Quand en ce 5 février 2005, la mort de Gnassingbé Eyadema fut annoncée, c’est un sentiment monotone qu’une brise a balayé de Cinkassé à Lomé ce soir-là. L’Afrique venait de perdre un grand dirigeant, charismatique de nature, et le Togo devrait faire les adieux à son Chef d’État. Celui-là, que certaines situations antérieures ont participé à forger une image d’immortalité.
5 février 2005, 16 h. À Lomé, sur la radio nationale, l’information venait de tomber. Dans la capitale togolaise, un grand silence traverse toute la ville. Le pays a perdu son homme fort, celui-là qui, fait-il souvent croire, avait entre ses mains le destin de la jeune nation.
Mais s’il est vrai qu’un sentiment d’émoi était palatal, sans hypocrisie celui d’un ouf de soulagement a fini par également être visible sur certains visages, lassés à un moment de supporter les subterfuges de l’homme de Pya pour s’accrocher au pouvoir.
Ce dernier sentiment était peut-être aussi partagé par de nombreux jeunes qui se sont mis à l’évidence depuis 1992, que ni Gnassingbé Eyadema, ni quelqu’un d’autre ne saurait détenir un pouvoir théocratique. La soif de la démocratie aidant… Mais qui était vraiment le général Gnassingbé Eyadema ?
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Naissance

L’homme est né un mois de décembre en 1935 dans le village de Pya, en pays Kabyè, au nord du Togo. Issu d’une famille de petits paysans, Gnassingbé Eyadema avait un physique très athlétique, comme la plupart des jeunes du Nord-Togo.
D’ailleurs, il se contentait dans sa jeune d’être champion de lutte traditionnelle de son canton. Il avait, comme la plupart des jeunes se son village, grandi sans être curieux de ce qui se passait ailleurs qu’à Pya. Il était pourtant brillant à l’école, et les mots de félicitations de la mission protestante n’étaient pas rares chez lui, même si l’élève n’avait pas pu terminer son cursus, faute de moyens de ses parents. Lui, qui avait perdu son géniteur quand il avait à peine 4 ans, décédé des suites d’une bastonnade après avoir un jour refusé de travailler sous l’administration coloniale pour la construction des routes.
Rien ne le prédestinait le jeune Eyadema, à diriger un pays. Il le racontait souvent à ceux qui voulaient l’entendre : « J’ai tout prévu dans ma vie, sauf d’occuper le fauteuil présidentiel ».

Le métier des armes

  1. Les consciences s’éveillaient partout en Afrique contre les administrations coloniales. L’armée française, qui était en train de perdre la guerre d’Indochine dans la cuvette de Dien Bien Phu, était également confrontée aux humeurs en Tunisie, au Maroc, en Algérie, ainsi que dans d’autres pays en Afrique subsaharienne.

La France ayant alors une armée petite, recrute. Le pays n’avait en effet pas l’autorisation de lever des troupes au Togo, selon les conditions imposées par les Nations-Unies. À cet effet, les recrues clandestines au Togo devraient passer pour des Dahoméens. Ces derniers habitués déjà à porter des noms européens, toutes les recrues avaient été renommées. Le futur chef d’État au Togo se verra attribuer comme prénom Étienne, et Eyadema comme patronyme.
Ainsi, il vivotera une dizaine d’années dans l’armée française. Ayant désormais l’occasion de découvrir le monde, il servira successivement au Bénin (ex-Dahomey), en Indochine, en Algérie et au Niger avant de regagner son pays natal au début des années soixante.
Un jour d’avril 1958, fraichement promu sous-officier, alors qu’il commandait une patrouille dans le massif des Aurès, en Algérie, Eyadema faillit être fauché par les mitraillettes des nationalistes du FLN. Depuis ce jour, le militaire est devenu quelque peu fataliste dans son esprit. « Ce qui doit arriver arrivera. On ne meurt qu’une fois, confie-t-il souvent. Seul Dieu qui nous a donné la vie sait quand il va nous la reprendre ».
Pour s’être rendu à l’évidence qu’il doit une fière chandelle à Dieu, l’être suprême auquel Gnassingbé Eyadema est fort attaché, le soir même de ce miracle, celui-ci envoie de l’argent au village pour la réfection du temple du village, une église protestante, et insista d’avoir les nouvelles politiques de son pays.

