« On ne change pas une équipe qui gagne », soutient un adage bien populaire. C’est dire que derrière toute équipe qui gagne se cache une méthode qui gagne. Et si par contrario il existe une équipe qui ne gagne pas, c’est qu’elle fait usage d’une méthode qui perd. Une partie de l’opposition togolaise, nous croyons savoir, fait usage depuis les années 90 d’une méthode qui perd. Et puisqu’elle est obligée de se mettre ensemble pour être forte, les méthodes des uns affaiblissent les efforts des autres. Loin de vouloir casser la baraque, il nous semble que qui aime bien doit bien châtier. Nous aimons notre opposition, non pas pour seuls beaux yeux, mais pour son engagement pour la bonne cause et il est de notre devoir de dire certaines vérités.

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Depuis que l’argent a remplacé toutes les valeurs au Togo, surtout en politique, un autre adage a triomphé du bon sens : « on ne refuse pas l’argent », pour ne pas dire « l’argent n’a pas de couleur ». Le pire est que, même quand cet argent provient des milieux au pouvoir, l’argument ne manque pas : « c’est notre argent, il faut prendre leur argent pour les combattre ». Au nom de ces philosophies aussi légères qu’en crise avec le bon sens, certains politiques sont devenus des hommes d’affaires et les stratégies de lutte rament.

La République est prise en étau entre, d’un côté, les voleurs de la République qui dirigent et qui ont envie d’acheter le silence de tout le monde pour piller à vie et, de l’autre côté, ces leaders de l’opposition qui marchandent leur silence. Certains marchandent leur représentativité contre des prébendes que la race aux affaires veut bien laisser tomber pour eux. Si on ne prend garde, la lutte politique au Togo risque d’être un terrain où les acteurs se partagent des rôles en faisant croire qu’ils luttent pour arracher une alternance. On risque de se retrouver avec des gens qui font la guerre des éhontés comme disent les juifs. C’est une guerre où des gens vendent leurs âmes à l’adversaire tout en faisant sur le terrain une mise en scène pour faire croire qu’ils sont en guerre. Quand cette tragicomédie se joue sous une dictature où la société civile, n’existe que de façon embryonnaire étant donné ses limites dans la capacité de mobilisation, il y a de quoi s’inquiéter. Il faut rappeler qu’au Togo, la dictature a déjà immolé les organisations de la société civile, les unes sont enterrées par l’achat de consciences, les autres par la peur du gendarme. Elles se réveillent ces derniers temps, mais la route est encore longue. De père en fils, d’un côté, la monarchie dirigeante est restée inchangée dans ses méthodes et ses hommes. De l’autre côté, les générations d’opposants se succèdent et se ressemblent par le résultat de leur lutte. Mais, puisque « tout être humain est plus le fruit de son époque que de son père », la nouvelle génération de Togolais est formatée par son époque et donc les vieilles méthodes ne portent plus fruit en politique.

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La lutte de libération au Togo fut et reste encore plombée par des commerçants politiques. Qu’on ne se fasse pas d’illusions, les Togolais ne luttent pas pour une alternance mais pour une libération. La traversée du désert a trop duré pour qu’on parle d’une simple alternance. Il est question d’une libération analogue à celle qu’ont arrachée les pères des Indépendances. Dans ces conditions, il est vrai, contre une dictature qui a cumulé un trésor de guerre de cinquante ans, il est difficile, voire impossible de combattre les poches vides. C’est en cela qu’on peut trouver des circonstances atténuantes à certains démarcheurs politiques qui ont décidé, mains et pieds liés, d’utiliser les moyens de la dictature pour combattre la même dictature. Mais la méthode est légère, immorale et malsaine et elle l’est plus quand on sait que les résultats de cette lutte, qui fait ainsi feu de tout bois, se font attendre. C’est ainsi qu’il y a quelques années, alors que feu Eyadema était encore vivant, une race d’opposants a fait la pluie et le beau temps. Edem Kodjo, Yaovi Agboyibo, Gnininvi Leopold, Zarifou Ayéva, Gil Christ Olympio, Tavio Amorin, Djobo Boukari, il serait prétentieux de les avoir tous sur une liste. La dictature s’était débarrasser des uns en mettant fin à leur vie, les autres sont obligés d’aller observer la scène de leur lieu d’exil, une autre vague est restée au pays mais avec quelle marge de manœuvre ? Bref, chacun, avec les instruments de lutte de son époque, a fait voir de toutes les couleurs à la dictature et la République leur tire un coup de chapeau. La plus belle femme ne pouvant donner que ce qu’elle a ! Néanmoins, le dénominateur commun de ces combattants de la liberté est que personne, jusqu’ici, n’a pu libérer les Togolais du néo-colon. Entre autres raisons d’une telle situation, il y a le fait que, à un moment donné, le pouvoir de l’argent a fait son œuvre.

