Au Togo, gouvernants et s’opposants restent encore des statuts flous. On les croirait en justes noces, les deux bords. D’un côté, des victoires fabriquées de toutes pièces, basées sur les assassinats, la vandalisation de l’Etat et des paravents fourbes et, de l’autre, la posture inférieure, celle du paraître avec son long chapelet d’échecs sans cesse remis en marche. Une cascade de théâtres publics, charriant de part et d’autre un kaleïdoscope de bizarreries. Pendant ce temps, les nombreuses attentes de notre peuple sont reléguées dans des éphémérides plutôt douloureuses. Même les oiseaux et les plantes, chez nous, ont mal et gémissent comme des mâts en travail. Nous, Togolais, de toutes conditions, sommes contraints de gober les funestes fourberies d’une classe politique disqualifiée, rompue dans les petits calculs mesquins. Notre terre – c’est connu – est une terre aride d’intrépides patriotes où, des individus quelconques peuvent, à l’envi, plonger des populations entières dans le Styx, l’un des fleuves de l’enfer. Quel pantheum sans vaillance! Quel royaume sans largeur d’esprit! Personne ne vise que son nom, demain, soit écrit au mémorial élevé dans les nues qui fascine la postérité! Sauf irruption d’un rédempteur, demain n’est pas, sur cette terre inféconde, le dernier jour de la croix du 13 janvier.

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En tout lieu, les peuples ont toujours cherche à revisiter leur passé, à avoir droit au chapitre. Les Togolais eux aussi chercheront à savoir, si l’espérance l’emporte sur les souffrances, ce que gouvernants et opposants ont fait de leur pays pendant les trois dernières décennies. Tel est l’axiome qui, désormais, va escalader la peur pour soumettre à un jugement sévère ceux qui, pendant plus d’une génération s’en ont donné à coeur joie dans les viles pratiques qui font de nous une nation sans ame. Chaque Togolais est bien fondé aujourd’hui, pour mieux comprendre son propre destin, de voir le fond de la boîte de Pandore. A la faveur de cette soif de vérité, aussi bien le régime du RPT que ceux qui le combattent sont coupables. Personne à bord pour mettre fin aux errements du pays.
L’année fatidique de 2020 est au tournant. Le pouvoir s’active et procède à d’abondantes poses de premières pierres et d’inaugurations: feux tricolors et latrines publiques par-ci, poulaillers et hangars de marché par-là. Des “show off “ et bling-blings factices. Le régime se sait perdant s’il ose d’authentiques réformes, tellement les dystrophies du sommet et des petites oligarchies attenantes sont allées, au fil des ans, encore plus performantes. Au Togo, on détourne autant de qu’on emprunte à l’étranger, voire plus. Au total, une véritable caste de filouterie operant en toute légalité. Il n’y a que les naïfs pour croire qu’un tel système peut être normalement gagnant à l’issue d’un quelconque scrutin et que le RPT/UNIR peut encore être porteur d’une quelconque propriété.
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Si le président voulait vraiment le bien de son pays, s’il avait eu à coeur de changer le Togo, il aurait depuis fait les réformes préconisées de longue date par l’APG puis par la CVJR. Il ne l’a pas fait, il ne le fera peut être pas avant 2020. Et s’il se résout à le faire, ce sera une loi de l’immédiateté, inique, personnelle, même personnifiée, sans aucune trace du peuple et de son avenir. Faure Gnassingbé n’a jamais eu les facultés d’opter pour des lois justes. Aussi, chaque fois, veille-t-il que les lois ne lui soient pas défavorables. Même, bien que disposant à sa guise d’une assemblée monocolore, totalement acquise à ses desseins, l’on ne sera pas surpris qu’il traîne encore des pieds sur la question des réformes. « En aucun cas … » , n’est pas son seul souci. Le mode de scrutin présidentiel à deux tours reste, ça aussi, un nœud cauchemardesque à trancher par la mouvance présidentielle, les Togolais ne pouvant pas accepter que Faure fasse les réformes tout en maintenant le scrutin à un seul tour.
Selon Gerry Taama, un des alimentaires parachutés dans les monts Bassar, soi-disant député, « un processus de loi n’est pas aussi simple à faire aboutir au parlement » . Quelle outrecuidance! Mais, que soit dit en passant: N’est-ce pas lui, Faure Gnassingbé qui, du coucher au lever du soleil, était passé du poste de ministre à celui de député puis de président de l’assemblée pour enfin atterrir sur le fauteuil présidentiel grâce à une magie de rafistolage constitutionnel dont le perfide Charles Debbasch fut le maître d’œuvre?
