Les Togolais sont devenus ce peuple de rêveurs qui semble avoir tendance à adopter le comportement du chien de Pavlov quand une armée ou une partie d´une armée digne de ce nom, ailleurs, surtout en Afrique noire, décide de prendre les devants pour terminer le travail commencé par les populations civiles, comme c´est le cas aujourd’hui au Mali. À regarder de près, notre pays le Togo semble être de loin l´enfant le plus malade dans l´espace ouest- africain: régime cinquantenaire militaro-clanique dont les vols manu-militari d´élections sont devenus la spécialité, pratique du népotisme et de la discrimination ethnique au vu et au su de tout le monde, corruption endémique, assassinats politiques et surtout impunité totale pour tous les criminels et voleurs. Certes, le Mali tire son instabilité politique depuis plusieurs années du terrorisme des groupes djihadistes qui ont jeté leur dévolu sur plusieurs pays du Sahel. Et à chaque fois que le pays de Modibo Kéïta est menacé d´une façon ou d´une autre dans sa sécurité intérieure résultant d´un abus du pouvoir politique, l´armée de ce pays avait toujours répondu présente avant de se retirer, confirmant par là son statut républicain.

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En mars 1991 quand le Général Moussa Traoré faisait mater les manifestants contre son régime dans le sang, ce fut un certain Amadou Toumani Touré qui se présenta au palais présidentiel avec son équipe pour arrêter le Général-dictateur. Il n´y eut pas de résistance et du sang n´avait pas coulé. En mars 2012, à deux mois de la fin de son deuxième mandat, c´est Amadou Toumani Touré qui est déposé à son tour par une junte militaire qui lui reprochait sa mollesse dans la gestion de la guerre qui oppose le Mali à la rébellion Touareg. Et c´est de façon civilisée, sans haine quelconque, ni règlements de comptes que le coup d´État s´est déroulé, comme d´ailleurs les 18 et 19 août 2020 contre Ibrahim Boubacar Kéïta. Vu la situation politique du Togo en pleine déconfiture, des observateurs et surtout les Togolais eux-mêmes s´étonnent que des tentatives ou même des coups d´État consommés se passent dans des pays qui ne connaissent pas l´ampleur de la catastrophe togolaise; alors que chez eux c´est le statu quo avec pour décor une paix de cimetière.

Chaque fois qu´il y a bruits de bottes quelque part sur le continent, les Togolais oublient presque le pays concerné et pensent immédiatement à leur patrie, à sa situation politique dramatique, à son armée incapable de se comporter comme une armée normale; parce que justement il n´a rien de normal dans la configuration de ce que certains appellent encore armée togolaise. Il y a déjà très longtemps qu´une minorité clanique s´est imposée par la force en faisant de la vraie armée une coquille vide. D´où l´impossibilité ou la difficulté de penser à un coup d´État salutaire de la part de cette armée qui regorge pourtant de soldats et d´officiers de valeur. Certains diront que coup d´État ne rime pas avec démocratie. Ce serait hypocrite et malhonnête de raisonner de cette façon si l´on sait que beaucoup de nos pays d´Afrique, en premierr lieu notre pays le Togo, sont dirigés par des dictatures camouflées sous le vernis démocratique. Des dirigeants qui arrivent au pouvoir par des élections organisées dans des circonstances suspectes, et qui adoptent une gestion clientéliste et presque familiale de la chose publique, qui violent quotidiennement les droits de l´homme et qui passent par tous les subterfuges possibles pour s´y incruster éternellement; n´ont pas la qualité de dirigeants de pays démocratiques où un coup d´état militaire serait un crime.

