En contestant la crédibilité des résultats issus du scrutin présidentiel du 22 février passé, Agbeyome Kodjo, candidat malheureux, tente de créer une crise postélectorale pour espérer briser la légitimité du Chef de l’Etat réélu Faure GNASSINGBE.

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Du coup, l’ancien Premier Ministre, qui, durant les six dernières années, s’est montré opposant modéré et attaché à la légalité, a posé des actes pour lesquels il pourra répondre devant la justice.

Il n’est pas un ovni sur la scène politique togolaise. Agbéyomé Kodjo, 65 ans, est une figure historique qui a occupé de hautes fonctions tant sur le plan politique qu’administratif. Tombé en disgrâce au temps du président Eyadema, il part en exil. Revenu au Togo, il devient opposant mais sa vie politique n’a pas été un long fleuve tranquille.

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Lorsqu’en 2013, il estimait être trahi par ses amis de l’opposition suite à leur participation aux élections législatives au sein d’un regroupement, Agbéyomé Kodjo a préféré prendre ses distances visà-vis d’eux.

Depuis lors, l’opposant se met à l’ écart des leaders de l’opposition dite radicale. Tant et si bien qu’à Lomé, certains avaient le sentiment que cet ancien Premier Ministre est rentré dans les girons du Président Faure.

Il est resté modéré. Son parti, le MPDD, a pris part aux élections législatives de 2018 alors que la C14 (la coalition des 14 partis de l’opposition, qui a organisé des manifestations contre le pouvoir entre 2017 et 2018, et qui a volé en éclat par la suite) avait appelé au boycott de ces élections.

Comme dans un feuilleton, la politique togolaise a connu un rebondissement lorsque Monseigneur Phillipe Kpodzro choisit Agbéyomé Kodjo, « candidat unique de l’opposition » à l’issu d’un casting qui n’en était pas un. En fait, en lançant sa dynamique pour choisir ce « candidat unique », Monseigneur Kpodzro lui-même avait, quelques fois, sans le vouloir, vendu la mèche au cours de ses rencontres.

Les principaux opposants radicaux, à l’exception de Brigitte Adjamagbo (CDPA) et de Fulbert Atisso (Togo autrement), n’ont jamais voulu suivre cette initiative dénommée « la dynamique Monseigneur Phillipe Kpodzro ».

Depuis les manifestations de la C14 en 2017,  Monseigneur Phillipe KPODRO a pris position contre le pouvoir de Lomé et s’est acharné contre la personnalité de Faure Gnassingbé. Cette situation avait suscité  de nombreuses réserves donc moins d’indignations au sein de la communauté catholique.

Agbéyomé Kodjo, candidat de Monseigneur Kpodzro, dans un rôle du candidat unique de l’opposition qu’il tente de s’endosser, change d’attitude et de façon assez surprenante. Il emboite le pas à son parrain, le prélat et critique désormais, vertement le pouvoir.

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« Je pensais qu’en tant qu’évêque, Monseigneur Kpodzro allait dire qu’il pense avoir gagné mais qu’il n’a pas la preuve » avait estimé un observateur de la vie politique togolaise. « Lui, évêque, ne peut pas cautionner qu’Agbéyomé se proclame sans preuve » a-t-il dit.

« Des faits délictuels et criminels » selon le Procureur de la République

Si Jean Pierre Fabre, leader de l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement) n’a jamais accepté sa défaite en 2010 et 2015 sans franchir certaines limites, Agbeyomé Kodjo, qui respecte cette tradition de contestation des élections au Togo, ne s’en est pas privé de le faire.

Dans sa lettre adressée à la Présidente de l’Assemblée nationale le 09 mars 2020 avec objet « demande de levée d’immunité parlementaire », dont la copie virtuelle a circulé sur les réseaux sociaux, le Procureur de la République a indiqué que, le député Agbéyomé Kodjo, posait certains actes et tenait certains propos au cours de la campagne électorale et a persisté « en s’autoproclamant Président de la République élu au soir du 22 février 2020, préalablement à la proclamation des résultats provisoires par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ».

