« Vous êtes un monstre froid ». Me Séraphin Somé, avocat des parties civiles n’a pas été très commode envers le lieutenant Zagré Boureima, appelé à la barre le lundi 27 août 2018 pour répondre de quatre griefs soulevés contre lui dans le procès du Coup d’Etat du 16 septembre 2015. Aux mots de Me Somé, le président du tribunal a immédiatement demandé de la « modération » dans ses propos avant que le conseil de l’accusé ne proteste. Finalement, Me Somé a retiré son comparant « monstre » mais soutient la « froideur » de l’accusé. Direct dans ses réponses, le lieutenant a répondu à l’avocat : « Rassurez-vous Me Somé, je ne suis pas un monstre ».
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Le lieutenant Zagré Boureima, sous-lieutenant au moment du coup de force de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP), était en mission onusienne au Mali. Revenu à Ouagadougou en début septembre 2015 dans le cadre d’une permission, le lieutenant Zagré, instructeur dans l’armée burkinabè, affirme être « fortuitement » allé au camp Naaba Koom II le 16 septembre 2015. « J’y étais pour récupérer un véhicule » qu’il utilisait avant son départ pour le Mali.
Dans la soirée du 16 septembre 2015, le lieutenant Zagré reconnait avoir participé à la rencontre entre le général Gilbert Diendéré et les officiers de l’ex RSP. « Le général nous a juste fait savoir que le Conseil des ministres a été interrompu et qu’il se rendait au ministère (de la défense) pour rencontrer les chefs militaires. Il nous a exhortés de rester près des hommes », a donné le lieutenant en guise de synthèse de cette rencontre.
Selon toujours l’accusé, le général Diendéré est revenu du ministère de la défense un peu avant minuit avant la venue des sages pour la médiation. Lors de cette réunion avec les sages, ce que l’inculpé aurait retenu est cette phrase qu’aurait prononcée Mgr Paul Ouédraogo. Celui-ci aurait affirmé : « C’est la situation de vide qui dérange. Le pays n’en a pas besoin. Si c’est un coup d’Etat, assumez-le ». A la suite de la rencontre avec les sages, le général Diendéré, à en croire « Monsieur Zagré », est reparti au ministère de la défense rencontrer « les chefs militaires ».
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De retour à Naaba Koom II, vers 3h du matin, il a fait savoir qu’une déclaration allait être lue. Et l’information soulevée par le parquet à cette étape de l’audition de l’inculpé est que c’est le lieutenant Zagré qui avait été premièrement choisi pour lire la déclaration de prise de pouvoir par le Conseil national de la démocratie (CND). « On voulait un jeune pour lire la déclaration et mon nom a été prononcé dans la salle. (Mais) on ne m’a rien demandé et je n’ai rien accepté », narre le prévenu. Cette déclaration a finalement été lue par le médecin-colonel Bamba Mamadou.
Outre ces faits, durant la période du coup de force, le lieutenant de 32 ans affirme avoir effectué trois principales missions. La première, le 17 septembre 2015, « j’ai reçu l’ordre l’aller au Togo avec neuf (09) éléments, avec un ordre de mission dument signé, pour récupérer du matériel de maintien de l’ordre pour la police et la gendarmerie », explique « Monsieur Zagré ». Avec le conducteur, le lieutenant Zagré a traversé la frontière et, tous deux en tenue civile, ils ont rencontré leur contact au Togo, « un capitaine de l’armée du nom de Piasso ».
Foi du lieutenant Zagré, le matériel était composé de fusils lance grenade, de grenades lacrymogènes à main, de grenades lacrymogènes à fusils, de cartouches propulsives, de cartouches anti-émeutes. « Il n’y avait aucune arme de guerre », soutient l’accusé qui précise à mainte reprise que c’est sur demande de la Police et de la gendarmerie que ce matériel de maintien de l’ordre a été acheminé à Ouaga. Il a lui-même fait le dispatching entre ces deux entités le 18 septembre 2015 dans la soirée et des « décharges » auraient été signées par la police et la gendarmerie lors de l’enlèvement du matériel à Naaba Koom II.
Le 20 septembre 2015, jour de sa seconde mission, le lieutenant Zagré aurait reçu l’ordre de ses supérieurs d’aller occuper la Place de la Nation pour « empêcher tout rassemblement ». Cette mission a été exécutée avec une trentaine d’éléments de l’ex RSP et répondait « à un souci d’apaisement pour faire baisser la tension », complète l’inculpé. Il y avait un risque d’affrontement entre pro et anti putsch selon « Monsieur Zagré ».
Une excursion à Yimdi le 21 septembre 2015 aurait été la troisième mission. Le poste de Yimdi tenu par des éléments de l’ex RSP avait fait l’objet d’une attaque. Le lieutenant a alors été missionné pour évacuer un blessé et récupérer le corps d’un des leurs abattu. « Arrivé là-bas, ordre m’a été donné de maintenir ma position et d’organiser une défense ferme » de la soute de Yimdi. Ce qu’il aurait fait.
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Revenant sur l’attaque qui a fait un mort dans le rang des soldats en poste à Yimdi, le lieutenant Zagré explique que deux versions existent quant aux auteurs. Selon la première, il s’agirait d’éléments de l’Unité d’intervention de la gendarmerie en tenue civile, et la seconde version fait cas d’éléments de l’ex RSP réaffectés en juillet 2015.
A noter que le lieutenant Zagré est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coup et blessures volontaire, et incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline. Il a réfuté toutes les accusations portées à son encontre.
Ignace Ismaël NABOLE
Source :Burkina24

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