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Tout compte fait, les Togolais sont toujours en lutte contre une dictature; un peuple qui n’inspire que de la pitié des autres. Le temps fera son travail, les barrières ethniques artificielles finiront par céder et, la révolte finira sa mise en place dans les esprits. Sauf si Faure Gnassingbé lui-même, les illusionnistes et autres viles stars de publicité qui prolifèrent dans les abords de son palais descendent de leur piédestal pour faire une lecture rationnelle de l’atmosphère politique chargée de toutes sortes de tendances lourdes. Autrement, le changement va bel et bien se produire. La seule inconnue reste l’étendue des dégâts que ce système faussement vu comme établi sur une armée d’inconditionnels, va entraîner dans sa chûte. Mieux vaut s’y attendre, le lever du soleil ne sera pas sans tumulte et le Togo va connaître de nombreuses convulsions populaires. Autrement, il y aura encore beaucoup de sueurs et de larmes avant que le pays ne devienne définitivement un Etat de droit. Anatole France ne nous apprend t’il pas que « tous les changements même les plus souhaités ont leurs mélancolies ? ».
Il fut un temps, pas si longtemps, les observateurs dûment avisés pouvaient constater que les conditions étaient alors réunies pour que chûte l’ancien système. Encore une fois, le régime, qui sait manipuler et machiner par des intrigues, est resté debout. Grace aux soutiens de la CEDEAO. Mais aussi à cause d’une opposition peu ingénieuse, trop souvent réduite à sa portion congrue, la portion des sigles, livrée en Lamala comme un agneau pascal sur la table de l’ogre cinquantenaire. Une opposition qui ne finit pas de se chercher, de se déchirer. Dans ses rangs, le flou persiste. La situation de cette opposition est actuellement des plus compliquées. Il lui faudra une bonne dose d’ingéniosité pour démêler une équation aussi corsée qu’est la sienne. A-t-elle ce génie en son sein? Quand bien même J.P. Fabre et ses amis vont tenter de prendre les devants et annoncer une nouvelle forme de mobilisation, il est fort probable qu’ils ne soient guère pris au sérieux dans l’opinion qui, désormais, ne pense pas moins qu’elle est représentée par un leadership déficient, trop moyen, dont les échecs répétés constituent les meilleurs records.
Que faire? L’opposition va-t-elle, en rompant sa coalition (la C14) de façon aussi lamentable, faire comme ce bûcheron en plein travail qui, alors qu’il essayait d’abattre un arbre, voit le fer de sa cognée (sorte de hache) se désolidariser du manche et tomber dans une eau profonde, un bûcheron qui, dépité et jugeant qu’il ne pourrait récupérer son fer, y jeta aussi le manche et renonce à son travail? Non, Bien au contraire. Cent fois sur le métier, elle doit remettre l’ouvrage : c’est un devoir envers la nation et l’abandon sous toutes ses formes ne peut être une option. En tout cas, pas devant cette catastrophe humanitaire qu’est la situation de la mère-patrie.
Les soutiens de cette opposition ne peuvent que l’encourager à s’ouvrir, à se renouveler en se dotant de sang neuf et, surtout, à se refaire un nouveau visage. Les critiques qui, ces derniers temps, fusent à son encontre ne visent pas forcément à l’abattre. Elle doit plutôt s’en inspirer pour faire flèche de tout bois, pour réellement exister, au lieu de continuer sa stratégie d’un pas en avant et de deux en arrière. Il lui faut avoir le sens de l’urgence et avancer sous l’impulsion, pourquoi pas, d’un rédempteur, vers l’objectif principal, la chûte de l’ancien système. « A bon chat, bon rat » mais à ce point, les Togolais attendent toujours de voir surgir soudainement l’homme capable de racheter leurs crimes et sauver le pays.
A un mal extrême, c’est un remède extrême qu’il faut, d’où la nécessité absolue de s’imposer des privations et, s’il le faut, de s’éclipser au profit de l’efficacité. On ne s’oppose pas à un régime de tyrannie en proclamant “je suis incontournable”, en ayant à la bouche des rhétoriques sibyllines qui divisent et défont sans cesse les coalitions. Cette pratique, dans le contexte de notre pays, ne peut être que l’apanage d’opposants cupides. Ceux qui, sans cesse, font croire que l’union de l’opposition n’est pas nécessaire trompent; ils participent au crime et, dans l’ombre, au partage des prébendes qui leur profitent. Avec ou sans cette catégorie d’élite perchée à mi-mât, le Togo connaîtra lui aussi l’alternance. Il naîtra en son sein, ce rédempteur que notre peuple, depuis bien longtemps, attend pour sa libération des fers du RPT/UNIR.
Kodjo Epou

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