Autant que des situations floues riches en interprétations, les exemples d’opérations de corruption existent à provision. Alors que celui qui s’est fait baptiser père de la Nation était encore aux affaires, il y a de ces opposants dont le nom faisait rigoler certains barons qui n’hésitent pas à répondre : « il n’y a que l’opposition pour considérer ceux-là comme des opposants ». C’est dire qu’une race a très tôt appris à manger avec le régime en place et celui-ci a du mal à la considérer comme appartenant à l’opposition. Comme dira l’autre : « quand un crabe te dit que le poisson ronfle, il ne faut pas nier ». Au gré des moments, les contestations populaires au Togo évoluent comme la température d’un corps sous excès de fièvre, le mercure monte et retombe sans jamais parvenir à une solution durable. Dans les derniers moments du timonier national, le climat politique n’a pas été de tout repos. Contre ses velléités monarchiques et sa gestion unilatérale de la République, ils étaient nombreux, ces opposants, vent débout, contre Eyadema. Mais il a suffi, après des jeux de couloir, que de faramineuses sommes d’argent quittent Lomé pour le Maroc. Au Royaume chérifien, les sous passeront deux bons mois sous des pratiques spirituelles. Du Maroc, la manne ira faire quelques semaines au Sénégal pour les mêmes motifs. Du Sénégal, la destination finale sera Bruxelles. De là, une bonne fourchette de ceux qu’on appelle désormais les «has been» de l’opposition togolaise se succéderont chacun pour se servir.

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Des leaders de l’opposition, dont nous gardons les noms, dans cet achat de conscience en masse se sont immensément enrichis, mais la lutte n’a fait que reculer. Pire, par la gourmandise de certains chefs de parti, cette opération n’a contribué qu’à fragiliser et enclencher la dislocation de certaines formations qui d’ailleurs ne s’en remettront jamais. Depuis ce temps, les querelles sont nées dans des états-majors de l’opposition, car tout trésor mal acquis souffre toujours d’un mauvais partage. Encore que certains gourous n’ont pas eu le courage de faire le partage croyant que leurs lieutenants ne seront pas informés de cette opération secrète de masse. A ces genres d’opérations, il faut ajouter le fait que, pour ne pas laisser de traces, au gré des moments, le traitement de certains opposants ne se faisait pas directement à Lomé II. Le Gabon d’Omar Bongo, la Libye de Khadafi, le Burkina-Faso de Blaise Compaoré pour ne pas oublier la Côte d’Ivoire de Ouattara, ces pays en savent beaucoup. Ils sont autant d’officines par où une certaine opposition avait des robinets financiers. Et pourtant, ces opposants sont conscients que les dictatures africaines sont interconnectées et travaillent l’une pour l’autre. Ainsi s’affaiblissait l’opposition sous Eyadéma qui a eu de quoi bien finir ses jours. Ces méthodes de gestion financière des opposants de l’étranger ont continué après la mort d’Eyadéma. La dictature reprend du poil de la bête. Eyadéma se fait succéder dans des conditions rocambolesques où l’argent a encore circulé dans l’espace CEDEAO pour aligner les avis derrière la succession controversée.

