La crise politique togolaise qui dure depuis des dizaines d’années trouve son origine dans un seul mal : la confiscation du pouvoir par un système politique mis en place depuis plus de cinq décennies. Cette crise est née dès le début des années 90 et depuis ce temps jusqu’à ce jour, le peuple n’a de cesse d’exprimer son désir de voir l’alternance politique véritable se réaliser au sommet de l’État. Le Général Eyadema a fait feu de tout bois pour priver le peuple togolais de ce vœu si cher à lui jusqu’à ce que la mort ne l’emporte le 05 février 2005.

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Malheureusement pour les partisans du changement, le même système qui tient les commandes va priver les Togolais de cette opportunité qui devrait permettre, pour une des rares fois, un jeu démocratique libre en vue d’un changement accepté par tous après la disparition de l’homme du 13 janvier. Mais il a plutôt fallu plusieurs centaines de morts pour que le fils succède de force au père. Et depuis ce temps, c’est le même vin qui saoule, la même chanson qui fait danser la foule. Le problème demeure intact et le même, l’alternance politique, toujours l’alternance, si proche et toujours si loin.

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Toute la communauté nationale et internationale en est consciente et pour y remédier donc, un accord intitulé Accord Politique Global (APG) fut signé en août 2006. Le respect des clauses de cet accord devrait en réalité permettre que le jeu démocratique transparent débouche à cette alternance politique dont tous les cœurs sont restés constamment avides. Cet APG a fait des années sans pouvoir être appliqué, il aura été d’ailleurs déclaré mort par les hommes du pouvoir en place.
Plus tard, ce fut la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), une initiative de Faure Gnassingbé financée par les partenaires et son gouvernement lui-même. Il nous souvient en effet que le rapport final de cette commission a clairement recommandé la limitation du nombre de mandats présidentiels depuis 2012 en vue de permettre le renforcement de la réconciliation nationale reposant sur une base bien solide. Pour ce faire, il aurait suffi de rétablir les articles 60 et 59 de la constitution de 1992 au lendemain des travaux de la CVJR comme indiqué dans le document final pour que tout le problème soit résolu à l’époque. Mais rien ne fut fait.

 

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Aujourd’hui, c’est une nouvelle crise qui naît avec pour motif le même mal, le très long règne d’un pouvoir confisqué arme à la main par un cercle clanique depuis plus de cinquante ans. Une Corée du Nord en Afrique de l’Ouest, dirait l’autre.
Face à ce constat, point n’est plus besoin en principe de se poser la question de savoir si Faure est dictateur ou démocrate. Seulement, le caractère paradoxal et confus du système politique togolais sous le règne des Gnassingbé nous oblige à poser tout de même la question : Faure est-il dictateur ou démocrate?
Pour les uns, la réponse est sans ambiguïté. Ceux-ci diront sans doute que Faure est un démocrate juste parce qu’il permet l’organisation des élections législatives et présidentielles avec la participation de plusieurs partis politiques pour se faire élire et élire les députés. Ce premier courant de pensée ajoutera certainement que sous les mandats de Faure Gnassingbé, la liberté d’appartenir au parti politique de son choix, la liberté d’opinion et d’expression sont garanties à tous les citoyens.

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Mais tout ceci suffit-il pour admettre que Faure est un démocrate ?

La liberté d’opinion et d’expression et l’organisation des élections telles que vécues au Togo sont loin de faire de Faure Gnassingbé un démocrate, nous dira un second courant de pensée opposé au premier.
Et selon le constat au sein de la population appuyé de différents résultats d’enquêtes, une très large majorité des Togolais pense que Faure n’a jamais été un démocrate et c’est bien ce qui justifie la contestation de son pouvoir depuis plusieurs mois par un peuple opprimé et assoiffé d’un renouvellement à la tête du pays. Les raisons ci-dessous expliquent plus clairement que Faure Gnassingbé n’a jamais été un adepte de la démocratie.
Dans un premier temps, un président démocrate ne tue pas son peuple pour pouvoir se faire élire avant de confisquer le pouvoir par la suite. L’exemple de 2005 le confirme si bien. A ce coup de force électoral orchestré dans un bain de sang, vient s’ajouter le verrouillage des institutions empêchant toute chance à une autre formation politique d’accéder au pouvoir (un fichier électoral corrompu, une CENI et une cour constitutionnelle inféodées au pouvoir, un découpage électoral taillé sur mesure, tous les biens de l’État mobilisés en faveur du seul candidat du parti au pouvoir, l’armée et la police placées au service d’un seul individu…). Ce schéma ci-dessus est bien similaire à un match de football où une équipe fait ligoter le portier de l’équipe adverse à l’étape des tirs au but pour crier victoire après la compétition. Drôle de démocratie!

