« Le comportement de ce régime est suspect, et la précipitation dans le processus électoral cache mal la volonté de faire des élections escamotées », a dénoncé, jeudi 20 septembre, Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (membre de la coalition de l’opposition), dans une déclaration à l’AFP. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) au Togo avait créé la surprise, mardi, en annonçant non pas une, mais trois élections avant la fin de l’année : un nouveau sujet de crispation entre le pouvoir et les partis de l’opposition, qui perdent du souffle un an après des manifestations massives dans le pays.
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A leur appel, il y a tout juste un an, une marée humaine avait envahi les rues de Lomé et de plusieurs grandes villes du nord du pays pour demander la démission du président Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005 après la mort de son père, qui avait lui-même dirigé ce petit pays d’Afrique de l’Ouest pendant trente-huit ans. Après des dizaines de manifestations, des mois de confrontation, des centaines de blessés, une quinzaine de morts et des jours de pourparlers entre le pouvoir et ce regroupement de quatorze partis politiques de l’opposition, sous l’égide de diplomates de la région, tout est revenu à la normale dans les rues du pays. Ou presque.
Les négociations se sont achevées de façon décevante pour l’opposition, après les recommandations des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) encourageant les autorités à organiser des législatives « avant la fin de l’année ». Mais la CENI est allée encore plus loin, mardi 18 septembre, annonçant un référendum et des élections locales (dont les dernières remontent à 1985) pour le 16 décembre, en plus des législatives, officiellement prévues le 20 décembre.
Stratégie commune
L’opposition dit redouter des « fraudes » dans l’actuel contexte de crise, mais n’a pas vraiment d’autre choix que de participer aux législatives si elle veut avoir une chance de peser au Parlement.
Cette décision va incontestablement dans le sens du pouvoir, favorable à la tenue prochaine de scrutins qui pourraient permettre de casser la cohésion nouvelle au sein de la coalition de l’opposition : chacun des quatorze partis qui la composent doit désormais faire campagne pour son propre compte afin de remporter des sièges au Parlement. Ses principaux membres ont toutefois prévu des réunions d’information à travers le pays, les 22 et 23 septembre, pour mettre en place une stratégie commune.
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Pour Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition, qui a qualifié les législatives de « piège » tendu par le pouvoir, les responsables de la coalition « ne se prêteront pas à n’importe quelle mascarade ». « Les élections se dérouleront quand les tâches nécessaires à un scrutin libre, équitable, transparent et démocratique seront effectuées », avait-il martelé avant l’annonce de la CENI, qui a assuré être « prête » pour décembre.
L’opposition parlementaire boycotte toujours les quatre sièges (sur dix-sept) qui lui sont attribués au sein de la CENI, demandant une plus juste représentation entre les forces politiques togolaises, mais la commission a malgré tout décidé de reprendre ses activités début août.
« Une option ultime »
Le président de la CENI n’a pas souhaité s’exprimer sur la teneur du référendum qui sera organisé en décembre, mais il s’agit sans doute de la réforme constitutionnelle voulue par le pouvoir et prévoyant la limitation non rétroactive du nombre de mandats présidentiels à deux. Ce projet a déjà été rejeté par l’opposition, qui réclame l’application immédiate de cette limitation pour empêcher le président Faure Gnassingbé – qui en est à son troisième mandat – de se représenter en 2020 et en 2025.
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Le ministre de la fonction publique, Gilbert Bawara, a annoncé mercredi la présentation par le gouvernement d’un nouveau projet de révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale dans les prochains jours, sans en dévoiler le contenu. Ce texte « ouvrira la voie au débat démocratique au sein de la représentation nationale, et nous espérons que l’esprit de responsabilité prévaudra afin que cette réforme soit adoptée par les députés », a-t-il déclaré.
Le référendum constitue « une option ultime » qui n’aura de sens qu’en cas d’échec à l’Assemblée, a précisé le ministre, prévenant ainsi à demi-mot les députés que leur refus conduira à une consultation nationale que ne souhaite pas l’opposition. En réponse, Jean-Pierre Fabre a promis une fois encore d’organiser des marches : le seul outil de protestation qui lui reste, semble-t-il.
Source:lemonde.fr

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