Combattante infatigable des libertés, harangueuse de foules et coordinatrice de la coalition des 14, Brigitte Kafui Adjamagbo Johnson, seule femme politique au Togo à avoir été candidate à l’élection présidentielle, ne cache jamais sa détermination à arracher une seconde indépendance pour le peuple togolais qui ploie depuis des lustres sous le poids d’une dictature implacable des Gnassingbé.

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Dans cette interview accordée au journal La Manchette, la Secrétaire nationale de la CDPA revient sur les fondamentaux de la crise togolaise, surtout la question de l’alternance politique au Togo qui passera par le départ de l’actuel président en 2020. Elle estime que la CEDEAO ne prendra le risque de rallumer un brasier dans la sous-région en acceptant le 4ème mandat de Faure Gnassingbé. Lecture !

La Manchette : Madame Adjamagbo Johnson, bonjour. Samedi 2 juin, la Coalition a échangé avec la commission de la CEDEAO en prélude à la rencontre avec les chefs d’Etats à Lomé. Jusqu’où êtes-vous prêts à faire des concessions ?

Mme Adjamagbo : La question juste aurait été : jusqu’où les togolais dans la rue depuis le 19 août sont prêts à faire des concessions, ou jusqu’où les togolais dans la rue depuis le 19 août sauront attendre pacifiquement qu’on leur rende le résultat de leur vote au référendum du 14 septembre 1992 ?

Ce que nous avons à dire, nous l’avions exprimé au Président Nana Addo et nous attendons toujours la réponse du régime cinquantenaire. Ce samedi 2 juin, le Président de la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest accompagné du représentant de la CEDEAO en Côte d’Ivoire, du Ministre Ghanéen en charge du dossier, du Général Gbéhanzin Commissaire aux affaires politiques, des Représentants Permanents de la CEDEAO au Togo et en Côte d’Ivoire étaient à Lomé pour faire le point sur la crise politique que traverse le pays depuis 19 août 2017, mais surtout pour préparer les futures rencontres avec les deux chefs d’Etats facilitateurs.

Ils ont souhaité rencontrer la coalition des quatorze partis politiques de l’opposition togolaise ; puis après le Gouvernement et le parti UNIR.

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Justement, sur quoi ont porté les échanges avec la délégation de la CEDEAO ?

Pour ce qui nous concerne, nous leur avons exposé la situation que vivent les togolaises et les togolais en ce moment : une recrudescence des violations de droit de l’homme malgré l’engagement du Gouvernement à prendre des mesures d’apaisement et l’appel de la CEDEAO à éviter toute violence.

Ces violations se manifestent par un accroissement du nombre des détenus parmi lesquels les responsables d’organisations de la société civile (Nubueké et REJJAD), des rafles régulières à Agoenyivé, Avepozo, l’extension de l’état de siège des villes à Tchamba, Kara et Lomé… Nous avons également exprimé nos préoccupations relatives au retour à la constitution de 92, à la réforme des institutions et du cadre électoral y compris la prise en compte du vote de la diaspora et à l’importance d’une transition au terme de laquelle des élections pourront être organisées.

Nous avons expliqué à la délégation qu’il s’agit d’un ensemble de points à prendre en compte en vue d’une paix durable et d’une harmonie entre togolais, objectifs que vise la CEDEAO en acceptant de prendre en main le règlement de la crise togolaise.

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La délégation nous a écoutés et a promis transmettre ces préoccupations aux Présidents ghanéens et guinéens qui viendront eux-mêmes discuter avec nous en vue d’établir la feuille de route attendue par la CEDEAO. Notre lecture de cette mission d’écoute à Lomé est aussi qu’elle est une réponse à notre lettre adressée aux chefs d’Etat de la CEDEAO. Ils ont probablement initié cette mission comme pour corriger un oubli qui avait entaché les discussions sur la crise togolaise, lors du dernier sommet de la CEDEAO à Lomé.

Ces chefs d’Etat qui ont très bien fait d’insister l’inscription de cette crise à l’ordre du jour du sommet, s’étaient limités aux échanges avec une seule partie au conflit : le gouvernement RPT/UNIR, qui de surcroit avait assisté aux débats et à la prise de position. Ils n’ont pas pu écouter le peuple togolais à travers la coalition et nous avons attiré leur attention sur cet oubli. Ils viennent de nous faire comprendre qu’ils nous ont compris et c’est une bonne chose. Mais restons toujours vigilants et mobilisés.

