Il n’y a pas qu’aux Etats-Unis ou en France que les communicants politiques s’inquiètent de la récurrence des « Fake News » dans les débats politiques lors des périodes électorales. Que ce soient au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Nigéria ou au Congo les communicants politiques sur le continent semblent totalement désarmés  face  au phénomène des « Fake News » qui, du fait de l’essor des applications OTT[1]comme WhatsApp, prennent une autre proportion sur le continent.
A l’opposé des « pays développés », les communautés africaines ont montré au cours de l’année 2018 qu’elles pouvaient être plus vulnérables aux effets des « Fake News ». Pour cette seule année 2018, la propagation des  « Fake-News » a été à l’origine de violences ethniques dans certains pays du continent[2](Somalie et Djibouti) ou de fluctuations économiques dans d’autres (Afrique du Sud).
Mais, la période la plus sensible à laquelle ce phénomène a mis à mal les structures et  pratiques en matière de communication politique sur le continent reste la période électorale.
Impacts
Si au Nigéria, en République Démocratique du Congo (RDC) ou en Côte d’Ivoire on essaie encore d’alerter l’opinion sur les risques de manipulation via les « Fake News » lors des campagnes électorales à venir; le Kenya et le Cameroun ont déjà fait les frais de cette douloureuse expérience.
Au Cameroun par exemple, le phénomène a « pollué » la campagne électorale[3]–surtout des candidats de l’opposition- malgré l’implication du géant Facebook dans l’élimination des « Fake News » sur sa plateforme.
Des rumeurs de corruption dont ont été victimes les trois candidats les mieux positionnés de l’opposition face au chef de l’Etat sortant Paul Biya, les « faux sondages » diffusés quelques jours avant le scrutin et donnant gagnant le président sortant, ainsi que les rumeurs de financement illicite des Etats-Unis à faveur de certains candidats ont vite fait de démotivé certains électeurs à en croire les équipes de communication des candidats concernés .
Terreau fertile
En face, la riposte n’a pas été de taille! Pour rétablir les faits, les équipes de communication des candidats victimes des « Fake News » ont misé uniquement sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter.  Ne concentrant de ce fait leur action que sur la tranche jeune de l’électorat généralement moins enclin à croire aux « Fake News » que l’électorat adulte ou vivant en zone rurale qui est moins au fait de l’enjeu numérique  et donc plus crédule.
Lorsqu’on sait que la crédibilité et la notoriété  du « Correcteur » sont deux éléments clé dans le rétablissement de la vérité[4], on imagine aisément que la mise à l’écart des média classique- surtout les médias chauds qui restent incontournables dans le processus de l’information en Afrique-, a eu un effet contreproductif au sein de l’opinion.
L’autre facteur qui fait des sociétés africaines un terreau fertile pour les « Fake News », c’est le principe de la rareté de la parole érigé  en pratique communicationnelle dans la plupart de ces sociétés.
Contrairement aux sociétés occidentales dans lesquelles on pourrait constater une « suroccupation » de l’espace publique par les leaders politiques (avec Donald Trump par exemple), les pratiques communicationnelles des politiques dans les sociétés africaines où prospèrent les « Fake News » restent basées sur le silence; la sacralisation de la parole du leader qui, lorsqu’il brise le silence, est plus dans l’information que la communication.
Dans ce modèle de communication, les rumeurs ou « Fake News » les plus inimaginables, à force de ne pas être démentis, finissent par s’ériger en vérité dans la conscience collective à tel point que, pour les uns et les autres, plus rien ne semblent « improbable ».
Références
[1]Sigle de l’expression anglo-saxonne « over-the-top » qui désigne des services par contournement sur Internet comme WhatsApp, Viber, Skype, etc.
[2] Une année de facebook en Afrique, www.bbc/afrique.com , publié le 12 novembre 2018
[3] Présidentielle au Cameroun : comment Internet et Fake News se sont invités dans la bataille, www.jeuneafrique.com, publié le 12 octobre 2018
[4] Cass R. Sunstein, Anatomie de la Rumeur, Nouveaux Horizons, page 97
L’auteur :
Noeline Magnim Kazi est spécialiste en Communication stratégique, étudiante en Master 2 Management de la Communication  à l’Ecole Supérieure de Communication « Sup de Com Paris ».

Restez à jour en vous abonnant à notre canal Telegram.

Tu pourrais aussi aimer

Laisser un commentaire

Plus dans:Afrique