Les manifestations de la dictature implacable qui régente le Togo dépassent parfois l’entendement humain. Le régime cinquantenaire recourt souvent à des méthodes hitlériennes révolues contre d’honnêtes citoyens, juste dans le but de conservation du pouvoir. La période électorale reste la saison favorite où il active son piteux laboratoire et met en branle des stratégies saugrenues, pour écarter de potentiels adversaires politiques avec l’aide des institutions de la République, notamment la Justice, qu’il a réussi à mettre sous ses bottes.
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En plus des achats des consciences, de l’utilisation des ressources du pays lors des campagnes électorales et des fraudes massives dans lesquelles il est champion, le régime de Faure Gnassingbé se livre depuis quelques années à une chasse aux sorcières contre les adversaires politiques qu’il écarte de la course électorale par des méthodes décriées de tous. Ce régime, comme l’ont déjà reconnu de nombreux observateurs de la vie politique togolaise, engrange des ressources financières non pas pour développer ce pays dont la déconfiture n’est plus à démontrer mais pour des visées électoralistes. Ces ressources sont utilisées contre des adversaires reconnus pour leur capacité à déstabiliser les plans du régime lors de ces rendez-vous électoraux. Kofi Yamgnane, François Akila-Esso Boko et Pascal Bodjona ont déjà fait les frais de ces machinations orchestrées par le clan Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir. Un petit retour sur ces duperies du RPT/UNIR pour rafraîchir les mémoires.
Kofi Yamgnane écarté pour une histoire d’acte de naissance…
Ministre, Secrétaire d’Etat à l’Intégration sous François Mitterrand, puis député du Finistère de 1997 à 2002 et Maire à Saint-Coulitz en France, les déboires du Franco-Togolais Kofi Yamgnane ont commencé au Togo lorsqu’il a annoncé sa candidature pour l’élection présidentielle de 2010. « Ce que craint Faure Gnassingbé, c’est que Kofi Yamgnane ne dénonce en France, où il est connu, la fraude massive qui s’annonce le 28 février (Ndlr, date prévue pour l’élection présidentielle de 2010 au Togo », avait confié, en 2010, une source au journal français La Croix.
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« Confusion sur l’identité de la personne ». C’est l’argument invoqué par la Cour constitutionnelle togolaise pour rejeter le dossier de candidature de Kofi Yamgnane en 2010. Dans le dossier, la date de naissance du candidat Yamgnane diffère de deux mois entre les documents français et togolais. Une occasion sur laquelle avait sauté la haute juridiction togolaise pour déclarer à l’époque que cela pouvait « fragiliser la sécurité juridique et judiciaire inhérente à la magistrature suprême du pays ». Un argument qui, bien sûr, ne tenait pas la route. Kofi Yamgnane, remonté, avait déposé un recours en annulation de cette décision qui, selon lui, « ne repose sur rien ». Mais c’est compter sans la détermination de cette juridiction téléguidée depuis le sommet. « Je suis malheureux pour les Togolais. Le Rassemblement du peuple togolais pense qu’il va rester éternellement au pouvoir au Togo », avait regretté l’ancien ministre sous François Mitterrand.
Personne ne comprenait cet acharnement contre le natif de Bassar, puisqu’il ne faisait pas partie des poids lourds que le régime de Faure Gnassingbé pouvait redouter à l’époque. Mais il était craint tout simplement parce qu’il était un produit de la France et qu’il pouvait faire entorse à la machine à fraudes du régime.
François Boko, un retour empêché…
Après ce scénario, l’on pensait que le régime RPT/UNIR était revenu à la raison et que le jeu électoral serait désormais ouvert à tous, sans distinction, surtout que les discours en ce sens ne manquaient pas. Mais les Togolais seront sortis de leur rêve cette année, avec les manigances du pouvoir qui a finalement empêché le retour de l’ancien ministre de l’Intérieur, François Akila-Esso Boko, exilé en France depuis 2005.
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L’on redoutait ce spectacle ahurissant monté de toutes pièces par le régime en place. Mais d’aucuns se sont ravisés, même si c’est avec des réserves, lorsque Faure Gnassingbé a donné sa parole à l’ancien ministre de l’Intérieur, à travers ses émissaires. Contre toute attente, c’est depuis la France que les consignes ont été données de ne pas le laisser monter dans l’avion, Air France. La suite, on la connaît tous.
