Encore virtuel, le projet de train ouest-africain ardemment soutenu par le president nigérien a déjà entraîné deux contentieux aux conséquences potentiellement explosives pour le pays. Enquête sur un naufrage ferroviaire.
Procédure arbitrale.
Après avoir misé sur le chemin de fer ouest-africain dès sa première élection, en avril 2011, Mahamadou Issoufou pourrait boire la coupe jusqu’à la lie. Le 27 mai, Michel Bosio, président de la société Africarail, qui revendique la paternité et les droits sur ce chantier – une infrastructure devant relier Abidjan à Lomé en passant par le Burkina Faso, le Niger et le Bénin -, a réactivé la procédure arbitrale qu’il avait intentée contre Niamey, en novembre 2015. Il réclame au Niger mais aussi au Bénin 450 millions € correspondant à son préjudice à la suite de la réattribution, par ces deux Etats, de ce projet au groupe Bolloré.

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La première procédure arbitrale avait été suspendue à la demande de Niamey, le 22 décembre 2015, et des négociations engagées pour parvenir à un accord amiable. Ces pourparlers ont abouti à la signature de deux protocoles, en mai 2016 et janvier 2018), qui stipulent qu’Africarail retire sa plainte en échange de 2,8 millions € d’arriérés couvrant le coût des études et travaux d’ingénierie.
Mais le Niger n’a pas respecté ces termes. Malgré plusieurs rencontres avec Issoufou Katambé, alors conseiller de Mahamadou Issoufou devenu depuis ministre de l’hydraulique, la situation est restée bloquée. Après s’être tourné vers le cabinet parisien Betto Seraglini, le patron d’Africarail a mandaté l’avocat Yves Baratte (cabinet Simmons & Simmons). Ce dernier s’appuie localement sur son confrère Martial Akakpo, lequel avait permis au Togo de Gnassingbé Eyadéma d’être intégré à cette boucle au début des années 90.

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Bolloré, l’homme qui valait 3 milliards.
A ce contentieux s’ajoute celui, encore plus lourd, initié par Vincent Bolloré. Evincé du même chantier, l’industriel français réclame trois milliards $ de compensation aux deux Etats en échange de son retrait effectif. Ce dédommagement correspondrait aux travaux déjà réalisés au Niger et à la perte de ses droits au Bénin. A la demande du président Patrice Talon, ces derniers devraient être réattribués à la Chine. Bien qu’il connaisse les revendications d’Africarail, sur lesquelles l’a alerté Michel Rocard, caution morale d’Africarail s’estime toujours le vrai attributaire de la boucle ferroviaire. Faute d’entente avec les pays promoteurs du projet, il devrait à son tour porter ce grave différend en justice. La somme exigée représente ni plus ni moins le budget du Niger pour l’année 2018, soit 1 900 milliards F CFA.

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Médiations.
Face à la mauvaise publicité de ces procédures et aux risques financiers encourus par l’Etat du Niger, une nouvelle personnalité a fait son apparition dans ce dossier : Mahamadou Sako. L’ancien ministre des privatisations du gouvernement d’Ibrahim Assane Mayaki (novembre 1997 – janvier 2000) s’est recyclé dans le privé à la tête de son cabinet Renoovo, basé à Paris, avec, depuis mars, un bureau à Niamey. Celui qui fait également office de conseiller de Mahamadou Issoufou et de vice-président du Comité Afrique de Medef International entend sauver les meubles en tentant de trouver un accord amiable à l’arraché.

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Le temps lui est compté. Voyant les feux repasser au rouge, le Niger a choisi de muscler sa défense. Aux côtés du Bénin, ce pays s’est entouré d’un collectif d’avocats emmenés par son ancien bâtonnier Marc Le Bihan. Fin mai, les deux Etats ont par ailleurs désigné l’avocat togolais Alexis Coffi Aquereburu comme leur arbitre dans la procédure engagée par Michel Bosio. Le tribunal devait être constitué au plus tard le 13 juin. Cet arbitre a toutefois été récusé début juillet par Michel Bosio.
La Lettre du Continent N° 780

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