Des images de deux vieilles femmes présentées comme étant des sorcières qui seraient tombées d’un arbre dans le quartier Agbalépédo, un message vocal d’un ex, un mauvais perdant, citant nommément la femme désirée comme étant une séropositive dans le but de nuire à sa réputation, des photos insupportables des victimes d’accident de circulation, sont quelques-uns des dérives relayées ces derniers temps sur les réseaux sociaux au Togo.

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De fait, ceux-ci sont devenus aujourd’hui de véritables architectes de la rumeur, de la calomnie, de fake news (fausses informations), ou de «vérités alternatives». Des tireurs invisibles derrière ces réseaux ciblent des personnalités publiques ou des acteurs politiques, dans le but de les déstabiliser ou de nuire à leur réputation, incitant leur auditoire à partager diligemment et largement leurs publications ou audios ( mimè tcha tchatcha). Plus compliqué, ils se mettent parfois au service de groupes d’intérêt dont ils défendent les inavouables objectifs, en «produisant» des informations orientées, quand il ne s’agit pas tout simplement d’une entreprise soutenue de désinformation.

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Sur les 2 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux en 2017, on estime que 3 Togolais sur 7 utilisent au moins un réseau social. Les principaux réseaux investis par ces nouveaux fabricants d’informations aussi imaginaires que toxiques sont Facebook, Twitter et YouTube, Whatsapp. Ce dernier connait une poussée fulgurante dans le pays même dans les milieux insoupçonnés grâce à la facilité de communication qu’il offre. Ces médias, faciles d’accès et d’utilisation, ont permis, ces dernières années, à tout individu, de créer son propre support d’information, sans devoir souscrire aux lois auxquelles sont soumis les médias traditionnels. Les conséquences de ces entreprises de déstabilisation peuvent s’étendre à tout un pays, quand ce sont des grands serviteurs de l’État qui sont visés.

Démunis face aux attaques répétées, forcément hostiles, et parfois scabreuses, nombre de citoyens togolais «attaqués» sont quasiment mis en demeure de s’expliquer régulièrement, sans que leurs démentis ne soient jamais à la hauteur du préjudice subi. Rumeurs, calomnies, fausses nouvelles, règlements de comptes, intox, accusations mensongères mettant en cause la probité et l’honneur des personnes : dans ce sombre registre, le nombre de victimes ne cesse d’augmenter.

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Les pouvoirs publics, alertés, dépassés parfois par les désastres occasionnés par l’utilisation litigieuse des réseaux sociaux, sont amenés, depuis quelque temps, à se pencher sur la question. Tout en prenant en compte la difficulté à «contrôler» ces outils de communication à portée mondiale, et dont les utilisateurs se trouvent bien souvent à l’extérieur du pays, le gouvernement, s’attelle à la régulation des réseaux sociaux.

C’est dans cette optique que s’inscrit la communication faite lors du conseil des ministres du 21 mars 2018. Au cœur des réflexions sur le sujet, la régulation des réseaux sociaux notamment par la mise en place d’une campagne de sensibilisation relative à leur usage, la signature d’un code de bonne conduite avec les représentants de structures comme Facebook et Twitter, l’adoption d’une loi sur les fausses informations et la création d’une plateforme de signalement. « La prolifération des discours de haine (hate speech) et des fausses informations (fake news) sur internet et plus spécifiquement sur les réseaux sociaux, constitue aujourd’hui une préoccupation mondiale et une menace sérieuse, tant pour la stabilité des Etats que pour la cohésion et la paix sociale », se justifie le gouvernement.

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INTERNET N’EST PAS UN MONDE SANS GOUVERNEMENT »

La multiplication des dérives sur les réseaux sociaux laisse croire qu’Internet est un monde sans gouvernement. Des lois encadrent pourtant l’usage, et la diffusion d’un tel contenu, comme le simple fait de le «liker» ou de le «retweeter» peut être puni. Publier ou relayer des contenus répréhensibles sur les réseaux sociaux est punissable de peines de prison. En France par exemple, l’injure sur Facebook ou un réseau social sera considérée comme publique si elle est lancée sur un profil, un groupe ou une page publique. Si elle est en revanche publiée dans le cadre d’un groupe privé, d’une page d’une communauté peu nombreuse ayant un même intérêt par exemple, alors, elle sera considérée comme injure non publique.

Au Togo, sur le plan civil, il est possible d’engager la responsabilité des internautes au titre, par exemple, d’une violation du droit de chacun au respect de sa vie privée. En outre, les infractions pénales de droit commun telles que l’injure, la diffamation, ou encore l’incitation à la haine peuvent être retenues contre les auteurs de ces publications. C’est dans ce sens que l’administrateur d’un groupe whatsapp a été condamné au Bénin la semaine dernière. Mais ces réponses exclusivement judiciaires ne sont pas suffisantes et ne permettent pas de réguler efficacement et rapidement l’intégralité du contenu en circulation. C’est pourquoi d’autres solutions doivent être retenues.

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Toutefois, il faut bien reconnaître qu’une réglementation ne consisterait qu’à produire une réponse partielle à ce phénomène. Pour endiguer ces dérives, le Togo devra engager une vaste campagne de pédagogie, en direction de la population, éduquer la population sur l’usage et les inconvénients de ces médias numériques. Cette campagne doit viser plus particulièrement les jeunes qui « à l’heure actuelle de l’e-réputation ne comprennent pas qu’un post aujourd’hui peut avoir un effet boomerang sur leurs carrières, demain ».

Ce n’est qu’après qu’on pourra s’atteler à la formation à la culture numérique par la mise en place de politiques d’éducation et de prévention ; la collecte du contenu illicite par la création de procédures de signalement ; l’autorégulation par le développement d’une relation de confiance avec les entreprises de technologie de l’information ; le renforcement du volet répressif par l’adoption de nouveaux textes législatifs. Mais il est inévitable que tout est avant tout question de responsabilité et de respect des lois.

Les responsables de sites d’informations ou les utilisateurs de réseaux sociaux doivent faire preuves de responsabilités en prenant des dispositions pour que la dignité des personnes et des citoyens soit pleinement préservée car l’usage des réseaux sociaux doit se faire dans la garantie de la paix sociale et le respect des libertés publiques et individuelles.

Focus Infos N°202
Titre modifié

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