Très à l’aise au micro des médias étrangers au détriment des organes de presse nationaux pour lesquels qu’il n’a aucun égard, le chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé retrouve la BBC, une radio londonienne pour un entretien sur la situation sociopolitique au Togo. Un exercice qui s’est déroulé en marge de son rendez-vous d’affaires à Londres dans le cadre du PND, Plan national de développement. Mais comme toujours, la sortie médiatique du président suscite assez de polémiques, et beaucoup évoquent même un mensonge d’Etat.
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Depuis un moment, les populations togolaises commencent à prendre l’attitude du chef de l’Etat togolais qui cultive assez souvent l’omerta quant à la situation sociopolitique délétère dans son pays. En clair, Faure Gnassingbé semble n’être pas très rusé dans ses « speech » politiques qui toujours, créent des polémiques. Il y a deux ans, dans l’une de ses sorties médiatiques, une phrase a retenu l’attention du public et provoqué des railleries sur la toile: « Je ne vois pas le rapport ».
Il s’agissait, en effet, d’une réponse assez laconique à une télévision française qui tentait vaille que vaille dans une interview de comprendre la dynastie togolaise, règne du père en fils, dans son demi-siècle de pratique du pouvoir d’Etat. D’autres situations qui frisent la roublardise ont suivi dont la déclaration du président togolais qui, lors d’un colloque international, rassurait les bailleurs de fond qu’aujourd’hui, en saison de pluie à Lomé, il n’y a plus d’inondations.
« Pour ceux qui connaissent Lomé, chaque année, à chaque des saisons de pluies, il y avait des sinistrés, il y avait des inondations, il y avait des victimes. Grâce à un programme de la banque mondiale, qui est un programme d’urgence de construction d’assainissement…on a construit de grosses canalisations, aujourd’hui, nous n’avons plus ce genre d’inondations à Lomé ». Une déclaration qui relève de la fiction puisque la réalité contraste avec le discours du président.
Pour preuve, les fortes pluies qui s’abattent depuis mars 2019 sur Lomé et sa périphérie ont causé au moins la mort de 3 personnes et provoqué d’autres dommages matériels aux populations qui sont prises en charge dans les camps de sinistrés repartis sur l’ensemble du territoire national.
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Qu’à cela ne tienne, tout ceci relève des habitudes du régime togolais où l’on affectionne de cacher la vérité au monde. La dernière sortie londonienne du président togolais a respecté la tradition. « Je ne saurai tolérer des manifestations avec des armes de guerre », dixit Faure Gnassingbé. Le président togolais est-il pris en flagrant délit de contrevérités ? Quand est-ce que les Togolais ont manifesté dans la rue avec des armes de guerre ? Les interrogations demeurent.
Cependant, la sortie du président Faure rappelle un épisode tragique de l’histoire politique de la nation togolaise, notamment les événements du 19 août 2017 qui remettent sur le tapis, les revendications politiques du peuple togolais sur les réformes constitutionnelles. Il s’agit, en réalité, de l’avènement du Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam.
À l’époque, le gouvernement tentait d’empêcher une manifestation annoncée par le PNP en imposant d’autres itinéraires à ce parti politique en violation de la loi du 16 mai 2011 qui fixe les manifestations pacifiques publiques au Togo.
« Le gouvernement a proposé au PNP des itinéraires et points de chute. Le PNP dit pas question et que eux, ils maintiennent (leurs itinéraires, ndlr). Nous n’allons pas envoyer des gens être observateurs… (mais) si jamais, un de nos éléments ou une tierce personne, ou un citoyen qui n’a rien à avoir avec la marche essuie un coup de feu venant des manifestants, la riposte, elle est immédiate. C’est ce que nous appelons la légitime défense, » a avancé la veille de la manifestation, le ministre de la Sécurité Yark Damehame après qu’il ait déclaré qu’« ils s’amusent avec le feu ». Le gouvernement avait aussi demandé aux militants du PNP de rallier le stade d’Agoè comme point de chute à Lomé et le stade de Sokodé pour la manifestation prévue dans cette ville.
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Le jour-j, 19 août, sans qu’officiellement, le pouvoir togolais ait annoncé que les manifestants ont ouvert le feu ou que « les éléments » du ministre Yark ont essuyé des coups de feu venant des manifestants pour justifier la légitime défense, des militants du PNP ont tués par balles, d’autres molestés, interpelés et envoyés derrière les barreaux. Dans la foulée, plusieurs images ont circulé sur les réseaux sociaux avec des gens qui brandissant des armes, habillés en rouge, couleur du parti qui manifeste.