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Dans de tels cas de figure où les Chefs d´État deviennent un gros obstacle et un danger pour l´épanouissement de la démocratie et des citoyens dans leurs pays, c´est un droit pour les peuples de s´organiser pour dire non aux dirigeants imposteurs. Et c´est ce que les Maliens ont fait; et c´est ce que les militaires maliens ont fait en venant terminer le travail commencé par les populations civiles depuis plusieurs mois. Et il faut être de mauvaise foi comme certains chefs d´État de la CEDEAO pour ne pas voir la liesse populaire qui a salué l´intelligente intervention des officiers de l´armée malienne. Il faut s´appeler Alassane Ouattara ou Alpha Condé pour tomber si bas en voulant prendre des décisions irréalistes et contraires à la volonté et à la souveraineté du peuple malien. Heureusement que toutes les oppositions de la sous-région n´ont pas ces gênes de naïveté et d´amateurisme comme l´opposition togolaise qui s´est fait rouler dans la farine par les deux Papi ivoirien et guinéen lors de l´épopée de la C14 et du fameux dialogue inter-togolais. Le comportement honteux des deux chefs d´État, qui d´ailleurs n´ont aucun respect pour les constitutions de leurs pays respectifs, en cherchant à postuler pour un troisième mandat, et qui ne sont pas qualifiés pour donner des leçons, montre à suffisance que l´organisation sous-régionale n´est qu´un syndicat des chefs d´État qui se soutiennent mutuellement contre leurs peuples.

Nous saluons au passage les chefs d´État qui, au cours de la visioconférence entre Présidents de la CEDEAO, ont eu le courage et la clairvoyance de dire la vérité à leurs collègues rêveurs, mal intentionnés qui voulaient empêcher le peuple malien de jouir des fruits de sa révolution. C´est seulement ce courage de ne pas suivre bêtement, c´est ce courage de pouvoir se débarrasser de toute hypocrisie en se mettant du côté des peuples, qui redorera le blason et ramenera la respectabilité des organisations sous-régionales comme la CEDEAO et de l´Union Africaine (UA).
Si nous nous amusons à faire le parallèle entre les évènements au Mali et la situation politique chez nous au Togo, nous pouvons conclure que le drame togolais ne se résoudra pas par des élections.

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Au Togo, nous sommes désormais face à plusieurs alternatives pour sortir de la situation de blocage total que nous connaissons aujourd´hui: soit Faure Gnassingbé fait amende honorable, démissionne de son propre gré, demande à l´armée de quitter la scène politique en retournant dans les casernes, invite tous les démembrements de l´opposition avec en tête le vrai gagnant du scrutin présidentiel de février 2020, Messan Agbéyomé Kodjo, autour d´une table pour mettre en place une transition dont la durée sera déterminée; transition qui permettra de faire toutes les réformes institutionnelles et constitutionnelles nécessaires, dont celle de l´armée, et qui sera dirigée par une personnalité de la société civile. L´actuel chef de l´État togolais pourrait rester au pays s’il le désire.
Une première alternative de sortie de crise trop belle peut-être, pour être réalisable; peu probable, vu la façon dont presque tous les acteurs politiques se regardent en chiens de faïence, et surtout vu le climat délétère de ces derniers mois, fait d´assassinats divers non encore élucidés.
L’idéal serait une révolution populaire; mais cette option, qui était à un doigt de se réaliser au lendemain du mouvement du 19 août 2017 initié par le PNP, a aujourd´hui du plomb dans l´aile. Les différentes trahisons, l´amplification des divisions et des égoïsmes, surtout après les élections présidentielles de février 2020 ont fait de l´opposition togolaise un fourre-tout indigeste où les uns sont devenus opposants aux autres. Mais les héros de Bamako, à commencer par l´Iman Dicko, font encore rêver les Togolais et leur donnent des idées. Espérons que très prochainement un rassembleur désintéressé sortira de nulle part pour créer ce miracle tant attendu avec le peuple.

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Mais si ces possibilités pour mettre fin à la tragédie togolaise se font encore attendre, les Togolais devraient alors continuer à rêver; une révolution de palais un de ces matins? Nous savons que parmi ceux qui ont aujourd´hui le monopole des armes au sein de ce qu´il reste de l´armée togolaise, il y a beaucoup de patriotes capables, à même de prendre leurs responsabilités en faisant changer la donne politique sans faire trop de dégâts. Sinon aucune région, aucune tribu, aucune ethnie au Togo ne pourra se targuer d´être assez forte pour exercer durablement une suprématie quelconque sur les autres.

Samari Tchadjobo
25 août 2020
Allemagne

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