By Jean Shiloh, Julien Chongwang

Les experts reconnaissent la difficulté qu’il y a à établir des données comparatives entre les pays, compte tenu des différences extrêmes de systèmes de santé et de contexte économique.
Toutefois, un certain nombre de paramètres ont été retenus à l’échelle mondiale pour apprécier les progrès réalisés sur la voie de la couverture sanitaire universelle. Ils concernent la santé de la reproduction, de la mère, du nouveau-né et de l’enfant, les maladies infectieuses, les maladies non transmissibles et les capacités des services et accès. Ces paramètres sont résumés dans la figure ci-après.
CSU Indice
Ils servent de guide pour l’appréciation des efforts de chaque Etat dans divers domaines. Mais dans cette rubrique, nous essaierons de nous focaliser surtout sur deux types de données, qui permettront d’avoir un aperçu des efforts fournis par les Etats africains pour donner un sens aux programmes de couverture sanitaire universelle : d’un côté, l’amélioration des services de santé publique et de l’autre, l’amoindrissement des risques de pauvreté liés aux dépenses de santé.
Mais il convient tout d’abord d’avoir un aperçu général des liens entre pauvreté et santé, à travers des données clés.

Sur le continent, rares sont les pays qui consacrent plus de 100 dollars par tête d’habitant à la santé publique, contre 9.818 dollars pour un pays comme la Suisse.
Mais un facteur clé reste la démographie : plus les pays sont peuplés, moins les dépenses impactent positivement sur chaque habitant. Maurice, avec une population de 1,2 million de personnes, est le pays d’Afrique sub-saharienne qui dépense le plus par tête d’habitant, dans le secteur de la santé ($US 506). En comparaison, la République centrafricaine, avec seulement US$ 17 par tête d’habitant, est le pays qui dépense le moins, aussi bien en Afrique qu’à l’échelle mondiale. Sur le vieux continent, la Suisse est le pays du monde qui consacre le plus de ressources financières par tête d’habitant au secteur de la santé, avec un total de $US 9.818. [5]
En résumé, le rapport “Tracking Universal Health Coverage” [6], publié en décembre 2017 par l’OMS et la Banque Mondiale, constate que :
En 2015, près de la moitié de la population mondiale ne bénéficiait pas d’une couverture complète des services de santé essentiels (le nombre de personnes bénéficiant d’une couverture complète des services essentiels de santé varie de 2,3 à 3,5 milliards. Donc au moins la moitié des 7,3 milliards de personnes dans le monde ne reçoivent pas des soins de santé essentiels dont elles ont besoin) ;
Plus d’un milliard de personnes vivent avec l’hypertension artérielle, sans aucun suivi médical ; plus de 200 millions de femmes ont une couverture insuffisante pour la planification familiale ; près de 20 millions de nourrissons ne parviennent pas à commencer ou achever le programme de vaccins essentiels recommandés ;
Chaque année, 100 millions de personnes tombent dans l’extrême pauvreté (moins de 1,9 dollar par jour) parce qu’elles paient de leurs poches leurs dépenses de santé ;
Près de 12% de la population mondiale, soit plus de 800 millions de personnes, consacrent au moins 10% de leur budget ou revenu au paiement des soins de santé ;
La couverture de certains services de santé essentiels a progressé depuis 2000. Les plus fortes progressions concernent la couverture du traitement antirétroviral contre le VIH (2% en 2000 contre 53% en 2016) et l’utilisation de moustiquaires imprégnées pour la prévention du paludisme (de 1% en 2000 à 54% en 2016).
Ces constats montrent notamment les liens étroits entre le niveau de développement économique, la progression de la pauvreté et le coût financier des services de santé. C’est pourquoi dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD), tous les pays ont décidé d’essayer d’atteindre la couverture sanitaire universelle d’ici à 2030 pour que tous les individus aient accès aux services de santé essentiels et de bonne qualité dont ils ont besoin, sans être exposés aux difficultés financières.
L’évaluation et le suivi des différents pays et régions du monde sont plutôt difficiles. Pour mieux aider à comparer les situations dans les pays, il a fallu mettre en place des indicateurs. L’OMS a regroupé les services de santé essentiels en quatre catégories (voir ci-dessus), en vue d’avoir des indicateurs pour mesurer le niveau et l’équité de la CSU.