La mort d’Eyadema a consacré la fin d’un mythe, celui de Gilchrist. Le fils du père de l’indépendance n’avait plus de raisons valables pour continuer son exil. Il avait échappé aux opérations de charme qui avaient emporté certains amis en son absence. Mais lui aussi ne tardera pas à se faire emballer dans un accord aux contours flous qui permettra à sa formation politique de prendre place autour de la table. Gilchrist Olympio n’est donc pas resté un rescapé des achats de conscience pour longtemps. Il avait représenté valablement les aspirations du peuple. Mais lui aussi s’aventure en 2010 dans un accord sans issue et trahit son peuple au prix de plusieurs milliards, des postes de responsabilités et avantages reçus de la dictature. Très tôt, les Togolais ont compris le jeu. L’UFC, Union des Forces du Changement, de l’opposant préhistorique s’est dégonflée comme un ballon d’essai. Cette compromission accouche d’un parti transfuge, l’ANC : Alliance Nationale pour le Changement. Oui, le « Changement », les Togolais ont encore de belles raisons d’en rêver, mais l’attente dure. Avec l’ANC, la présidentielle de 2015 vient semer un flou au point où l’opinion continue par se demander si l’ANC est allée à l’école de l’UFC. Présentement certains estiment que notre plume a changé vers une lune de miel avec un autre parti. Tout en respectant leur avis, nous inviterons tout simplement les intéressés à retourner dans nos écrits depuis 2010 pour nous dire avec qui on convolait et combien il a payé pour ces services et risques qu’on bravait pour ce que nous estimons être la bonne cause. Nous avons lutté et nous le feront pour la cause du bas peuple. Si par un hasard de calendrier les aspirations d’une formation politique se marient avec les attentes des peuples et donc notre ligne éditoriale, chacun est libre de ses interprétations.

En 2015 donc, l’on se rappelle que l’ANC de Jean Pierre Fabre a juré terre et ciel de ne pas se présenter aux élections présidentielles « sans reformes ». C’était aussi ce que pensait la majorité des Togolais, nous avons abondamment accompagné cette communication. Mais à la dernière minute, sans crier gare, le parti orange mange son totem et se présente à l’élection sans réformes sachant bien que ce choix valait un échec de trop. La «victoire» du jeune monarque sur le candidat de l’ANC n’a surpris personne. Mais cette présidentielle portait bien en elle une surprise : le silence de l’ANC. Ce parti a été victime d’un vote truqué par les mêmes vieilles habitudes. Avant, pendant et après ce processus, notre Rédaction était une des rares, dans un environnement où la plupart des médias ne roulent que pour le plus offrant, à défendre les causes et aspirations de cette formation politique. Jusqu’à un passé récent, nous avions balayé d’un revers de la main les mauvaises langues qui laissaient entendre que le silence de l’ANC après la fraude de 2015 a été le fruit d’un marchandage pécuniaire avec la dictature. L’argent a-t-il effectivement passé par là ? La participation à une élection dans des conditions choisies par la dictature était-elle un choix délibéré pour légitimer une fraude afin d’en récolter les lauriers ? Les Togolais ne finiront pas de s’interroger tant les raisons avancées par le parti pour se justifier ne convainquent aucun profane. La seule certitude est que après la présidentielle de 2015, le temps passait et l’ANC, à son tour, commençait à s’essouffler comme l’UFC en 2010. Alors est née la coalition dans des conditions connues de tous.

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L’actuelle mise en scène de l’ANC au parlement