En réalité, il s’agit pour le régime de Faure Gnassingbé d’empêcher un potentiel candidat à la présidentielle de 2020 de rentrer au pays, et de régulariser sa situation avant ces échéances. Les candidats de l’opposition traditionnelle étant déjà maîtrisés, il ne faut surtout pas que quelqu’un vienne fausser les probabilités de fraudes massives auxquelles sont habitués les autres candidats qui ne diront d’ailleurs pas grand-chose (à part « on nous a volé, marchons pour dénoncer… »). Avant cela, des articles ont été commandités dans les journaux proches du pouvoir, sur une probable arrestation de l’ancien ministre dès qu’il mettra pied à l’aéroport international de Lomé. Mais la détermination de François Boko à rentrer au pays, peu importe le prix à payer, a créé une grande panique au sein du régime qui a mis en branle son plan B. La compagnie qui devrait prendre M. Boko, Air France, a reçu des menaces du pouvoir de Lomé.
Un autre adversaire de taille est finalement écarté de la course à la présidentielle de 2020, puisque François Boko ne peut plus se présenter à ces échéances électorales, une fois qu’il n’était pas rentré au Togo le 28 février dernier.
…Et Pascal Bodjona pour dénomination d’une liste
L’on pensait que c’est seulement pour les élections présidentielles que le RPT/UNIR se fourvoie dans des subterfuges pour écarter de potentiels adversaires. Visiblement, la gourmandise politique, cette maladie incurable dont souffre le régime l’amène à ne céder aucune parcelle du pouvoir. Pour de simples élections municipales, il se sert encore des arguties pour invalider des dossiers, notamment ceux des candidats jugés trop gênants. La liste « Ensemble pour le Togo » de l’ancien ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Pascal Bodjona, a été particulièrement visée et invalidée. Pour ce faire, le régime de Faure Gnassingbé a recouru à la complicité de la Justice (Tribunal de Première Instance de Lomé et Cour suprême). Et un avocat, Me Modjona-Esso Dandakou a été mis à contribution pour porter plainte contre Bodjona et sa liste dont la dénomination ressemble à l’ONG « Ensemble pour le Togo ».
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« Défaut de dénomination ». C’est l’argument avancé par la Cour suprême pour invalider la liste de Pascal Bodjona en course pour la mairie d’Agoè-Nyivé. Mais aujourd’hui, tous les Togolais se sont rendus compte de la supercherie du régime qui a manipulé cet avocat, puisque les responsables de cette ONG « Ensemble pour le Togo », notamment sa présidente Mme Betty Chausson n’ont jamais esté en justice contre l’ancien ministre. « Je n’ai jamais déposé une plainte contre ce Monsieur Bodjona. Je suis actuellement à mon domicile en France. Je n’ai ni mandaté une quelconque personne pour faire quoi que ce soit. Je suis apolitique et non confessionnelle ainsi que tous les membres de notre ONG », a-t-elle indiqué dans un communiqué la semaine dernière.
Aux dernières nouvelles, la dame a instruit son avocat franco-togolais, Me Koevi Godfrey, officiant au Barreau de Marseille, de déposer une plainte contre l’avocat togolais, Me Modjona-Esso Dandakou. « Mme Betty Chausson est totalement innocente, en dehors de tout le remue-ménage. Elle est remontée. Elle me demande d’engager une action judiciaire, action disciplinaire contre Me Dandakou. Un avocat ne peut pas produire des éléments de faits qui sont erronés pour bleuir la justice. Il s’agit d’une escroquerie (…).Dans une société quelle qu’elle soit, il y a deux vertus qui constituent le soubassement, celle de justice et de liberté. La justice est rendue par des hommes (…) si vous donnez des éléments faux à des hommes de droit, ils vont rendre une justice qui est tordue et obtenir de l’escroquerie en justice », a déclaré Me Koevi Godfrey dans un entretien accordé à une radio locale. Mais malgré tout cela, la liste « Ensemble pour le Togo » de Pascal Bodjona n’a pas été régularisée par la Cour suprême.
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Comme on peut le voir, il s’agit d’une réelle volonté du régime de Faure Gnassingbé d’empêcher les adversaires politiques sérieux de s’engager dans la course électorale. Et à chaque fois, il utilise les institutions de la République, notamment la justice pour régler des comptes à ses adversaires. Une méthode spécifique aux dictatures. Dans son projet de conservation à tout prix du pouvoir, le régime préfère faire la compétition avec des adversaires politiques qui ne représentent plus aucun enjeu. Et ça se comprend sous une dictature cinquantenaire qui ne veut rien lâcher.
Source : L’Alternative No.806 du 18 juin 2019

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