre 2011 ;
Vu le décret n° 2015-008/PR du 22 janvier 2015 portant nomination du Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ;
Vu le décret n° 2015-009/PR du 22 janvier 2015 portant nomination au Conseil de régulation de l’Autorité de régulation des marchés publics;
Vu la décision n°002/2012/ARMP/CR du 03 janvier 2012 portant règlement intérieur du Conseil de régulation des marchés publics;
Vu la décision n° 001/2015/ARMP/CR du 10 février 2015 portant nomination des membres du Comité de règlement des différends (CRD) ;
Vu la requête non référencée datée du 20 août 2018 introduite par le groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION et enregistrée le même jour au secrétariat du Comité de règlement des différends (CRD) sous le numéro 1905 ;
En présence de Madame Ayélé DATTI, Président, de Messieurs Konaté APITA, Abeyeta DJENDA et Kuami Gaméli LODONOU, membres dudit Comité;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Adopte la présente décision portant sur le bien-fondé du recours;
Par lettre n° 1618/ARMP/DG/DRAJ du 23 août 2018, la direction générale de l’ARMP a réclamé à la Personne responsable des marchés publics de l’autorité contractante la documentation utile à l’instruction du dossier;
Par décision n° 044-2018/ARMP/CRD du 23 août 2018, le Comité de règlement des différends de l’ARMP a reçu le recours du groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION et a ordonné la suspension de l’appel d’offres sus-indiqué jusqu’au prononcé de la décision au fond;
Par correspondance non référencée datée du 29 août 2018, reçue le 30 août 2018 au secrétariat du CRD et enregistrée sous le numéro 1975, la personne responsable des marchés publics du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a fait parvenir à l’ARMP la documentation ainsi réclamée, ‘
LES FAITS
Le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a lancé le 27 octobre 2017 l’appel d’offres n° 0161/2017/MAEH/Cab/PRMP/DPA relatif aux travaux d’aménagement et de bitumage de la voie d’accès principal au nouveau port de pêche à partir de la RN 2 (680 m) y compris les travaux d’assainissement et de reprofilage de sa voie d’accès secondaire (400 mètres) et de construction de sa clôture (1134 mètres linéaires),
A la date limite de dépôt des offres initialement fixée au 8 décembre 2017 et reportée au 06 février 2018, suite à un addendum, la commission de passation des marchés’ publics du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a reçu et ouvert les offres présentées par sept (07) soumissionnaires dont celles des groupements CETA-MRJF CONSTRUCTION et TIMIAM Sarl-ENTREPRISE DE L’AVENIR.
A l’issue de l’évaluation des offres, la sous-commission d’analyse a déclaré attributaire provisoire, le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR pour un montant toutes taxes comprises (TTC) d’un milliard deux cent quatre- vingt-treize millions neuf cent quatre-vingt-neuf mille quatre cent vingt-quatre (1 293989424) francs CFA.
Après l’avis de non objection de la Direction nationale du contrôle des marchés publics (DNCMP) donné par lettre n° 2606/MEF/DNCMP/DRMP du 09 août 2018 sur le rapport d’évaluation des offres, la personne responsable des marchés publics du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a, par lettre n° 828/MAEH/Cab/PRMP datée du 10 août 2018, informé tous les soumissionnaires y compris le groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION des résultats provisoires de l’appel d’offres susmentionné et corrélativement du rejet de son offre.
Non satisfait, te- groupement, CEJA-MRJF CONSTRUCTION a, par requête enregistrée le 20 août 2018, saisi: le Comité de règlement des différends pour contester le rejet de son offre.
LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS
Le groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION conteste 1es résultats provisoires de l’appel d’offres susmentionné et soutient à l’appui de son recours:
-que l’autorité contractante a attribué le marché au groupement TIMIAM
Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR alors que, pour avoir fourni des informations inexactes sur la situation financière et les chiffres d’affaires annuels· des activités de construction de l’un de ses membres au cours des années’ 2014, 2015 et 2016, en l’occurrence l’entreprise TIMIAM Sarl, ledit groupement ne dispose d’aucune crédibilité susceptible d’attester qu’il répond aux critères de capacité financière du dossier d’appel d’offres;
-qu’il tient à rappeler que les déclarations de bilans et de chiffres d’affaires faites par le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR dans le cadre de la procédure d’appel d’offres sus-référencée sont celles qui avaient déjà été reconnues fausses et servi de motif de rejet de son offre dans deux procédures de marchés publics déroulées respectivement par le ministère des mines et de l’énergie et le ministère des infrastructures et des transports au cours de l’année 2017 ;
-qu’en effet, dans le cadre de la procédure passée par le ministère des mines et de l’énergie, l’entreprise TIMIAM Sarl, chef de file du groupement susnommé, avait fourni au titre des années 2014,.2015 et 2016, des bilans mentionnant des chiffres d’affaires respectifs de 718425972 francs CFA, 938 174636 francs CFA et 874 657 000 francs CFA alors que lors des formalités relatives à ses obligations fiscales, elle avait déclaré des montants de 155 350 francs CFA, 3 610 050 francs CFA et 655 680 francs CFA à l’Office togolais des recettes (OTR) ;
-qu’il s’étonne qu’après avoir relevé la répétition des fausses mentions obérant la capacité financière du groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR dans le cadre de la présente procédure, la DNCMP ait entériné l’attribution du marché audit groupement, malgré les avis contraires qu’elle avait émis dans ses correspondances antérieures;
-qu’il voudrait attirer l’attention du Comité de règlement des différends sur le fait que ce revirement qui n’est pas la suite logique à donner à une violation constatée de la réglementation des marchés publics en vigueur, mérite d’être réformé et l’entreprise récidiviste sanctionnée;
-qu’en tout état de cause; malgré les corrections effectuées par la sous-commission d’analyse-sur son offre évaluée conforme aux critères du DAO, celle-ci demeure la moins disante après celle du groupement susnommée et présente tout autant de l’intérêt pour l’autorité contractante ;
-qu’au regard de ce qui précède, il estime être injustement évincé de l’attribution du’ marché et demande au Comité de règlement des différends de bien vouloir, le rétablir dans ses droits.
LES MOTIFS DE L’AUTORITE CONTRACTANTE
Dans son mémoire, en réponse, l’autorité contractante soutient:
-que les informations relatives aux bilans et chiffres d’affaires fournies par l’entreprise TIMIAM’ Sarl ne sauraient être considérées fausses, dans la mesure où le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR a fourni au cours de l’évaluation des offres à titre de complément d’informations, la, notification de redressement fiscal adressée par OTR à ladite entreprise qui’ confirme tout au moins les chiffres d’affaires des, années 2015 et 2016 mentionnées dans son offre;
-que la DNCMP ayant été consultée sur la suite à donner à l’information transmise, celle-ci a recommandé de ne prendre ,en compte que les chiffres d’affaires des années 2015 et 2016 confirmés par l’OTR et celui de l’année 2014- initialement déclaré par l’entreprise TIMIAM-Sarl au fisc pour l’évaluation du chiffre d’affaires annuel moyen;
-qu’à plus forte raison, la vérification du chiffre d’affaires annuel moyen du groupement suivant la démarche sus-exposée, a permis à la sous-commission d’analyse de s’assurer que le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR et ses membres répondent pour l’essentiel au critère du chiffre d’affaires annuel moyen des trois dernières années fixé dans le DAO;
-qu’en outre, sur recommandation de la DNCMP, l’entreprise TIMIAM a dû fournir dans le délai réglementaire de sept (7) jours calendaires à l’autorité contractante, un quitus fiscal à jour délivré par l’OTR attestant qu’elle n’est plus redevable envers le Trésor public de la somme de 507 655 553 frants CFA relevée dans la notification de redressement fiscal qui lui a été adressée;
-qu’au regard de ‘tout ce ‘qui précède, elle demande au Comité de règlement des différends’ de bien vouloir déclarer non fondé le recours du groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION et d’ordonner la mainlevée de la mesure de suspension prononcée· par décision n° 044-2018/ARMP/CRD du 23 août 2018.
OBJET DU LITIGE
Il résulte des faits, prétentions’ et moyens des parties que le litige porte sur la sincérité des montants des .chiffres d’affaires produits par le groupement TIMIAM, Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR au titre de sa capacité financière.