Une crise est née d’une situation difficile et la CEDEAO s’y est sentie interpelée. Un dialogue s’ouvre entre la dictature et la coalition sous l’arbitrage du regroupement régional. Précédemment, il existait une CENI aux couleurs de la dictature en place. Et cette dernière aurait souhaité aller aux élections avec cette CENI dans son ancienne configuration. La CEDEAO, en bon parrain, tape du poing sur la table et la dictature, bon gré mal gré, s’accommode avec une nouvelle CENI paritaire de 8 membres de chaque côté. Tout comme le pouvoir, la coalition doit choisir 3 membres de l’opposition extraparlementaire et 5 autres membres de l’opposition parlementaire. La coalition, regroupement de 14 partis politiques, est l’interlocuteur reconnu par la CEDEAO. Elle a 5 partis politiques parlementaires, ANC, ADDI, DSA, FDR et le CAR. Tous sont aussi membres de la coalition. La CEDEAO accorde donc 5 places à l’opposition parlementaire. Contre les bonnes manières, l’ANC se taille la part du lion en gardant 3 places alors que tous les cinq partis n’en ont pas eu. Ce n’est pas un simple hasard si la CEDEAO a accordé 5 places alors qu’il y a, au même moment, 5 formations politiques. Tous les arguments étaient bons pour justifier cette malsaine façon d’agir de Fabre et ses lieutenants. Les autres formations qui n’ont pas eu de représentation n’ont pas fait grand bruit. Sont-ils complexés devant l’ANC ou se fut un sacrifice pour éviter une crise interne afin de conserver la cohésion ? La certitude est qu’il n’y a pas eu crise. L’ANC a donc gardé les trois places. Pire, pendant le partage des places à la coalition, il y a eu de ces Messieurs qui avaient même le courage de démontrer qu’un parti comme le PNP n’avait pas droit à une place à la CENI. Passée cette étape du partage, il faut bien que le parlement acte pour l’entrée des personnes désignées à la CENI. Entre-temps, contre toute attente, le parti de celui qui s’est déjà fait appeler «the second man of the power», le même parti qui a une fois appelé à voter pour le parti au pouvoir, et qui est vachement représenté au gouvernement et dans autres sphères de décision au titre d’un accord de gouvernance avec la monarchie, réclame, lui aussi, à la CENI, une place en tant qu’opposition parlementaire. L’UFC n’est pas en droit de réclamer une place ni à l’ANC moins encore à la coalition. Peut-être au RPT-UNIR, son partenaire de tous les temps. Ceci est un bon sens qui crève les yeux. Actuellement, l’ANC est très amère et dénonce, de tout droit d’ailleurs, le fait que UNIR tente de lui retirer une place à la CENI pour son allié. Mais on se demande, au même moment, s’il faille en rire ou en pleurer car, si précédemment dans le partage des 5 places à la coalition, l’ANC avait eu la décence de donner à chacun des cinq ayant droit une place, de qui UNIR devait présentement avoir le courage de retirer un siège pour son partenaire? Tout ceci se passe au moment où l’UFC menace de faire des révélations. Ce qui se passe au parlement avec l’ANC est-il vraiment une tentative de la monarchie de tricher l’opposition ou bien une mise en scène de l’ANC afin de lâcher finalement une place pour faire économie des menaces de l’UFC ? En tout état de cause, l’opinion observe, l’ANC a l’obligation de récupérer sa place.

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Nous savons aussi que, sous certaines dictatures qui survivent de la compromission de leurs adversaires, souvent, avoir plusieurs places dans certaines sphères devient aussi un fonds de commerce à chaque fois que la dictature est en difficulté. Si d’aventure cette place était arrachée vers l’UFC, c’est l’ANC qui la lui aurait accordé, rien ne peut changer cela dans l’opinion. Nous croyons que le parti orange pèsera de son poids pour que cela ne soit pas, car accorder une place à l’UFC c’est accorder une place au RPT-UNIR, et quand c’est un chef de fil de l’opposition qui le fait ! On peut se demander s’il y a eu erreur ou si c’est un choix politique. La certitude est que, autant que les révélations, les comportements aussi peuvent faire tomber des masques en politique. Nous espérons que la dernière atmosphère surchauffée au parlement togolais ne sera pas une simple mise en scène pour faire croire qu’on lutte pour un peuple pendant qu’on marche sur des calculs. Décidément, quand on veut tout avaler, on croise la constipation.