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La seconde raison qui fait de Faure Gnassingbé tout sauf un démocrate, c’est bien les dernières répressions sanglantes du peuple qui conteste son pouvoir avec la sortie des milices aux côtés des forces de l’ordre. Ces faits et gestes sont le propre d’un dictateur et rien de plus. Et pour confirmer tout ceci, les atrocités policières continuent à chaque fois que l’opposition appelle le peuple à manifester. Les citoyens à mains nues sont sauvagement assommés et poursuivis jusque dans leurs chambres où ils sont mortellement matraqués. Il s’en suit des fois des morts après les bastonnades insupportables. Tout ceci vise un seul objectif: maintenir le peuple dans une terreur permanente pour le contraindre à se soumettre à la volonté de l’équipe dirigeante.
Ensuite, le refus de limiter le nombre de mandats présidentiels depuis la signature de l’Accord Politique Global, mais aussi après les recommandations de la CVJR montre que Faure Gnassingbé aspire à un long règne, or, ce goût démesuré aux antipodes de notre siècle n’est pas celui d’un démocrate. Il l’a encore confirmé en dévoilant son projet de modeler à sa manière la constitution togolaise lui donnant l’occasion de briguer de nouveaux mandats après 2020 alors qu’il aura déjà fait 15 ans au pouvoir. Il est important ici de rappeler que cette timide volonté de limiter le nombre de mandats présidentiels avec la remise du compteur à zéro intervient suite à la pression de la rue débutée le 19 août 2017.

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Dans un régime démocratique, il devient insensé que le père et le fils confisquent le pouvoir pour plus de 50 ans avec l’obstination du successeur du père à vouloir durer aussi longtemps que le prédécesseur. Cela doit s’appeler plus exactement  »monarchie ».
Le dernier argument qui ne permet pas de classer Faure Gnassingbé parmi les démocrates se trouve dans le fait que sous son règne, le vol et la corruption sont devenus la règle de gouvernance où l’impunité reste le seul maître mot qui protège tous les partisans du pouvoir. Tout ceci constitue la négation de ce que nous désignons par  »démocratie ».
Dans ces conditions, les supposés multipartisme et liberté d’opinion ou d’expression perdent leur raison d’être car ils ne servent plus pratiquement à rien en démocratie. Dans ces mêmes conditions, les dénonciations par la presse avec preuves à l’appui des dérives de tout genre dans le système de gouvernance ne changent rien dans la cité et deviennent du coup comme de l’eau versée sur le dos du canard.
Les organisations d’élections comme déjà décrites plus haut sont, quant à elles, devenues de simples formalités absurdes et sont destinées à réinstaller la même personne au fauteuil présidentiel sans enjeu et ceci autant de fois que l’occupant du fauteuil présidentiel le souhaite.

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Nous ne saurons terminer sans revenir sur les propos gravissimes de Faure Gnassingbé dont beaucoup banalisent l’ampleur. Il s’agit de cette phrase lâchée des lèvres du prince et qui nous révèlent selon l’auteur lui-même que son père, Eyadema lui a dit de ne jamais laisser le pouvoir échapper au parti au pouvoir au risque de ne plus jamais le récupérer. Ceci est un scandale verbal à prendre au sérieux car cela résume tout et confirme que les élections au Togo avec le fils du Général Eyadema ne permettront jamais à l’opposition d’accéder au pouvoir même si cette dernière les remporte; si le détournement des résultats des urnes en faveur du plus  »faure » des candidats ne réussit pas, l’armée pourra intervenir comme elle l’a déjà démontré à maintes reprises, tout simplement parce que papa a dit de ne jamais laisser le pouvoir à autrui. Très grave, n’est-ce pas!
En conclusion, Faure Gnassingbé devient un faux démocrate ou plutôt un dictateur déguisé sauf que ce triste titre et la réalité décrite dans cette analyse font la nique au temps et ne pourront plus résister pour longtemps dans un environnement qui leur est sèchement défavorable.

icilome.com
Titre modifié

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