Région peu hospitalière pour les malades

Dans le tableau suivant, nous vous proposons un aperçu de trois des quatre indicateurs en Afrique (Indice de CSU, maladies infectieuses et capacités des services et accès), avec une comparaison entre les grandes régions du monde. [7]

Cette figure permet, en un coup d’oeil, de se rendre compte des nombreuses disparités entre régions.
Il permet surtout de constater que l’Afrique, avec un indice CSU de 42, est la région la moins hospitalière du monde pour les malades, même si, lot de consolation, la situation semble s’améliorer nettement dans la partie nord du continent.
Dans la figure ci-dessous, nous vous présentons un tableau plus nuancé de la situation en Afrique sub-saharienne, avec pour certains pays, des indices de CSU de niveau européen. Il convient de noter que quatre pays du Nord du continent auraient occupé le haut du tableau s’ils avaient été inclus : Algérie et Tunisie (Indice CSU : 76), Egypte (Indice CSU : 68) et Maroc (Indice CSU : 65). Le premier pays d’Afrique sub-saharienne, les Seychelles, arrive à égalité de points avec l’Egypte, mais pour un effectif de population bien moindre. Le dernier pays africain au classement, la Somalie, a un indice CSU de 22.

Malgré le caractère flatteur de certains de ces chiffres, il convient bien de dire que l’Afrique est encore loin des niveaux de couverture envisagés au plan international.
Il faudra un mixte important de développement économique, couplé avec de la bonne gouvernance, pour que le continent parvienne à se hisser au niveau de certains pays industrialisés.
En témoignent les chiffres encore trop élevés des dépenses personnelles dans les quatre premiers pays africains concernés.

Dépenses de santé : Proportion des dépenses personnelles dans le total des dépenses

Selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Sierra Leone, le Nigeria, le Cameroun et le Mali étaient en 2012 les quatre premiers pays africains où les dépenses personnelles de santé représentaient les taux les plus élevés des dépenses totales de santé. Ceci constitue un indicateur majeur de l’avancement des programmes de couverture sanitaire, qui ont précisément pour but de diminuer les dépenses personnelles, afin de minimiser les risques d’appauvrissement liés aux dépenses de santé. [8]

Avec le soutien de l’OMS et de la Banque mondiale, tous les pays ont accepté de faire en sorte que d’ici à 2030 :
• Toutes les populations, quels que soient les revenus, les dépenses ou la richesse des individus, leur lieu de résidence ou leur sexe, bénéficient d’au minimum 80 % de couverture en services essentiels de santé.
• Tout individu bénéficie de 100 % de couverture du risque financier lié aux paiements directs des services de santé.
Mais la question du financement demeure cruciale, car même si la communauté internationale et des bailleurs assistent les pays pauvres, il est important de trouver des ressources internes pour garantir la pérennité du financement des systèmes de couverture de santé. Des pays comme le Sénégal, le Rwanda, la Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont lancé un programme ambitieux de couverture maladie universelle qui gagnerait à identifier sur le moyen terme des sources de financement autonomes.
A ce titre, l’exemple du Gabon peut inspirer. Dans ce pays, certaines mesures gouvernementales ont fait passer de 20% en 2007 à 45% en 2012 le taux d’inscription de la population à un plan d’assurance maladie. Parmi elles, citons une taxe de 10% sur les revenus des opérateurs de téléphonie mobile et sur l’utilisation de ces téléphones qui a plus que doublé les fonds d’un programme d’assurance-maladie couvrant 99% de la population la plus pauvre du pays. [9]

Indicateurs clés par pays


Ce tableau permet une comparaison entre les pays africains, au regard de l’effectif de la population et des dépenses de santé. Maurice est le pays qui dépense le plus par tête d’habitant en matière de santé, avec 506 dollars, suivie de l’Afrique du Sud (471 dollars). Le pays le moins dépensier est la République centrafricaine (17US$). [10]
Cet article faut partie de notre hors-série sur la couverture sanitaire universelle en Afrique.

 

References

[1] World Health Organisation: How much is too much?
[2] World Health Organisation: Mind the tipping point
[3] WHO: Universal Health Coverage data portal
[4] WHO: Tracking Universal Health Coverage: 2017 Global Monitoring Report
[5] WHO: Global Health Expenditure Database
[6] WHO: Tracking Universal Health Coverage: 2017 Global Monitoring Report
[7] The Lancet: Monitoring universal health coverage within the Sustainable Development Goals: development and baseline data for an index of essential health services
[8] WHO: African Region Expenditure Atlas November 2014
[9] OMS : Le chemin vers la couverture sanitaire universelle : étude de cas sur le Gabon
[10] WHO: Global Health Expenditure Database
 
This article was originally published on SciDev.Net. Read the original article.

 

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