C’est une affaire choquante née d’un choc à grande vitesse. L’histoire d’un habitacle en déplacement à tombeau ouvert avant que tout, absolument tout ne s’arrête; l’énergie cinétique de l’engin se transforme en énergie potentielle. Le déplacement fait place à l’inertie silencieuse et brutale. La propagation énergétique, celle qui multiplie la masse du corps par sa vitesse au carré, s’étend jusqu’aux bords et rebords de la carrosserie, puis au moteur, et douloureusement aux sacs d’os, de chair et de sang, assis dans cet espace devenu si petit. Bruits de tôles froissés, énorme fracas, corps violemment tassés, os cassés, déboîtés. Existence, vie, mort et transcendance d’humoristes togolais. Un camion était arrivé sur leur voie. Ils ne l’ont pas vu, il ne les a pas vu.
Dans cette tragique affaire, de qui va t-on se payer la tête pour lui faire porter le chapeau; Aux conducteurs de part et d’autre ? ou bien à nos routes africaines anémiées qui font des blagues mortelles aux humoristes. Ces derniers en sont morts, mais pas de rire. Ils n’en reviennent pas. Ils n’en reviendront jamais.
Lorsque l’horreur frappe, c’est toujours le cœur qu’elle vise en premier.
C’est un deuil national, une peine populaire, et ce n’est pas parce que nous sommes nombreux à la partager qu’elle sera moins lourde à porter pour les familles éplorées. Paradoxe !
Les prières résonnent, telles de sourdes plaintes, avant de s’en aller mourir telles des rumeurs souterraines. Le peuple perclus dans son silence, contemple l’horizon que l’aurore embrase de mille feux, certain que les jours d’après, pas plus que ceux qui les ont précédé, ne sauraient apporter suffisamment de lumière dans le cœur des hommes.
Hélas, il vient un après-accident, une après-mort, un après-funérailles. Quand un événement malheureux vient desservir ceux qui en meurent, il demeure au service des vivants qui en souffrent, c’est à dire le pays tout entier qui en pleure. PLEURE Ô PAYS BIEN AIME.
Si les morts sont morts et finis, c’est parce que quelque part ils ont purgé leur peine. Cela doit rappeler aux vivants qu’ils ne sont que des fantômes en avance sur leur heure. Ils n’ont pas plus de pouvoir que les poulets qu’ils ont fait sacrifier sur l’autel des peines perdues. Réconcilier les cœurs des hommes divisés; rompre les amarres de ces anciennes querelles chahutées et muselées; ne plus ressembler aux hommes que nous avons été, ne plus subir nos anciennes misères; Enterrer nos anciennes rancœurs et différences dangereuses; Laisser ces stars du rire éteintes nous rendre ce dernier service, que de s’en aller, avec nos petites bassesses humaines.
La vie de ces hommes drôles et rieurs, vaut à nos yeux plus que tous les sacrifices.  Ils ont eu le talent de ne pas se laisser déborder par les événements; la décence de ne pas céder au siège des infortunes. Cette simple pensée est à graver dans le souvenir de ceux qui vont leur survivre et leur succéder. Car nous sommes sûrs qu’ils n’ont pas choisi leur fin.
Et du Chef de l’Etat, leur premier spectateur, qu’ils avaient appris à affectionner, jusqu’au dernier de leur fan, le meilleur hommage qu’on puisse leur rendre, est de faire du Togo un pays meilleur que celui qu’ils nous laissent.

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