Face au forcing du régime de Faure Gnassingbé qui a décidé d’une part d’organiser une farce électorale en violation de la feuille de route de la CEDEAO du 31 juillet 2018 et d’autre part de rejeter la proposition de l’expert sénégalais sur les réformes constitutionnelles, plusieurs observateurs se posent des questions sur le silence assourdissant des chefs d’Etat de la CEDEAO. Complicité, aveu d’impuissance ou corruption ? Chacun y va de son commentaire. Une chose est certaine, des hauts fonctionnaires de la CEDEAO sont déjà passés à la caisse de Lomé2. Selon plusieurs sources, un s’est d’ailleurs plaint de n’avoir pas été suffisamment intéressé avant qu’on ne lui double la mise. C’est aussi la triste réalité des organisations régionales ou supranationales en Afrique et peut-être ailleurs. Le sort de tout un peuple se joue avec quelques billets de banque.
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A entendre la manière dont le commissaire Francis Behanzin s’oppose à certaines initiatives sur le cas togolais à la Commission de la CEDEAO, on peut valablement se faire une idée de ses motivations. Pour les Togolais, la CEDEAO pue la corruption, les crimes et la solidarité dans le mal. En 2005, le monde entier a vu comment des chefs d’Etat de la CEDEAO et quelques fonctionnaires véreux, pour peu ou beaucoup, c’est selon, ont changé dramatiquement le destin de ce pays. Mamadou Tandja, Olusegun Obasandjo, Blaise Compaoré, Mohammed Ibn Chambas, Aichaitou Mindaoudou, Adrienne Diop, Mai Manga Boucar, ces noms et bien d’autres rappellent de bien triste, souvenirs pour les Togolais (1000 morts et plusieurs milliers de réfugiés). Plus de 13 ans après, les approches de résolution du cas togolais sont presque les mêmes, même si certains acteurs ne sont plus en jeu. Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé n’étaient pas des chefs d’Etat en 2005 au moment où Faure Gnassingbé prenait le pouvoir après un coup d’Etat constitutionnel sur fond de massacre. Mais aujourd’hui pour diverses raisons, ils sont les plus grands soutiens de Faure Gnassingbé au sein de la CEDEAO. Le premier bénéficié du soutien de la dynastie Gnassingbé pour accéder au pouvoir en Côte d’Ivoire.
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Le Togo depuis le temps de Gnassingbé Eyadema et le Burkina Faso de Blaise Compaoré ont été les bases arrières qui ont servi à déstabiliser le régime de Laurent Gbagbo. C’est le contingent togolais de l’ONUCI dirigé par le Général Gnakoudè Bérena, appuyé par les troupes françaises, qui a donné l’assaut au palais présidentiel pour dégager Laurent Gbagbo. A la chute de ce dernier, plusieurs barons du FPI se sont réfugiés à Lomé. Faure Gnassingbé n’a pas hésité à livrer certains pieds et mains liées à l’actuel homme fort d’Abidjan. Le cas le plus emblématique est Moïse Lida Kouassi. En 2015, en pleine mascarade électorale, c’est Alassane Ouattara qui est venu à Lomé apporter sa caution aux résultats frauduleux de la CENI, en compagnie du président Ghanéen d’alors John Mahama ; et ceci, après avoir menacé les leaders de poursuites s’ils appelaient le peuple dans les rues. Alassane Ouattara et son entourage entretiennent des relations privilégiées avec le régime de Lomé. Hamed Bakayoko, Guillaume Soro entretiennent leurs relations avec Lomé dans la perspective de la succession d’Alassane Ouattara en 2020 si cette dernière se concrétisait réellement. La situation en Côte d’Ivoire étant très complexe du fait de la guerre des clans, n’ayant plus de base arrière au Burkina Faso depuis la chute de Blaise Compaoré en 2014, Alassane Ouattara et les chefs des clans qui s’affrontent autour de lui pensent que Lomé pourrait être une base arrière pour eux, d’où la bienveillance ou le soutien apporté à Faure Gnassingbé dans la crise qui secoue le Togo. Quant à Alpha Condé, le pseudo démocrate opposant de plus de 40 ans qui tient aujourd’hui la Guinée d’une main de fer, il n’envisage pas de quitter le pouvoir en 2020 après son second mandat et du haut de ses 80 ans. Pour y arriver, il est prêt à mettre le chaos dans son pays. Dans cette logique de conservation du pouvoir avec son corollaire de violence inouïe sur les populations, Faure Gnassingbé reste pour lui un allié et les deux hommes se comprennent bien.
Les responsables de la C14 ont été sérieusement prévenus de la roublardise de ce monsieur depuis qu’il s’est invité dans la crise togolaise d’abord, sous le manteau de l’UA, ensuite avec l’assentiment de la CEDEAO. Il a réussi à dompter certains leaders de la C14 en les manipulant d’une part contre le facilitateur du Ghana Nana Akufo-Addo d’une part et en leur promettant d’arracher des concessions du régime de Lomé d’autre part. Au bout du compte, il s’est bien moqué de la C14 en les roulants dans la farine. Lors de la dernière visite de la C14 à Conakry, il a promis à ceux qui, naïvement, continuent de croire en ce manipulateur, qu’il fera tout pour que le processus électoral se conforme à la feuille de route et que la CENI soit pilotée par un homme neutre.
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Aujourd’hui face au coup de force électoral du régime, Alpha Condé s’est muré dans un silence assourdissant. C’est l’axe Abidjan-Conakry qui a œuvré intensément au sein de la CEDEAO pour torpiller la médiation méthodique ghanéenne poussant Nana Akufo-Addo à prendre un peu ses distances de la crise togolaise. Cette facilitation bicéphale que la C14 n’aurait jamais dû accepter a finalement servi les intérêts du régime. Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé se servent de la crise togolaise pour les enjeux internes de leurs pays en 2020.
Au regard de ces combines, de ces jeux d’intérêts, les populations togolaises n’ont qu’une seule solution: prendre leurs responsabilités face au régime totalitaire qui bloque le Togo depuis 50 ans.
Source : L’Alternative No.758 du 07 décembre 2018

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