Le PNP est alors accusé de détenir des armes de guerre. « Faux », rétorquent beaucoup de Togolais qui évoquaient la thèse de montage d’images par le régime togolais pour justifier un carnage prémédité.
Le leader du PNP a d’ailleurs démonté les images qui circulaient sur la toile : «Reprenez l’image (sur laquelle un homme avait un long chapelet et brandit une arme, ndlr). Regardez bien dans le coin droit en haut. Maintenant, quand vous quittez le coin droit vers la gauche (toujours en haut de l’image, ndlr), vous verrez que tous ces jeunes que vous avez en face, sont debout sur un mur. Donc l’image que nous avons, il y a un mur en face ; une sorte de briques de mur. Quand vous avancez jusqu’à l’extrême gauche de l’image, il y a une tribune. Et là, nous nous trouvons dans un stade. Or à Kara, nous ne sommes pas dans un stade, à Bafilo, on n’était pas dans un stade, à Sokodé, on n’était pas dans un stade, à Anié, on n’était pas dans un stade…alors, vous comprenez pourquoi les itinéraires qui nous ont été imposés parlent de stade, parce qu’ils nous ont imposé l’itinéraire selon lequel à Sokodé, on devait finir la marche dans le stade.
Ils avaient préparé la scène du crime à l’avance. Ils avaient l’image avant même la marche, alors ils attendent que nous rentrons dans le stade pour qu’ils publient cette image en disant, attention les manifestants sont armés. En ce moment, quelle que soit l’arme avec laquelle on aurait tiré des rafales sur les gens au stade, la répression aurait eu raison de nous puisque nous sommes armés. C’est pour ça, on veut nous pousser dans des stades pour un carnage prémédité. «Le PNP est un parti de musulmans et des gens violents. On a trouvé un homme qui a enroulé un chapelet kilométrique au cou et qui tient une arme. Violence et Islam, c’est eux qui font leur rapprochement» », souligne-t-il.
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Donc cette image qui a fait le tour du monde pour laquelle on nous accuse de rébellion ou je ne sais plus quoi, poursuit M. Atchadam, est un montage grotesque. Vous vous rendez compte qu’aucun sur l’image, ne porte le T-shirt PNP, malgré que la dernière fois, vous ne pouvez pas avoir un public de 10 personnes sans qu’au moins un parmi eux ait le T-shirt du PNP. Donc c’est une fausse image. Ils se plaignent qu’ils ont arrêté des armes venues d’ailleurs. Si les images viennent d’ailleurs alors pourquoi les armes que l’on retrouve sur les images ne viendraient pas d’ailleurs ?, conclut-il précisant que c’est la première image fausse.
Le leader du PNP est aussi revenu sur une autre image, celle sur laquelle, on pouvait voir des militaires armés et des civils, une image présentée comme des militaires arrêtés à Sokodé. « Les militaires que vous voyez sur cette image, dit-il, il n’y a pas un seul inquiet. L’image ressemble plutôt à une population sortie pour accueillir des libérateurs. L’ambiance montre que les civils et les militaires sont ensemble. Comment des militaires armés sont conduits facilement par des civils non armés ? Ils ont encore leurs armes, ils n’ont pas été désarmés. Et quand vous voyez le militaire qui est devant tous les autres, il y a un civil qui a son bras sur le dos de ce militaire. C’est quoi cette arrestation bon enfant ?, » s’étonne-t-il avant de préciser que « les deux images qui ont fait le tour du monde ont été montées par le pouvoir pour justifier le carnage. Avec tout ça, on a induit la presse en erreur ».
Voilà la réalité des faits qui remonte au début de la contestation du 19 août 2017. Ne dit-on pas que qui veut noyer son chien l’accuse de rage ? Alors, « les Armes de guerre » du président, concentre plus les attributs d’un titre du long-métrage tragique que vit le peuple togolais depuis 50 ans dans un règne de fer. Au demeurant, quel est ce risque que prend un président qui, en vendant les opportunités d’affaires qu’offre son pays aux investisseurs étrangers, leur renseigne aussi que dans son pays, les civils manifestent dans la rue avec les armes de guerre ? N’est-ce pas curieux ? La communication est un art, enseignent les initiés.
Sylvestre BEN/ LaManchette

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