La crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid-19 s’accompagne déjà de difficultés économiques pour beaucoup de pays. Les PME-PMI ainsi que le secteur informel subissent de plein fouet les conséquences du ralentissement de leurs activités et doivent faire face à la rareté des ressources.

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Dans ce contexte, comment la question du remboursement de crédits obtenus se traite-t-elle au niveau des microfinances ?

Dame Salami est revendeuse de sacs, pagnes et accessoires de beauté pour femmes. Depuis peu, elle a mis la clé sous la porte. La pandémie de la Covid-19 a eu raison de ses activités. N’empêche, elle doit continuer à honorer le remboursement des 1.500.000 FCFA de prêt, obtenus auprès de la microfinance COOPEC Fidélité pour s’équiper et lancer son business.

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«J’ai contracté le prêt en février et je devrais entamer le remboursement en mars en raison de 70.000 francs CFA par mois. J’ai honoré mon engagement en mars.

Compte tenu de l’ampleur de la pandémie, j’ai dû fermer ma boutique fin mars. J’ai immédiatement notifié ma situation à la direction de la microfinance pour avoir un moratoire sur le paiement. Mais peine perdue. Le directeur en personne s’est opposé à ma requête », témoigne-telle. Malgré les multiples tentatives de négociation, elle n’a pas réussi à convaincre son créancier.

Contrainte d’honorer son engagement, elle a dû faire appel à des proches pour bénéficier de leur soutien financier.

«Ce sont certains parents et amis qui m’ont prêté de l’argent pour finalement assurer le paiement de la tranche du mois d’avril», révèle-t-elle.

Comme dame Salami, Godwin, spécialisé dans la vente de matériels d’électroménagers, fait face également à la pression de la microfinance Solidarité pour le remboursement de son crédit. Il est menacé de poursuites s’il ne régularise pas sa situation sous huitaine.

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« J’ai fait un prêt de 3.500.000 pour équiper ma boutique. Il date de 4 mois. Avec la Covid-19, personne ne s’intéresse à l’achat de la télé ou de réfrigérateurs. Je ne vends rien et donc je ne suis pas en mesure de verser les 90.000 FCFA mensuels. Toutes mes tentatives pour me faire comprendre à la microfinance ont été vaines », relate-t-il.

Dame Salami et Godwin ne sont pas les seuls à vivre cette situation. «Nous avons une longue liste de clients sous prêt qui refusent de solder leurs comptes sous prétexte que leurs activités sont affectées par la Covid-19 », se désole Laetitia Dagnon, chef crédit à la microfinance PADES.

L’honnêteté des clients mise en cause

La pression des institutions de microfinance aux fins du recouvrement de leurs créances alors que les activités économiques sont au ralenti, se justifie en partie par la « malhonnêteté » des clients, selon les responsables de ces structures financières.

En effet, elles ont acquiescé avec l’Association professionnelle décentralisée du système financier (APDSF), à l’annonce de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) relative au report du recouvrement pour trois mois.

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«Compte tenu de la situation de crise sanitaire qui affecte sans doute les activités économiques, nous avons donné un avis favorable pour le report de recouvrement sur trois mois.

Mais force est de constater que tous les clients sous prêt, se disent victimes de covid-19, par conséquent, ne peuvent pas payer », rapporte l’agent de crédit de la COPEC Solidarité, Kokou AMEVOR. Cette volonté manifestée par  ces clients d’être exemptés du remboursement de crédit en cette période délicate, oblige les structures à lever la mesure.

«Etant donné que tout le monde veut profiter de la situation, à notre niveau nous avons décidé de lever le report de recouvrement », rapporte Kokou AMEVOR «Si nous cédons facilement, après les trois mois, les clients vont toujours plaider pour un allègement », ajoute-t-il.

Le risque d’un manque de liquidités oblige aussi les institutions de microfinance à durcir leur position.

En effet, depuis le début de la pandémie, les opérations de dépôt se raréfient au profit des retraits. «Le taux de dépôt a considérablement diminué. Avant la Covid-19, il était d’environ 40% des opérations.

Mais aujourd’hui, on enregistre difficilement 10% », révèle une caissière de Coopec Solidarité.

« Si les clients ne payent pas les crédits, notre institution va faire faillite. Et nous avons aussi l’obligation de satisfaire ceux qui ont placé leur argent chez nous », clarifie Laetitia Dagnon.

De fait, l’octroi de crédit est d’ailleurs suspendu en cette période de COVID-19. « Ceux qui sont sous prêt ont des difficultés à solder leurs comptes. Alors il n’est plus question de prendre le risque de prêter de l’argent à d’autres qui seront également dans l’incapacité de rembourser», se justifie-t-elle.

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Dialogue comme solution Face à cette situation, l’APDSF conseille le dialogue. Seule démarche selon elle qui permettrait aux institutions de microfinance d’identifier les clients réellement affectés par la crise Covid-19 et de leur proposer une solution.

« Nous sommes informés de ce bras de fer entre les clients et les institutions de microfinances. Pour nous, c’est le dialogue. Que les clients approchent les microfinances pour dialoguer et que celles-ci à leur tour prennent le temps de vérifier l’effet de la Covid-19 sur l’activité du client », conseille Ange KETOR, directeur exécutif de l’APSFD, qui demande par ailleurs aux clients de faciliter cette vérification en déclarant leur vrai chiffre d’affaires.

L’APSFD entend par ailleurs accentuer la sensibilisation des structures de microfinance sur le report de recouvrement recommandé par la BCEAO, qui a promis les accompagner financièrement.

« Nous le faisons déjà, et nous allons intensifier la sensibilisation. Nous ne sommes pas indifférents à la situation», souligne monsieur KETOR qui rassure de l’engagement de la BCEAO : « sur ce point, nous travaillons au quotidien avec l’institution sous régionale ».

L’APDSF propose en outre d’autres pistes de solution. « Au lieu de réclamer la totalité, les agences peuvent demander la moitié ou les 1/3 aux clients. Parce que dans tous les cas, c’est le client qui paiera même s’il bénéficie de report de recouvrement », propose Ange Kossivi Ketor.

Le directeur exécutif de l’APSFD, concède qu’il sera difficile d’intervenir pour la résolution de cette situation auprès des structures de microfinances illégalement constituées. Néanmoins, un travail est en cours pour les démanteler et punir les promoteurs selon la rigueur de loi, martèle-t-il.

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