Ceux qui croyaient au miracle en auront eu pour le compte. Les acteurs politiques togolais, réunis du 04 au 06 novembre dernier autour d’Alpha Condé, l’un des deux facilitateurs désignés par la CEDEAO, ont confirmé leur profond désaccord. Malgré les séances marathons et l’appel à l’esprit de responsabilité prônée par le président guinéen, la majorité au pouvoir comme l’opposition réunie au sein de la C14, sont restés campés sur leurs positions, chacun refusant de céder sur la question du recensement et celle de la recomposition de la CENI.
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C’était sans doute le rendez-vous de la dernière chance avant l’ultime ligne droite devant conduire aux élections législatives du 20 décembre prochain. Une délégation de la C14 et des représentants du gouvernement ont séjourné soixante-douze heures dans la capitale guinéenne pour examiner les points d’achoppement dans la mise en œuvre de la feuille de route, adoptée par les Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO le 31 juillet dernier en vue de la résolution de la crise togolaise. Les discussions n’ont pas permis de faire bouger les lignes.
Fin de non recevoir
Le premier point de désaccord a porté sur la question recensement électoral. La C14 a exigé une reprise intégrale de l’opération, arguant d’une part qu’elle s’est déroulée sans ses représentants, et d’autre part, qu’elle a manqué de crédibilité, avec l’enrôlement multiple ou de mineurs. Pour la majorité, c’est de manière délibérée que l’opposition a appelé au boycott du recensement qui a mobilisé d’importantes ressources humaines et financières. Les taux obtenus confirment l’adhésion des populations au processus et constitue un cinglant désaveu pour les opposants, y compris dans les zones présumées favorables à la C14, comme à Sokodé où il est d’environ 80. 000 recensés. A titre de comparaison, en 1993, il représentait 93.000 enrôlés dans le cadre d’un recensement général.
Le pouvoir estime que l’opération répond aux standards internationaux et qu’au surplus, conformément aux recommandations de la CEDEAO, des experts ont été mandatés par l’organisation sous régionale pour auditer le fichier. En toute hypothèse, la majorité relève qu’aucun seuil ne légitime ni ne crédibilise un recensement ; le Togo faisant largement mieux en la matière que bon nombre de pays de la sous-région dont le taux oscille entre 30 et 35%.
De fait, elle a invité la C14 à assumer son choix d’appeler ses électeurs à boycotter le recensement et manifesté sa ferme opposition à toute reprise du processus. Même la prorogation de deux jours suggérée par certains membres de la coalition, en contradiction avec la position jusque-là exprimée par ce regroupement, s’est vue opposer une fin de non-recevoir.
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Affaire personnelle
L’autre point de rupture, et peut-être la plus emblématique, fut la recomposition de la CENI. En fait de recomposition, il s’agissait essentiellement de la place de l’UFC que revendiquait la C14. En effet, malgré ses 7 représentants déjà élus et désignés, la coalition continue à réclamer le siège de l’UFC ; estimant qu’elle lui revenait aux termes des conclusions du dernier comité de suivi. Cette exigence a été surtout portée par Jean-Pierre Fabre qui en a fait une affaire personnelle, arc-boutée sur sa position et s’opposant à toute idée de solution négociée sur le sujet, quitte à faire capoter tout le reste.
Alpha Condé a considéré que son rôle de facilitateur, malgré le mandat qu’il tient de ses pairs de la CEDEAO, ne lui donne pas pour autant ni compétence, ni prérogative, pour d’autorité remettre en cause un droit acquis, qui plus est consacré par la législation togolaise. Pour lui, à moins que l’UFC elle-même ne renonce, il n’y a aucun moyen de l’y contraindre. Approché au plus haut niveau, le parti jaune a catégoriquement et définitivement rejeté l’idée de céder aux desiderata de son ancien secrétaire général.
Il a estimé que cette place lui est due, non seulement conformément à la loi, mais également en considération de sa représentativité, plus de 10%, au regard des dernières élections législatives ; ce dont ne peuvent se targuer plus de 90% des formations politiques composant la C14. Quant à la majorité, elle a déclaré ne pas être concernée par ce débat. Qui, pour elle, d’une part est interne à l’opposition parlementaire et d’autre part, reste tranché par la loi portant statut de l’opposition. Il n’est pas non plus question pour lui de céder une de ses places à l’UFC. Car elle s’estime déjà lésée en acceptant une parité à la CENI alors qu’elle dispose de 62 députés contre 29 pour toute l’opposition.
Manifestations contre élections
Avant même le déplacement sur Conakry, la C14 annonçait la reprise des manifestations. Il va sans dire que l’échec des pourparlers dans la capitale guinéenne va renforcer ce choix. Cependant, c’est un pari risqué qu’elle fait et la séquence qui s’ouvre désormais peut lui être fatale. La coalition contrairement aux apparences, n’a plus aucune certitude. Ses appels antérieurs à manifester ont fait pschitt.
Comme ceux au boycott du recensement. Ses soutiens du Front Citoyen Togo Debout peinent également à mobiliser. Dans ce contexte, reprendre la main et imposer un bras de fer gagnant est presque illusoire. Ajouté à cela, le fait qu’elle n’ait plus l’oreille de leaders régionaux ou encore que d’autres actualités plus prégnantes essaiment la région, la C14 se retrouve dans une quadrature du cercle, ayant perdu totalement la main, par démagogie, par populisme et par manque de réalisme.
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Désormais, c’est la majorité qui a la maîtrise de l’agenda et du rythme. Si elle manœuvre bien, en opérant les réformes constitutionnelles et institutionnelles dans les prochains jours comme le suggèrent différentes sources, elle s’ouvrirait davantage et avec plus de sérénité le chemin vers les élections législatives, qu’elle gagnera haut la main, faute d’adversaires obligés de les boycotter pour rester cohérents.
La menace qui plane sur la C14 est sa marginalisation du fait de la possible disparition de son cheval de bataille que sont les réformes (si elles venaient à être opérées) et de son absence attendue dans la prochaine assemblée nationale. Est-ce pour cela que le PNP a commencé sa petite musique à elle ?
Source: Focus Infos No 214

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