Les coalisés de la coalition

Si en 2012 des journalistes ont joué un rôle en étant des personnes ressource dans la création du CST, Collectif Sauvons le Togo, ils en ont fait de même dans la naissance de l’actuelle coalition, la C14. Nous sommes de cette race et cela nous vaut tous les risques de la part de la monarchie. S’il y a donc des gens qui doivent souhaiter voir ce regroupement voler en éclats, c’est loin d’être nous. Cela n’empêche pas qu’on s’invite à la vigilance, car un jour le peuple nous demandera qu’avez-vous fait en tant que journaliste. Par rapport à la vie de la coalition, les derniers évènements et informations en notre Rédaction ne militent pas à nous dissuader du doute qui s’est installé dans l’opinion suite au mutisme du parti orange, après la triche dont il a été victime en 2015. Pendant tel voyage tel et tel ont reçu telles enveloppes de telle médiateur, pendant telle conférence ou dialogue tels colis a été transmis à tel leader, tel autre leader est un habitué des couloirs de Lomé II aux temps forts des contestations. De sources informées, un opposant a même joué un rôle à la veille des marches des 6 et 7 septembre 2017 pour que celles-ci chutent en un endroit qui arrange la dictature contre des sous. Ce n’est pas le moment d’en parler, et nous souhaitons que le comportement des gens nous aide à ne jamais en parler. Nous croyons encore qu’il est possible de se racheter. Si le Togolais est disposé aujourd’hui à pardonner la monarchie pour peu qu’elle décide de sortir par la bonne porte, c’est qu’il est autant disposé à pardonner les opposants qui auraient fait des erreurs d’appréciation dans les méthodes de lutte. Mais cela passe par le changement de comportement, on ne peut pas se repentir en gardant sa place sur le terrain du crime. D’abord cette méthode qui veut que dans la politique togolaise « on utilise la queue du singe pour l’attacher » a montré ses limites. Aucun financement reçu auprès d’une dictature ne peut permettre de combattre efficacement cette même dictature. De telles situations ne peuvent que créer méfiance et perte de crédibilité dans l’opinion. C’est une des raisons pour lesquelles, en Afrique, il n’est pas rare de voir des partis perdre la popularité en mine de rien comme si le temps s’est arrêté. Si les gens comptent sur le fait que le secret peut survivre au temps, c’est vrai aujourd’hui le secret peut bien se porter. Mais qu’ils sachent que s’ils ont vraiment des ambitions politiques, demain est un autre jour. Et au gré des évènements, une fois que la dictature sera renversée, c’est les mêmes porteurs de mallettes qui dévoileront aux Togolais les noms des bénéficiaires de leurs colis. Quand Sarkozi se faisait financer par la dictature libyenne, il ne savait pas que les évènements le rattraperont. Donc de grâce, il est encore possible de se ressaisir.

Bref l’argent est le plus mauvais des alliées dans une lutte de libération. Le Togo est bien riche, que les hommes d’affaires aident juste le peuple à normaliser le pays afin que le terrain soit libre pour leurs affaires. Si ceux qu’on peut appeler les coalisés de la coalition veulent continuer leur collision avec l’argent, en politique tous les choix sont permis. Ils sont donc libres, mais avec ou sans eux, il existera des leaders engagés qui savent lire les attentes des peuples pour poursuivre l’œuvre afin que ça tombe. Les symptômes sont ronflants, jamais en Afrique, un peuple ne s’est autant dressé contre ses dirigeants.

Impossible « alternative crédible ?»

Dans de telles situations ou au gré des intérêts et positionnements, on ne sait qui fait quoi, il n’est pas rare que des regroupements politiques soient inefficaces. Il est difficile d’obtenir le résultat quand, dans un travail de groupe, on n’a pas les mêmes intentions. Il est donc impossible de s’entendre pour faire un vrai travail d’équipe afin de proposer ce qui peut s’appeler « alternative crédible ». Voici la complexité du schéma togolais. Quand dans une lutte de libération l’argent et les ambitions personnelles deviennent les alliés de premier choix, les instruments de la lutte deviennent inefficaces. Et on se retrouve devant des situations où des gens deviennent improductifs en termes de stratégie politique comme s’ils faisaient leur premier pas en politique. Oui, la bouche qui mange ne parle pas, mieux, la bouche qui mange distrait la réflexion.

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Tikpi Salifou Atchadam

Tikpi Salifou Atchadam, s’est fait discret. Est-il au pays, en exil, au maquis, personne ne saura répondre. La seule certitude est que l’homme a de belles raisons de craindre pour sa vie. Il ne serait pas le premier à faire ce choix tout en étant devant une lutte.