Un homme de chance ou de Dieu? Les années de braises …


Ces genres de miracles, Dieu en a beaucoup fait dans la vie d’Etienne Eyadema. En effet, l’homme a échappé de façon miraculeuse à d’autres attentats qui auraient nettement pu lui coûter la vie. Notamment, en 1974 le 24 janvier aux environs de 15 h, quand son avion, un DC-3 s’écrase à Sarakawa. À bord, Gnassingbé Eyadema était avec deux de ses ministres. Un accident « comploté » dont il sortit miraculeusement indemne.
De même, en 1967 un soldat tire sur lui à brûle-pourpoint. En 1977, 1986 et 1993 Lomé fut attaqué par des commandos d’opposants.
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Le Président Eyadema n’a jamais voulu ordonner l’exécution de condamnés à mort, y compris pour les coupables d’attentats dirigés contre sa personne.
De fait, l’homme a réussi, à la suite de ces « chances » ou « grâces », à cultiver un mystère autour de lui. Dans des cultures où les causes « naturelles » sont mal crues, Gnassingbé Eyadema avait surement un génie protecteur. Mais quand on le lui demande, il aimait entretenir le suspense. « Je vais vous confier le nom de mon marabout. Mais surtout, gardez-le pour vous, car c’est un secret d’État. » Il sourit un moment, prend quelques secondes pour y réfléchir, puis lâche : « l’unique marabout qui me protège partout et à tout moment n’est autre que le peuple togolais… »

Vie présidentielle

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Durant sa présidence, Gnassingbé Eyadema s’était logé dans une petite maison de style colonial, construite l’intérieur du camp militaire de Tokoin. Habitué à une rigueur militaire, le président avait un rythme de vie particulier qu’il tachait tant que faire se peut, d’imposer à son entourage.
Eyadema ne respecte jamais les 8 h de repos journalier. À peine, en fait-il quatre. Les siestes, l’homme a perdu cette notion fort longtemps. Sa journée démarre généralement à 4 h du matin, et se termine à 0 h. Arrivé au boulot, il prend quelques tasses de café, « comme autrefois dans l’armée française », consulte ses courriers puis voit ses ministres pour régler les questions pressantes. Il n’a jamais eu de vacances, « parce que l’État ne doit pas se reposer. »
C’est également dans la matinée qu’il aime accorder des audiences. Il lui arrivait d’ailleurs de fixer les heures de rendez-vous à 4 h du matin, puisque le président avait souvent du mal à refuser une audience.
Parmi ses visiteurs, des Togolais de tous âges. Importaient peu le niveau et la fonction. S’il avait néanmoins, dans la classe togolaise, une préférence pour les « Nanas-benz », c’est à dessein. Ces riches et redoutables commerçantes togolaises étaient le véritable pilier de l’économie du pays, et elles détenaient à juste titre un pouvoir. Mais Gnassingbé Eyadema recevait également les membres des équipes sportives en passant par des chefs traditionnels, des anciens combattants, d’anciens hommes politiques, des groupes organisés, ou encore des étudiants qu’il chérissait particulièrement.
Mais lors d’une réunion avec le « Général », il peut arriver qui tourne facilement d’humeur. « Il est capable d’élever pour une raison banale, le ton » confie un de ses proches, avant de conseiller « dans ce cas, il faut mieux se faire tout petit et attendre que l’orage passe ».

Hygiène de vie et amour de la bière chinoise


Eyadema a une rigueur dans son hygiène de vie. Celui qui, dans sa jeunesse était un champion sportif a, à un moment délaissé cette activité pour la remplacer par sa passion : la chasse. De ses rares jours sabbatiques, le chef aimait faire une partie de safari, à bord d’un Jeep, ou de son hélicoptère. La chasse, Eyadema ne l’avait pas apprise au palais. C’était bien l’activité à laquelle il s’était adonné après avoir abandonné les cours. Il partait chasser seul ou en compagnie de ses amis dans les brousses de Pya, son arc en main.
Eyadema ne fume pas. Il n’abuse non plus de l’alcool. Pour ses préférences, il aimait s’étancher avec la bière chinoise.
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Un grand leader politique

Eyadema a joué un grand rôle politique dans la sous-région ouest-africaine et plus largement en Afrique. Il a été de tous les comités ad hoc de l’Organisation de l’Unité africaine (ancêtre de l’UA) pour « sauver » l’institution panafricaine. Pour cela, il s’est fait médiateur dans plusieurs crises sur le continent comme par exemple en 1980, quand les belligérants s’affrontaient pour le contrôle de N’Djamena, au Tchad, où il avait pris le risque de traverser le fleuve Chari en pirogue pour discuter avec les acteurs.
Son leadership se verra ensuite récompensé par le Prix de la Paix (Pax Mundi) fondé par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, ou encore un prix attribué par l’Association diplomatique internationale.
Disparu le 5 février 2005 à l’âge 69 ans dont 38 passés au pouvoir, Gnassingbé Eyadema aura marqué l’histoire de l’Afrique.
Source: Afrotribune.com

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