Le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle de dix-neuf personnes, dont plusieurs personnalités, dans une affaire de corruption aux multiples ramifications.

Le casting est savoureux. Le 12 avril dernier, le parquet de Paris a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de 19 personnes dans une vaste affaire à tiroirs de corruption et trafic d’influence. Un aréopage hétéroclite dans lequel les mis en cause sont suspectés d’avoir pris part à diverses combines plus ou moins élaborées. «L’appartenance, réelle ou supposée, des personnes visées par la présente information à la franc-maçonnerie apparaît en filigrane tout au long de la procédure», constate par ailleurs le parquet. Il appartient désormais aux deux juges d’instruction de se prononcer.

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Christophe Rocancourt, l’escroc des stars

Les policiers ont découvert que le plus célèbre escroc français prêtait de fortes sommes d’argent à des particuliers moyennant des taux d’intérêt usuraires de 20 à 30 %, ce qui lui vaut d’être poursuivi pour «exercice illégal de la profession de banquier». Le Normand est également suspecté d’avoir embobiné un notaire du Val d’Oise en délicatesse avec un ancien employé en lui promettant, moyennant finance, d’intervenir auprès d’un faux policier corrompu joué par sa compagne.

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Mais les investigations ont surtout révélé qu’il s’était rendu indispensable auprès de l’avocat Marcel Ceccaldi après lui avoir prêté 90 000 euros en échange de la moitié de ses honoraires. La relation singulière entre les deux hommes s’est notamment cristallisée autour du traitement de deux clientes de l’avocate: deux soeurs marocaines en quête de régularisation. L’avocat et son nouvel ami ont multiplié les sollicitations frauduleuses pour faire aboutir, en vain, le dossier des deux femmes. «Christophe Rocancourt est un acteur très marginal de ce dossier, avance son avocat Me Jérôme Boursican. Je crains qu’il ne soit surtout coupable d’avoir voulu aider des amis. Son renvoi ne me semble pas opportun.»

Kofi Yamgnane, l’ancien ministre

Ancien secrétaire d’Etat chargé de l’intégration dans les gouvernements Cresson et Bérégovoy entre 1991 et 1993, Kofi Yamgnane est approché par Marcel Ceccaldi en 2014 pour intervenir en faveur des deux soeurs. En échange, l’une d’elles assure lui avoir remis une enveloppe de 3 000 € en liquide, à la demande de l’avocat. S’il a reconnu avoir perçu cette somme, l’ancien député du Finistère a expliqué qu’il s’agissait de financer sa campagne électorale: au printemps 2015, il avait vainement tenté de se présenter à la présidence du Togo, son pays d’origine. « (…) Il convient cependant d’indiquer qu’il n’était pas en campagne au moment de la remise (ce qu’il reconnaît)», souligne, dubitatif, le parquet qui requiert son renvoi pour «trafic d’influence». «Mon client n’a jamais monnayé une quelconque intervention de sa vie. Il n’avait pas fait le rapprochement entre le service qu’on lui a demandé et le versement de cette somme pour sa campagne. Sa mise en cause est injuste», soutient son avocat Me Christian Charrière-Bournazel qui plaide le non-lieu.

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Christian Prouteau, le gendarme déchu

Le fondateur du GIGN reconverti dans la préfectorale, condamné en 2005 pour son rôle dans le scandale des écoutes de l’Elysée sous la présidence de François Miterrand, est un ami de Christophe Rocancourt. Ce dernier se tourne donc vers lui pour obtenir un coup de pouce dans le dossier des deux soeurs marocaines. Cet homme influent, reconverti dans la sécurité mais en ayant omis de déclarer ses activités au fisc, admet avoir tenté de débloquer la situation grâce à ses contacts dans la police. Mais nie avoir perçu la moindre rémunération en échange. «Pour moi c’est insultant», se défend-il, grandiloquent. Or pour le parquet, un «SMS litigieux» échangé avec Christophe Rocancourt évoquant le versement de 2 500 € matérialise ce versement. A noter qu’au cours de l’enquête, les juges d’instruction ont découvert que les policiers de brigade de recherche et d’investigations financières (BRIF) avaient curieusement omis de retranscrire certaines conversations gênantes pour l’ancien préfet. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a ensuite été saisie du dossier.

Bernard Petit, le grand flic

Le 3 octobre 2014, Christian Prouteau reçoit un appel de la BRIF qui l’invite à se présenter dans leurs locaux quatre jours plus tard. Dans la foulée, l’ancien gendarme contacte Philippe Lemaitre, un policier détaché auprès de l’association nationale d’action sociale de la police (ANAS). «Je me rencarde», lui promet ce dernier qui assure avoir agi à la demande de l’omnipotent patron de l’ANAS, Joaquin Masanet. Le même jour, en utilisant le téléphone de son épouse, Philippe Lemaitre contacte Bernard Petit, alors patron de la PJ parisienne. D’autres échanges téléphoniques ont lieu entre les deux hommes les jours suivants. Philippe Lemaitre assure que le grand flic lui a fourni des détails sur la future garde à vue de Christian Prouteau. Mis en examen pour «entrave à l’exercice de la justice» et «violation du secret professionnel», Bernard Petit a toujours nié avoir transmis la moindre information à Philippe Lemaitre. «Aucune charge ne pèse contre notre client», martèle Me Pierre Haïk, l’un des avocats de Bernard Petit, qui sollicitera le non-lieu.

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Joaquin Masanet, le syndicaliste policier

Dans ce dossier hybride, son cas est assurément le plus grave. Aiguillé par les aveux de Philippe Lemaitre, les «boeufs-carottes» ont découvert que «Jo» Masanet, l’ancien tout puissant secrétaire général de l’Unsa-Police, avait mis l’ANAS en coupe réglée et qu’il se servait de sa position privilégiée pour monnayer différents services, ce qu’il nie. Le sexagénaire, qui a confessé une addiction aux jeux, est notamment suspecté d’avoir mis en place un système bien rodé de fausses notes de frais. «Les investigations ont permis d’établir l’existence d’un système frauduleux au sein de l’ANAS sclérosant toute sa structure et destiné à détourner les fonds de l’association au profit de son président, de certains membres et de particuliers», relève le parquet. Dans sa chute, Jo a entraîné plusieurs membres de l’ANAS dont son fils Julien, mis en cause pour la gestion du centre de vacances dont il avait la responsabilité.
leparisien.fr
Titre modifié

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