De cette situation, le régime en place en tire un capital. Mais autant la dictature n’a pas intérêt à travailler pour faciliter la réapparition publique de l’artisan du 19 août, autant la coalition ne semble pas faire grand-chose pour son retour sur la scène et on finit par se demander qui finalement tire les marrons du feu d’une telle situation. Me Tikpi est plus utile absent que présent ? Ces interrogations sont d’autant plus fondées que ce n’est pas seulement la dictature qui fait de son absence un objet de raillerie. Autant le refrain «Atchadam Zewa» à Pya a fait du bruit, autant une certaine sortie des alliés d’Atchadam a fait du bruit tout récemment à Agoè-Zongo. Il vous souvient que lors d’un meeting de sensibilisation à Agoè-Kotokoli-Zongo à Lomé, le député Ouro-Akpo Tchagnao s’interrogeait « Atchadam Tikpi a pris la fuite après avoir donné un coup à un serpent, qui va couper la tête ?». Évidemment, on ne parle de couper la tête à un serpent que quand il est atteint, donc affaibli. On peut alors considérer la monarchie comme un serpent affaibli par la sortie du 19 août. C’est alors à se demander, si à 14, un individu affaiblit un reptile par un coup et prend la fuite, les 13 autres ne sont-ils pas capables de lui couper la tête ? En termes de mobilisation, sous réserve des pans de l’histoire qui peuvent nous échapper, ce que ce monsieur a réussi, aucun opposant en Afrique ne l’a réussi. Tout au plus on peut assimiler cette mobilisation aux manifestations planétaires qui contestaient l’Apartheid en Afrique du Sud. Jamais on n’a parlé autant du Togo dans le monde, jamais le Togolais ne s’est senti concerné par une lutte de libération de son pays. La coalition, malgré tout ce que la dictature fait pour la disloquer est restée soudée et débout. Elle porte des aspirations qui ont fait l’objet des thèmes d’un dialogue lequel a accouché d’une feuille de route après une conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la crise togolaise. Pendant tout ce temps, celui par qui cette situation est née, vit en cachette. Une feuille de route est née. Des dispositions prises, l’opinion était surprise de constater qu’aucun ne parle ni de la sécurité de Tikpi, moins encore de son retour. Toutefois, il est l’un des rares politiques à accepter la feuille de route comme une « victoire d’étape » dont il faut juste veiller à la mise en œuvre. Aux dernières nouvelles, il s’apprête à refaire surface, sans nul doute il y aura de quoi changer de visage à une lutte qui doit être achevée.

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Et si le temps donnait raison au PNP ?

A la sortie de la feuille de route, le PNP s’est estimé satisfait avec ce qu’il a désigné par « victoire d’étape ». Cela a failli lui coûter un procès d’intention pendant que d’autres formations estimaient qu’il faille renouer avec les marches, fustiger la feuille de route et raisonner la CEDEAO. La pression demandant les marches était tellement forte que, dans les états-majors du PNP vu aussi les informations à disposition, on finit par penser à un piège pour envoyer le PNP à l’abattoir. Inutile de rappeler qu’actuellement, en dehors des détenus de la société civile, tous les détenus politiques arrêtés suite aux manifestations sont du PNP. Mais le temps ne mettra pas du temps à donner raison à cette formation politique, si on doit me permettre cette tautologie. On sait désormais que la mise en œuvre de ces recommandations, très tôt saluées par le PNP, est devenue un grand danger que redoute la monarchie qui s’efforce à la contourner par des raccourcis afin d’imposer aux Togolais une élection sans reformes ; reformes que devait accoucher de la mise en œuvre de cette feuille de route. Ceux qui attendent les marches, ont bien raison. Il fallait observer une pause afin d’éviter de marcher pour marcher. Elles reprennent d’ici peu selon nos sources. Et la CEDEAO ne gardera plus longtemps ce que certains appellent le silence si on sait que la coalition se déplace pour la Guinée ce 27 octobre 2018 (reporté au 4 novembre 2018, NDLR).

La mascarade en cours avec la CENI, elle autre est un non évènement, tout sera repris. La politique n’est pas sorcier, il suffit à un leader d’être désintéressé et cohérent dans les prises de positions face aux évènements, c’est le temps qui fera de lui un prophète. Décidément, par rapport à la feuille de route, le temps a fait son palabre. Messieurs les opposants, trop d’incohérences dans votre lutte, vous n’avez plus la chance que les anciens leaders ont eue. Face à un peuple désormais debout, chers coalisés de la coalition, corrigez-vous vite pour être efficace et efficient afin du sésame tant attendu.

Abi-Alfa

Source : Le Rendez-Vous No.333 du 26 octobre 2018

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