Pour la première fois le Togo a une femme au perchoir de l’Assemblée nationale. Pour la première fois, c’est une femme qui est chef du gouvernement. Pour la première fois également, le Secrétariat général de la présidence de la République est confié à une femme. Pour la première fois par ailleurs, le porte-parolat du gouvernement sera assuré par un duo composé de deux ministres aux styles opposés.

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Christian Trimua reconduit ministre des Droits de l’homme et Akodah Ayewouadan qui fait son entrée en tant que ministre de la Communication et des médias, sont les deux porte-parole du gouvernement Victoire Tomégah-Dogbé. Un poste qui est resté officiellement vacant depuis que Pascal Akoussoulèlou Bodjona a quitté les affaires en 2012, et assuré de façon tacite par Gilbert Bawara.

Pascal Bodjona, “le boulanger”

Pour beaucoup d’observateurs de la vie politique togolaise, Pascal Bodjona était le meilleur à ce poste. Il avait l’art de convaincre même s’il avait tort. Il savait capter la bienveillance de ses interlocuteurs même si ces derniers ne l’aimaient pas particulièrement. Les interminables dialogues politiques (CPDC, CPDC rénové) étaient des occasions en or données à Pascal Bodjona pour prouver qu’il était fait pour le poste de porte-parole du Gouvernement. Un des faits d’armes de l’ancien porte-parole du gouvernement Houngbo reste son altercation avec Délava Codjo, représentant de l’Union des forces de changement (UFC) à Togo 2000 où les travaux de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avaient été circonstanciellement délocalisés lors de l’élection controversée de mars 2010. Avec la presse, l’ancien directeur de cabinet de Faure Gnassingbé trouvait toujours des mots justes pour donner l’impression à ceux-ci qu’ils étaient des amis. Comme Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, Bodjona était le “boulanger” du Togo.

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Gilbert Bawara, un style cash 

Gilbert Bawara, c’est plutôt le style direct. Parfois sans prendre de gants, le ministre de la Fonction publique dit les choses selon ses convictions. Quitte à déplaire aux interlocuteurs de l’opposition qui voient en lui un ministre “arrogant”, sans égard pour personne. Mais pour l’intéressé lui-même, “si la politique consiste à dire le contraire de ce qu’on pense et ce en quoi en croit, alors je ne suis pas politicien”. “Gilbert Bawara ne sait pas mâcher ses mots. Quand il pense quelque chose, il le dit cash!”, confie un acteur de l’opposition qui semble plutôt trouver que c’est une qualité.

De fait, Gilbert Bawara fait partie des hommes de confiance de Faure Gnassingbé. C’est l’homme du premier cercle. “Le fauteuil présidentiel ne l’intéresse pas. Il veut juste servir le président de la République. Du coup, il ne trouve pas l’intérêt d’habiller le mensonge”, suggère un membre de l’entourage de Faure Gnassingbé. Pour autant, Gilbert Bawara aura-t-il été le meilleur porte-parole du gouvernement? En tout cas, même dans l’ombre, l’ancien ministre de l’Administration territoriale est un élément essentiel pour Faure Gnassingbé dans les relations du gouvernement avec l’ensemble des autres forces du pays.

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Christian Trimua et l’opinion 

Les deux ministres ont deux choses en commun: le droit et l’éloquence. Le premier est un agrégé en droit public, le second un agrégé en droit privé. Ils ont tous le verbe haut, le charme de la langue française. En plus de leur jeunesse.

Mais pris individuellement, Christian Trimua est perçu par une partie de l’opinion nationale comme un “va-t-en-guerre”, même s’il a le style soft. Sa fameuse phrase “Alors, prenez les armes et faites ce que vous voulez, madame” prononcée dans un débat sur Africa 24 pour répondre à une représentante de l’opposition qui lui rappelait les circonstances dans lesquelles Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir en 2005, n’est pas encore effacée des mémoires. Sa promesse non tenue sur la livraison pour juillet 2020 de l’hôpital de référence fait désormais douter de sa parole d’homme d’Etat. Saint Pérégrin est restée Pour beaucoup, ces propos sont indignes d’un ministre qui a la charge de veiller à la protection des droits humains. Espérons que Christian Trimua, porte-parole du gouvernement, sera différent de Trimua, simple ministre.

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Akodah Ayewouadan, le discret 

Le Pr Akodah Ayewouadan est très discret. Il est plus connu dans les amphis que sur la scène politique togolaise. Mais ses rares apparitions sur les médias avant sa nomination comme ministre renseignent suffisamment sur sa capacité à discuter avec les autres. Sur une radio locale peu après son entrée au gouvernement, le professeur agrégé des facultés de droit a déjà fait la part des choses. Pour lui, la dualité du porte-parolat est un atout pour le gouvernement. « L’idée, c’est d’avoir une certaine souplesse et une certaine disponibilité pour que l’action du gouvernement puisse être systématiquement expliquée au plus grand nombre et ouvrir un accès au gouvernement par le biais des porte-paroles», a-t-il expliqué. « Nous sommes en lien continu, nous discutons tout le temps, nous harmonisons nos vues avant d’aller sur le terrain », a promis le tout nouveau ministre de la Communication et des médias. Saura-t-il faire mieux que Pascal Bodjona?

Ambroise DAGNON

Courrierdafrique.net

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