Le Président du Ghana Nana Akufo-Addo était l’invité dimanche de l’Emission « Internationales » réalisée par TV5, RFI et le journal le Monde. Dans la pléthore de sujets abordés, la crise togolaise s’est invitée au cours de cet entretien. Répondant aux questions des journalistes sur la situation politique togolaise, l’ancien facilitateur mandaté par la CEDEAO répondant à une question a déclaré : « La facilitation de la crise sociopolitique togolaise a pris fin avec le dernier sommet de la CEDEAO. Mais cela n’empêche pas les chefs d’Etat d’être toujours en contact avec les responsables de l’Etat togolais et ceux de l’opposition. Ces discussions de couloirs consistent à pousser les uns et les autres vers le compromis et le consensus sur la façon d’aborder l’avenir du Togo ». Plus loin sur la question de l’alternance au Togo, il répond : « L’alternance au Togo, c’est un problème des Togolais. En tant que leader du Ghana, ce n’est pas à moi de dire cela, c’est un problème du Togo. Le plus important, c’est qu’ils arrivent à avoir une vie normale ».
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Cette curieuse sortie du président du Ghana suscite quelques commentaires. Il ne faut pas faire usage de la langue de bois, la CEDEAO est un syndicat de dictateurs, de chefs d’Etat complaisants qui se soutiennent dans le mal et des fonctionnaires corrompus. Que fait-on aujourd’hui dans les couloirs que la facilitation a délibérément refusé de faire en cautionnant et validant les législatives controversées du 20 décembre dernier? Comment peut-on refuser de régler officiellement une crise et s’atteler après à faire les couloirs entre les acteurs ? Quelle est la logique qui sous-tend cette démarche aujourd’hui ? Que cherche-t-on à obtenir auprès des acteurs dans les couloirs qu’on n’a pas pu réaliser pendant la durée de la facilitation? Enfin, pourquoi avoir fait le choix de liquider le dossier togolais en décrétant un satisfecit général lors d’un sommet de la CEDEAO et s’atteler maintenant dans les couloirs à discuter avec les acteurs?
Sachant que les choses des couloirs sont souvent sombres et débouchent sur des compromissions, l’on se demande la nature de ce qui se discute actuellement. La deuxième série d’interrogations découle de la réponse donnée par le chef de l’Etat du Ghana sur la question de l’alternance au Togo. A priori il a raison de dire que cette question ne concerne que les Togolais eux-mêmes, même s’il le dit avec une touche de cynisme en ajoutant que « le plus important, c’est qu’ils arrivent à avoir une vie normale ». Les Togolais, du moins ceux qui aspirent au changement, n’ont jamais déclaré que l’alternance c’est une question des voisins.
Il est connu de tous que dans un monde de concurrence, la crise politique togolaise fait longtemps l’affaire de ces voisins qui captent les investissements, les projets et d’autres opportunités que le Togo perd. Certains voisins n’ont d’ailleurs jamais souhaité une vraie alternance au Togo, puisque le clan Gnassingbé demeure pour eux un guichet automatique pour leurs ambitions dans leurs propres pays.
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Lorsqu’on est un chef d’Etat du Ghana, un pays voisin du Togo où les peuples sont liés par la même histoire, que les économies sont interdépendantes, qu’une instabilité au Togo risque de mettre le Ghana en difficulté, on ne peut en réalité se permettre de déclarer à la face du monde que l’alternance au Togo n’est qu’une affaire des Togolais eux-mêmes. Décidément l’Afrique ou la CEDEAO est orpheline de vrais leaders, des dirigeants courageux capables de rappeler leurs collègues à la raison. Malheureusement, nous n’avons que des gestions de comptoirs au profit des puissances étrangères, comme à l’époque des colons. C’est bien dommage.
Après l’échec assourdissant de sa mission de facilitation avec l’autre phénomène Alpha Condé dans la crise togolaise, Nana Akufo Addo devait faire amende honorable ou à la limite faire profil bas au lieu de chercher à faire porter la responsabilité sur les Togolais. Cette sortie sur les médias français le 17 février dernier nous renseigne davantage que des choses obscures se préparent dans les couloirs.
Faure Gnassingbé, un aller et retour express à Accra vendredi
La sortie du président ghanéen intervient après un entretien qu’il a eu le vendredi après-midi avec Faure Gnassingbé au Ghana. En effet, après la pose de la première pierre du fameux hôpital dit de référence dans la matinée du vendredi 15 février, les sources contactées par la Rédaction avant même ce déplacement en fin de semaine font étant d’une visite officieuse au cours de laquelle les deux chefs d’Etat devraient évoquer les questions de reformes, même si la facilitation a pris fin. La sortie du président ghanéen sur cette question deux jours plus tard confirme la confidence faite à la Rédaction par des sources bien introduites. Faure Gnassingbé est rentré à Lomé en début de soirée aux alentours de 19h30.
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Que cherche-t-on à obtenir de ce dernier sur les questions de reformes qu’on n’a pas pu lui arracher pendant le dernier dialogue ? Il est difficile de faire entendre raison à un homme qui ne conçoit pas une vie après le pouvoir et qui déclare à qui veut l’entendre que son géniteur a dit de ne jamais le laisser tomber au risque de ne plus jamais le retrouver.
Faure Gnassingbé est dans une logique du pouvoir à vie, ‘’advienne que pourra’’. Tant que les chefs d’Etat africains n’auront pas le courage de lui dire la vérité en face et publiquement, les couloirs, qu’ils soient sombres ou clairs, ne lui feront pas changer d’avis. Le reste n’est que perte de temps.
Source: L’Alternative

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