Puis, M. Kodjo, « après avoir procédé à la nomination le 02 mars 2020 d’un supposé Premier Ministre en la personne du sieur Antoine Koffi NADJOMBE, s’est adressé le 03 mars 2020 à la nation et aux forces armées togolaises invitant celle-ci à se mobiliser autour de sa personne de prétendu Chef de l’ Etat et Chef suprêmes des armées »

. Dans la même veine, poursuit le Procureur de la république, « le sieur NADJOMBE s’adessant à la nation entre le 04 et le 06 mars, en qualité de Premier Ministre, a appelé, non seulement la population mais aussi les forces de défense et de sécurité à se rallier au député Agbéyomé KODJO comme président élu et à lui-même pour prendre contrôle de tous les leviers de l’ Etat. »

Le procureur de la République qui souligne aussi la « création d’un site web du gouvernement dit d’Agbéyomé », estime qu’Agbéyomé Kodjo tente de supprimer les institutions de la République « en s’érigeant Président de la République au mépris des résultats définitifs de la Cour constitutionnelle » et en procédant aux « actes subversifs » alors même que le mandat du chef de l’Etat actuel est toujours en cours.

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Le Procureur de la République a estimé que le député a posé « des faits délictuels et criminels » auxquels il devra répondre. Lundi 16 mars, le parlement lève l’immunité parlementaire d’Agbéyomé Kodjo pour ces faits. 80 députés ont voté pour, 8 se sont abstenus et 2 ont voté contre.

S’auto-proclamer Président sans prendre le risque de démissionner de son poste de député

La dynamique KPODZRO s’est lancée sans ménagement dans un bras de fer avec le pouvoir de Lomé que le parti UNIR (Union pour la République, parti au pouvoir) a jugé provocateur, au cours d’une conférence de presse, mardi 03 mars. Agbéyomé Kodjo s’était déclaré « Président démocratiquement élu » sans jamais se prononcer sur son poste au sein de l’Assemblée nationale.

Cette représentation nationale actuelle, le candidat Agbéyomé Kodjo devrait la dissoudre, une fois élu, si l’on en croit Madame Adjamagbo Kafui, porte-parole du candidat malheureux, qui s’est prononcé sur le sujet au cours d’une émission – débat su la télévision togolaise pendant la campagne électorale.

Dans cette assemblée qu’il ne souhaite plus voir, Agbeyome s’accroche ainsi à son poste de député, et de surcroit à son immunité. Dany Ayida, qui est devenu, peu avant la campagne, un soutien important à la dynamique Kpodzro, avait demandé à Agbeyomé Kodjo, à travers un post facebook, de démissionner.

La résistance qu’a lancée Agbéyomé Kodjo, même si elle est allée loin selon les proches du pouvoir, peut être considérée comme un ballon d’essai pour lesquel, il n’a surement pas envisagé prendre un risque lié à ses privilèges.

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 L’ancien Premier Ministre n’en doutait pas. La contestation, qui aurait pu créer une crise postélectorale, n’est pas sûre d’aboutir malgré que, les partisans de la dynamique Kpodzro, claironnent qu’ils ont « des soutiens diplomatiques ». Un « trompe-œil », selon leurs détracteurs.

Lâché par l’opposition  et jamais reconnu la communauté internationale

Avec moins de 5%, Jean Pierre Fabre, arrivé 3ème a reçu une « claque » électorale. Bien qu’il accepte cette défaite, M. Fabre n’a jamais reconnu officiellement une quelconque victoire d’Agbéyomé Kodjo. A y voir de près, le communiqué de son parti, quelques heures après la fermeture des bureaux de votes, samedi 22 février, n’a jamais précisé le vainqueur de l’élection.

Ce communiqué soulignait une évidence : UNIR et le MPDD arrivaient en tête dans plusieurs bureaux de votes. Les réactions prématurées ou les mieux préparées des autres partis politiques de l’opposition ont été toutes, assez nuancées. Les autres candidats doutent plutôt de la crédibilité des résultats du scrutin sans pour autant reconnaitre les chiffres qu’avait avancés le camp d’Agbéyomé Kodjo.

Aucun d’ entre eux, n’a appelé ses militants à se joindre à la manifestation que la dynamique Kpodzro devrait organiser sur le terrain du bas-fond du Collège Saint Joseph

Quant à la communauté internationale, elle reconnait la victoire du Président sortant Faure GNASSINGBE. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la France, l’Union Européenne et autres pays ont envoyé leur lettre de félicitations sans qu’aucun de leurs cadres ne jette le moindre discrédit sur le processus électoral.

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Le coronavirus a imposé une trêve politique. Cette situation n’a pas dissuadé le leader du MPDD à lancer des pics, devant des jeunes rassemblés à la devanture de sa maison. Mais bien avant, à travers un message à la nation, diffusé sur les réseaux sociaux.

Agbéyomé Kodjo, qui ne s’est pas présenté, jeudi 09 avril, devant le Service central de recherches et d’investigations criminelles de la Gendarmerie Nationale, risque d’être affaibli, par son bras de fer avec le pouvoir et surtout par d’éventuels ennuis judicaires.

Imagine Demain No 009

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