Fichier électoral opaque, cour constitutionnelle et commission électorale aux ordres, une partie du pays sous occupation militaire, observateurs électoraux indépendants écartés, tout semble engagé pour la réélection de Faure Gnassingbe pour son quatrième mandat à la tête de l’Etat. Le fichier électoral cristallise les tensions. Voyons voir de quoi il en retourne.

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La scène se passe en 2015, à la veille de la présidentielle d’avril 2015. « Si, vous venez la quatrième fois me remettre encore une clé soi-disant que la précédente n’est pas la bonne, je prends mes cliques et claques et je me tire d’ici », tonne le général Siaka Sangaré, envoyé de l’OIF, admonestant un cadre de la CENI, probablement le  Coordonnateur du Centre National de Traitement de Données (CNTD) C’est la troisième clé qu’on lui remettait pour audit et à chaque fois, et à plein milieu de travail,  on lui  revient chaque fois que le fichier n’était pas le bon. Estomaqué par tant d’incurie et de chaos, le général a fini par perdre de sa tempérance.

L’anecdote est rapportée par le président par intérim du Parti des Togolais, Nathanaël Olympio. Le général est missionné par l’OIF pour enquêter sur le fichier électoral togolais suite à une controverse déclenchée par le président d’alors du Parti des Togolais, mettant en cause l’intégrité du fichier, qui faisait des yo-yo selon qu’il s’agit d’une élection présidentielle ou des législatives. Le fichier peut perdre 500 mille à 1 million d’électeurs comme si le pays était frappé par un cataclysme et les regagner d’un coup à la prochaine présidentielle.

Après avoir apuré les doublons, l’OIF conclura à un fichier corrompu à 75% et inapte à une élection. Siaka Sangaré suggèrera officieusement le report des élections, le temps de rendre fiable le fichier. Contre toute attente, Jean-Pierre Fabre le candidat de l’ANC et tête d’affiche de l’opposition, après discussions avec le pouvoir,  accepta l’organisation du scrutin malgré l’état du fichier.

Le général Siaka Sangaré dira au cours d’une conférence hallucinatoire :  « Un fichier électoral n’est parfait que, quand il est consensuel, c’est-à-dire qu’il garantit les intérêts et l’égalité de chance de tous les candidats. C’est effectivement ce à quoi on est arrivé. On a pu avoir un fichier consensuel qui a été accepté par tous les candidats ».

Quel est l’état réel du fichier électoral  aujourd’hui ? On ne peut le savoir exactement, mais on peut l’estimer. On sait du moins que le fichier date depuis le premier recensement électoral de 1992 pendant la Transition et l’organisation de la première présidentielle d’une ère que l’on espérait démocratique, soit un âge d’au moins 28 ans.  Il y a par conséquent bien des morts dans le fichier.

Ensuite, plus de 75 % des inscrits le sont sans carte d’identité nationale. Ceci facilite l’enrôlement de personnes n’ayant pas l’âge de voter mais aussi d’étrangers. Hormis la région de Lomé, l’enrôlement sur les listes électorales se fait de façon fantaisiste, nous confie un expert électoral membre de la CENI.

Pour le scrutin du 22 février prochain, la CENI annonce un chiffre de 3.614.056 électeurs  sur une « population électorale de 4.170.000 ». Ce chiffre fait un total de 86,6% de la population électorale  en 2019 contre 72% en 2018. Ce qui suppose que le recensement électoral en 2018 et la révision des listes électorales en 2019 ont couvert plus de 85% de la population et ont été ainsi une réussite.

En réalité, bien d’analystes mettent en doute ce chiffre. La population est estimée à 7,9 millions. Selon les estimations du site http://perspective.usherbrooke.ca/, la population togolaise de moins de 15 ans  est de 3.239.000 habitants soit 41,30% de la population totale.

La tranche d’âge de 15-64 ans fait 4.411.360 habitants soit 55,84%. Si on retranche la tranche d’âge de 15 à 17 ans, on peut remarquer que la population électorale de la CENI se retrouve effectivement dans cette tranche d’âge. Mais en réalité, il ne s’agit que d’estimations, en l’absence d’un vrai recensement électoral.

Six cent (600) mille voix de garantie

Or, le recensement électoral a été massivement boycotté en 2018 et les révisions en 2019 ont été très mal organisées avec des machines en panne.

Conclusion, les chiffres de la CENI ne recouvrent pas la réalité du terrain. Selon un expert de la CENI que nous avons contacté, après apurement, c’est-à-dire la suppression des doublons, le fichier est compris entre 2.500.000 et 2.900.000 électeurs, soit 700.000 de moins que le chiffre de la CENI. « En tout cas, le fichier ne dépasse pas 3 millions d’électeurs », ajoute-t-il.

Si on doit faire sortir les morts depuis 1992, quel serait la situation réelle du fichier électoral en 2020 ? Mystère.

Dans ce cas, si la CENI donne 3,6 millions d’électeurs au lieu de 3 millions voire moins, d’où viennent alors les 600.000 électeurs ? Notre informateur ajoute : « à la dernière révision, il y a eu à peu près 250.000 électeurs, si l’on en croit les informations du président de la CENI. Dans ce cas, je peux vous rassurer qu’après élimination des doublons, le fichier n’est pas celui annoncé par le président de la CENI ».

En 2015, Alberto Olympio, l’ancien président du Parti des Togolais, affirme au cours d’une conférence de presse que le président sortant a un réservoir  de 500 mille d’avance sur ses concurrents. Un réservoir garanti.

Le Centre National de Traitement de Données (CNTD), est le service névralgique  de la CENI. Il est dirigé par ANDJAO Tcha-kpohu, l’un des responsables du CIC-CAFMICRO, l’école supérieure d’informatique de l’Université de Lomé. Selon nos informations, le CNTD est très autonome et ne rendrait compte à personne.

letempstg.com

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