EXAMEN DU LITIGE
AU FOND
Considérant que le groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION reproche à l’autorité contractante d’avoir attribué le marché au groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR alors que celui-ci a fourni dans son offre des chiffres d’affaires falsifiés comme ce fut le cas dans d’autres procédures antérieures où il a vu ses offres rejetées pour avoir produit de faux bilans;
Considérant que suivant le point 2.2 de l’Annexe A des critères de’ qualification du dossier d’appel d’offres, il est requis de chaque candidat d’avoir un minimum de chiffres d’affaires annuel moyen des activités de construction d’un montant au moins égal à la moitié de son offre financière au cours des trois dernières années (2014, 2015 et 2016);
Qu’en réponse à cette exigence, le groupement TIMIAM Sarl IENTREPRISE
DE L’AVENIR a fourni dans son offre les’ états financiers des années 2014, 2015 et 201_6 de l’entreprise’ TIMIAM Sarl dont les montants des chiffres d’affaires sont respectivement de 718 425 972 francs CFA, 938 174636 francs CFA et 874 657 000 francs CFA;
Considérant que l’instruction du dossier fait ressortir que les états financiers produits par l’attributaire provisoire sont effectivement identiques à ceux que ce soumissionnaire avait précédemment fournis dans le cadre de l’appel d’offres n°002/2017/MME/Cab/PRMP/PDGM du 22 décembre 2017 du ministère des mines et de l’énergie relatif à la réhabilitation des bâtiments et salles de travaux pratiques de chimie et de géologie à la faculté des sciences de l’Université de Lomé, et celui n°1613/MIT/Cab/SG/DGTP/DPIR du 24 novembre 2017 du ministère des infrastructures et des transports relatif aux travaux d’entretien courant et d’élimination des points; critiques sur les pistes rurales dans les cinq régions du pays ;
Considérant que suite à des vérifications effectuées auprès de l’Office togolais des recettes (OTR) par la Direction nationale du contrôle des marchés publics (DNCMP) lors de l’examen des rapports d’évaluation soumis à son contrôle par les autorités contractantes suscitées, il s’est avéré que les montants des chiffres d’affaires des’ états financiers de l’entreprise TIMIAM Sarl que le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR a fournis dans ses offres ne concordent pas avec ceux qui figurent dans les états financiers que l’entité l’entreprise TIMIAM; Sarl a transmis au service des impôts au titre des années 2014, 2015 et 2016 et qui se chiffrent respectivement à 155 350 francs CFA, 3610050 francs CFA et 655680 francs CFA;
Que tirant les conséquences de ces contradictions, le ministère des Mines et de l’Energie et le ministère des Infrastructures et des Transports ont, suivant les recommandations de la DNCMP, évincé le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR du processus d’attribution des marchés concernés pour avoir fourni de faux états financiers;
Considérant que dans le cadre de la procédure initiée par le ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche, le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR a fourni respectivement pour les années 2014, 2015 et 2016 les états financiers aux montants suivants: 718 425 972 francs CFA, 938 174 636 francs CFA et 874 657 000 francs
CFA·
Considérant que ces montants correspondent exactement à ceux fournis par le même groupement dans le cadre des procédures antérieures suscitées et pour lesquels il avait été disqualifié ;
Considérant qu’il résulte d’une analyse recoupée des pièces du dossier que les montants des états financiers de l’entreprise TIMIAM Sarl produits dans l’offre du groupement TIMIAM Sarl /ENTREPRISE DE L’AVENIR sont fictivement rehaussés afin de satisfaire à l’exigence de chiffres d’affaires posée par la clause 2.2 de l’Annexe A des critères ‘de qualification du dossier d’appel d’offres et que les états financiers déclarés par la même entreprise à l’administration fiscale ont été volontairement minorés pour réduire le montant des impôts et taxes à payer au Trésor Public;
Que les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est surprenant que, s’agissant de l’appel d’offres en cours, l’autorité contractante n’ait pas tiré toutes les conséquences liées à la production d’états financiers aux montants incorrects par ce soumissionnaire;
Que pour se justifier, le ministère de l’agriculture de l’élevage prétend que J’entreprise TIMIAM· Sarl a d:éjà fait l’objet d’un redressement fiscal et que le groupement TIMIAM Sarl/ENTERPRISE DE L’AVENIR lui a produit, à la demande de la DNÇMP, un quitus fiscal établissant qu’elle n’est plus redevable du montant à elle infligée à titre de pénalité;
Considérant qu’en tout état de cause, la notification du redressement fiscal sur pièces pour des faits de déclaration fiscale minorée ne saurait être assimilé à un blanchiment des états financiers inexacts pour qu’ils soient utilisés pour le futur en toute impunité par l’entreprise Indélicate; que dès lors, qu’il est incontestablement établi que les états financiers produits par le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR sont inexacts, ce soumissionnaire doit être disqualifié du processus d’attribution du marché;
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Qu’au regard de ce qui précède, il convient de déclarer le recours du groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION fondé et d’ordonner à l’autorité contractante de rejeter l’offre du groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR de l’attribution du marché pour production d’états financiers manipulés.
DECIDE:
1) Déclare le recours du groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION fondé;
2) Ordonne en conséquence l’annulation des résultats provisoires de J’appel d’offres ouvert n00161/2017/MAEH/Cab/PRMP/DPA du 27 octobre 2017 et la reprise de l’évaluation des offres;
3) Dit que le groupement TIMIAM Sarl/ENTREPRISE DE L’AVENIR est disqualifié de la suite dudit processus;
4) Dit que la présente décision est immédiatement exécutoire nonobstant toutes voies de recours
5) Dit que le Directeur général de l’A~MP est chargé de notifier au groupement CETA-MRJF CONSTRUCTION, au ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, ainsi qu’à la Direction nationale du contrôle des marchés publics, la présente décision qui sera publiée.
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS (CRD)
Madame Ayélé DATTI
LES MEMBRES
Konaté APIT A
Kuami G/méli ODONOU
Source:L’Alternative

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