C’est sans doute une autre idée reçue que la science vient de déconstruire à propos de l’épidémie de la fièvre Ebola.

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Une étude publiée en février 2019 dans la revue scientifique britannique The Lancet Infectious diseases révéle, en effet, que  le virus Ebola ne rend pas systématiquement gravement malade.

Selon Abdoulaye Touré directeur de l’Institut national de santé publique de Guinée et un des auteurs de l’étude

Dans cette interview accordée à l’IRD Mag, Abdoulaye Touré directeur de l’Institut national de santé publique de Guinée et un des auteurs de l’étude explique que 4 % des personnes en contact avec le virus pendant l’épidémie de 2013-2016 n’ont pas développé la maladie.

 

Quel a été l’impact de l’épidémie de la fièvre Ebola en Guinée ? Que vous a appris l’étude PostEboGui) sur les survivants ?

En Guinée, lors de l’épidémie, entre 2013 et 2016, 3 814 malades ont été recensés. 1 270 personnes ont survécu. Depuis, il n’y a eu aucun autre cas.

Le suivi de quelques survivants lors de précédentes épidémies en Afrique centrale avait montré qu’ils souffraient de séquelles, mais on ne connaissait ni leur fréquence, ni pendant combien de temps elles se manifestaient après la guérison.

D’où la mise en place de l’étude PostEboGui en Guinée à une plus grande échelle. Ainsi, le suivi de 802 survivants, les premiers inclus dès mars 2015, a permis d’identifier les séquelles les plus fréquentes : douleurs musculaires et abdominales, maux de tête, complications oculaires et dépression.

Or, certains avaient quitté les centres de traitement Ebola (CTE) depuis 600 jours. Autre élément important qu’a montré l’étude, le virus persiste dans le sperme plus de 500 jours après la sortie du CTE, mais il n’y en avait aucune trace dans les secrétions cervico-vaginales.

 

Quels sont les résultats de l’étude plus récente ContactEboGui ?

Au cours de cette étude, nous avons interrogé 1 721 personnes qui avaient été en contact avec des malades, et analysé le sang de celles qui n’avaient pas été vaccinées, soit 1 390 personnes. Certaines étaient pauci-symptomatiques, c’est-à-dire qu’elles avaient eu de petits signes de la maladie, mais qui pouvaient évoquer le paludisme, la fièvre typhoïde ou une grippe ; d’autres n’avaient manifesté aucun symptôme.

Ces analyses ont montré qu’aujourd’hui, aucune n’est porteuse du virus. En revanche, 4 % d’entre elles ont des anticorps dirigés contre le virus, signe qu’elles ont été infectées sans le savoir, et que le virus a depuis disparu de leur organisme.

Plus précisément, la proportion de personnes séropositives est plus élevée chez les pauci-symptomatiques (8,33 %) que chez les asymptomatiques (3,32 %). Donc le dogme selon lequel ce virus rend systématiquement gravement malade tombe.

Par ailleurs, le pourcentage de séropositivité augmente dans les deux groupes lorsque les personnes ont été en contact avec le sang ou le vomi de de malades d’Ebola et qu’elles ont participé à des rites funéraires de décédés de l’épidémie. Ces trois éléments sont donc des facteurs de risque de contamination.

Enfin, 14 % des pauci-symptomatiques ont eu une association de symptômes qui répondait à la définition des cas suspects durant l’épidémie selon l’Organisation mondiale de la Santé. Or, 20 % d’entre eux sont séropositifs, ce qui suggère qu’ils ont échappé au système de surveillance, alors qu’ils auraient dû être mis en quarantaine.

Pour découvrir ces pourcentages de séropositivité, vous avez eu recours au test diagnostique développé par Ahidjo Ayouba, virologue IRD de l’UMR TransVHIMI. Quels sont ses avantages ?

Il faut préciser que ce test détecte, grâce à une prise de sang, les anticorps dirigés contre le virus Ebola du Zaïre, et pas le virus lui-même. Or, par rapport au test Elisa, actuellement commercialisé et qui peut engendrer des faux positifs, il est spécifique de ce virus à quasi 100 % et il est particulièrement sensible. Son développement continue en République Démocratique du Congo.

 

Qu’est-ce que ces résultats impliquent en termes de stratégie de surveillance ?

Il est clair que les manifestations cliniques d’Ebola sont plus larges que celles envisagées jusque-là, puisque cela va de l’absence totale de symptômes au décès du malade. En cas d’épidémie, il faudra sans doute élargir la surveillance mise en place autour du malade, à une surveillance équivalente autour des personnes en contact avec le virus.

Avec IRD Le Mag

Cet article a été publié sur notre site partenaire scienceactu.com

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