Et si les recommandations de la CEDEAO permettaient à Faure Gnassingbé de briguer un 4e mandat, quelle sera la réaction de la Coalition ?

Mon pays le Togo reste le seul pays de la sous-région où il n’y a pas encore eu alternance pacifique après 51 ans d’indépendance et vous pensez que cela va durer encore ? Moi je suis confiante, la CEDEAO ne se trompera pas et je ne crois pas que les autres présidents élus proprement, prendront le risque de rallumer un brasier dans la sous-région, alors que d’immenses tâches nous attendent pour faire reculer la misère et la pauvreté partout dans la sous région

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Vous avez rencontré le Président Obasanjo avant l’ouverture du dialogue. Quelle est sa lecture de la crise sociopolitique togolaise ?

Permettez-moi de ne livrer ici aucune analyse et des conseils d’un ami du Togo qui a compris que les curseurs doivent bouger.

La Coalition a-t-elle rencontré d’autres personnalités influentes du continent sur la crise togolaise ?

Oui la coalition a rencontré beaucoup de personnalités et sollicité leurs conseils et appuis pour un dénouement pacifique de la crise togolaise en faveur des aspirations profondes des populations. Mais souffrez que je taise leurs noms. Laissons l’histoire leur rendre un hommage mérité en temps opportun, quand nous verrons le bout du tunnel.

Des manifestations de rue aux meetings politiques, n’est-ce pas un recul en matière de stratégie politique ?

C’est vous qui le dites. Pour ma part, on m’a appris aussi qu’en politique quand on est devant un obstacle dressé par des hommes pour engendrer une bérézina où le Togo sera fatalement perdant, il ne sert à rien de vouloir le sauter en fonçant la tête baissée, au contraire il faut reculer, je dirai bien reculer pour mieux sauter. C’est ainsi qu’il faut nous comprendre. Je n’en dirai pas plus.

Lors des meetings, les togolais demandent à retourner dans la rue ? Allez-vous braver l’interdiction du régime ?

Vous voulez vraiment mon avis ? Et bien, les togolais ont raison d’exiger de retourner dans la rue, nonobstant ces interdictions déguisées de manifester. Après tout, quand on vit dans un pays où on ne sait plus qui commande et d’où vient ces soi-disant ordres d’interdiction qu’avez-vous à faire pour recouvrer vos droits bafoués et parvenir à vos fins ?

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Vous avez écouté comme moi sur les antennes d’une radio locale, Maître Zeus Ajavon affirmer sans jamais être démenti, que le ministre chargé de notre sécurité, celui-là même qui vient d’être nommé Général de gendarmerie, avoue ne pas être au courant dans ce pays en crise, que les forces de sécurité pourtant sous son ordre, sont massivement déployées sur le terrain pour empêcher une association légale de tenir une conférence de presse.

Pour notre part, le problème ne se pose pas en terme de braver ou non une interdiction, déguisée de ce régime cinquantenaire ; Il s’agit pour nous tout simplement d’exercer nos droits constitutionnels.

Il y a quelques semaines, la CDPA a rencontré les populations dans l’Ogou. Etes-vous déjà en précampagne, Madame Adjamagbo Johnson ?

(Rire) La CDPA en précampagne ? Ah peut-être pour le retour de la constitution de 1992. Oui j’ai rencontré les populations de la préfecture de l’Ogou il y a deux semaines et ceux d’Afagnan dans la préfecture du Bas Mono ce dimanche 3 juin. Je rappelle que j’étais aussi dans la commune de Lomé à Avénou la semaine dernière et Attiégou ce Samedi 2 juin. Je précise enfin que des camarades de la Coalition sillonnent aussi le Togo depuis quelques semaines.

Nous sommes sur le terrain pour rendre compte à nos mandants qui sont partout Togo et dans la diaspora et les maintenir mobilisés pour la suite du combat, notamment les marches des 6,7 et 9 juin. J’invite d’ailleurs toute la population à sortir ; plus nous serons nombreux, plus ce régime comprendra que nous ne lâcherons rien au sujet de nos aspirations profondes.

Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, merci

C’est moi qui vous remercie et vos lecteurs par la même occasion.

Source :La Manchette

Titre modifié

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