Bienvenue dans la République des scandales. Ça n’en manque pas au Togo où projets riment avec détournements sur fond d’impunité. Depuis la rentrée 2018-2019, les élèves cherchent leur School Assur. Que devient ce programme de couverture sanitaire, un « New Deal » « pieusement » sorti du laboratoire bleu ? Comme ces programmes (FNFI, AGRISEF, APSEF, AJSEF) qui n’apportent rien au quotidien des Togolais, le projet School Assur est une poudre aux yeux.
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A la trompette. 3,5 milliards F Cfa, c’est la valeur en chiffre du projet présidentiel de School Assur lancé en grande pompe par Faure Gnassingbé le 1er septembre 2017. « Une bonne éducation de notre jeunesse est le garant d’un Togo prospère, fier de son capital humain. Ce défi nous impose la responsabilité d’un accompagnement adapté à nos écoliers et élèves en matière de protection sociale », avait déclaré le « plus simple des Togolais » lors de la cérémonie du lancement. Cette nouvelle trouvaille de la galaxie Faure a débuté l’année 2017-2018 et s’est terminée dans un flou total. Le projet est arrêté sans aucun audit pour situer l’opinion, alors qu’il devrait s’étaler sur 3 ans.
La souscription à cette assurance devrait garantir aux élèves bénéficiaires la couverture en « protection santé» (hospitalisation, ambulatoire, chirurgie, analyses, pharmacie…), « responsabilité civile », « protection juridique» et en « accidents corporels». A ce titre, la couverture maladie était assurée à 30.000 FCfa , les obligations de Responsabilité civile scolaire, elles, sont couvertes de 100.000.000 F Cfa. Et c’est NSIA qui a gagné le marché qu’il a cogéré avec Ogar Assurances. Le premier détient une part de 51% et le second 49%. Les deux assureurs ont convenu de déléguer la gestion à une autre structure. Il s’agit d’Afrique Assistance.
Au son de trompette, les bienfaits de Faure Gnassingbé étaient chantés. Un communiqué de la Présidence de la République rassurait que School Assur est « une prise en charge d’assurance gratuite incluant les risques de maladie et responsabilité civile » aux élèves. « Un saut qualitatif pour approcher 40% de couverture de la population », s’exclamait, le ministre de la Santé, Moustapha Mijiyawa.
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« School Assur est un produit né de la vision du Chef de l’Etat qui veut apporter une couverture sociale aux élèves inscrits dans les établissements publics du Togo. Ce produit couvre l’assurance maladie et la responsabilité civile. C’est une prise en charge directe où les parents ne dépensent plus en frais de santé pour leurs enfants. Les élèves dès qu’ils se présentent dans un centre de formation sanitaire ou un centre de santé, sont pris automatiquement en charge et gratuitement », s’était expliqué Emmanuel Koutene, Responsable Contrôle Permanent d’Ogar Assurance. Pour Romaric Awadi d’Afrique Assistance, ce programme de couverture sanitaire « assure aujourd’hui en moyenne 1500 prises en charge par jour, plus de 10 mille traitements par semaine, ce qui représente plus de 150 millions de prises en charge par mois ». A travers une campagne de sensibilisation intensifiée sur le terrain, les agents ont vanté les mérites de la trouvaille. Mais le projet avait du mal à emballer.
De 3,5 milliards F CFA pour 2.000 000 d’élèves au démarrage, après un réajustement en cours d’exercice, le coût de ce projet est revu à 2.637 864 250 F Cfa pour un effectif réel de 1.507 351 élèves.
Le 30 septembre 2017, le premier décaissement de 1 855 000 000 a été effectué. Le 10 septembre 2018, soit un an après, 470 568 053 ont été encaissés par les assureurs. Mais, coup de théâtre : le gouvernement a refusé de verser le reste des fonds qui s’élève à 312 296 197 FCfa, pour des raisons de mauvaise gestion de la part des prestataires, à en croire les indiscrétions.
Tension. Entre NSIA et Afrique Assistance, c’était la guerre de tranchées. A l’origine de la vive tension qui cristallisait l’atmosphère entre les deux partenaires, le non-respect des engagements par le premier, le principal assureur qui n’aurait pas mis les fonds de roulement à la disposition de l’association Afrique Assistance, après plusieurs relances. Alors que cette dernière aurait dû payer les sinistres sur ces fonds propres et attendait que ses frais lui soient remboursés. « Il est mentionné un montant de plus d’un milliard payé par Afrique Assistance alors que NSIA n’aurait mis que 500 millions à sa disposition », révèle une source sous couvert de l’anonymat. Navrée d’être tournée en bourrique par son partenaire, fait main basse sur les données qu’elle devrait transmettre à NSIA. Surtout que c’est avec ces données, qu’en tant que principal assureur, elle devrait faire le bilan au gouvernement.
Selon d’autres sources, s’il se raconte aussi qu’en fait NSIA, dans son management, aurait voulu « se débarrasser de ce contrat qu’il juge non rentable et trop risqué », une suspicion de fraude a éclaboussé plusieurs cadres de la boîte. Soupçonné de détournement, l’ancien Directeur général de NSIA, Madiou Soumaré a été limogé, nous racontent des sources.
Le 18 décembre 2017, un audit spécial a été conduit par la Direction de l’Audit du Groupe NSIA, mais depuis, aucun rapport n’a été transmis, « malgré les demandes des employés soupçonnés pour qu’ils soient blanchis dans cette affaire ».
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Actuellement entre NSIA et le Secrétariat d’Etat en charge de la Finance inclusive chargé du programme School Assur, la tension monte au point que le gouvernement refuse de lui renouveler le contrat. Lors d’une mission d’évaluation menée le 17 septembre 2018, NSIA est écartée, alors qu’elle était l’assureur principal.
Voilà qui sonne le glas de ce programme de couverture sanitaire. Sur notre insistance, nous avons pu rencontrer le nouveau DG de NSIA, Constant Djeket. C’était jeudi 04 octobre 2018 à 10h30. La rencontre a été brève. Estimant que c’est un contrat avec l’Etat togolais, il n’a pas souhaité donner des « informations sans l’avis de l’autre partenaire ». « Je ne donnerai aucune information sans l’accord écrit de l’Etat. Allez-vous adresser à la Finance inclusive », a-t-il confié. Dans notre investigation, nous avons écrit à la Secrétaire d’Etat à la Finance inclusive, Mme Mazamaesso Assih. Mais depuis, nous sommes restés sans suite.
Ce projet de School Assur, qui n’est qu’un gaspillage sur fond d’arnaque institutionnalisée dans laquelle se retrouvent plusieurs personnalités tant dans le privé qu’à la Présidence. Celle qui déclare être une bénévole au Togo est également citée dans ce dossier.
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Et puisqu’au Togo l’impunité est la chose la mieux partagée, comme dans le projet BIDC qui a coûté une somme salée aux contribuables togolais, c’est le même sort qui est réservé à ce projet de School Assur. Un échec, mais pas d’audit, pas de coupables. C’est l’impunité. Ainsi va le Togo.

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