C’est un désaveu cinglant de la gestion de la crise sanitaire à Madagascar. Dans une lettre datée du lundi 20 juillet et adressée aux partenaires techniques et financiers du pays, le ministre de la santé, Ahmad Ahmad, réclame de toute urgence des équipements de santé supplémentaires pour lutter contre l’épidémie de nouveau coronavirus.

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En dépit des promesses du président Andry Rajoelina, la tisane à base d’Artemisia annua Covid-Organics distribuée par l’Etat aux habitants n’a manifestement pas suffi à freiner la propagation du virus. « Les hôpitaux sont débordés par l’afflux de formes sévères de la maladie, dont certains décèdent malheureusement faute d’accès aux soins », écrit le ministre au début de sa missive.

Une certaine confusion semble aujourd’hui régner au sommet de l’Etat. Lalatiana Andriatongarivo, porte-parole du gouvernement, ministre de la communication et de la culture, a réagi à l’appel à l’aide du professeur Ahmad Ahmad dans un communiqué acide diffusé dans la nuit de mardi à mercredi. Elle y explique que le gouvernement n’a pas avalisé cette requête « prise sans concertation ».

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« Le contenu de la lettre reflète l’état de débordement dans lequel se trouve le ministre de la santé publique », poursuit-elle, avant d’énumérer les actions mises en place par l’Etat pour protéger la population de la pandémie. Un texte de deux pages qui témoigne des divisions existant aujourd’hui au sein du gouvernement malgache.

« En phase ascendante »

Le « débordement », dont parle le ministre Ahmad Ahmad, n’est pourtant pas fantasmé. Mercredi 22 juillet, Madagascar compte, en effet, un peu plus de 7 548 cas de contamination et une soixantaine de décès dus au Covid-19. Le nombre de contaminés quotidien oscille aujourd’hui entre 400 et 200 personnes, contre à peine une centaine il y a quelques semaines.

Une gageure pour les capacités sanitaires de ce pays, le cinquième plus pauvre au monde. « On a une épidémie en phase ascendante, toujours à Antananarivo, et qui se répand dans les autres régions, explique André Spiegel, le directeur de l’Institut Pasteur à Madagascar. Le taux de positivité des tests est supérieur à 45 % actuellement sur l’ensemble des résultats rendus. »

Il y a urgence à opérer une « réorientation stratégique en renforçant la lutte sur la base des données épidémiologiques d’autres régions », estime Ahmad Ahmad. Pour parer au plus pressé, 35 350 kits de prélèvement pour le diagnostic par PCR ou GeneXpert, 1 201 concentrateurs d’oxygène 12 litres, 968 000 masques type FFP2 et 328 644 boîtes de comprimés de 200 mg d’hydroxychloroquine sont nécessaires.

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« La situation épidémiologique implique une mobilisation de tous les acteurs santé autour d’une réponse coordonnée du gouvernement, a commenté Charlotte Faty Ndiaye, la représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des Nations unies à Madagascar. Nous sommes là pour accompagner. »

 Sous couvert d’anonymat, le représentant d’un autre partenaire technique et financier de la Grande Ile salue la pertinence de la liste, tout en s’interrogeant sur la possibilité concrète d’un ravitaillement : avec la demande mondiale croissante et l’isolement logistique de Madagascar, faire arriver ces équipements ne sera pas chose aisée.

La situation s’annonce d’autant plus compliquée à contenir que le gouvernement malgache a tardé à réagir, persuadé de détenir, avec le Covid-Organics, un moyen efficace de lutter contre la propagation du coronavirus.

Sur les ondes de RFI et de France 24, le 11 mai, dans un discours aux accents panafricanistes, le président Andry Rajoelina s’était même montré très critique envers l’OMS, son partenaire de référence en matière de politique de santé contre la peste ou plus récemment la rougeole, parce que l’agence onusienne avait mis en garde à plusieurs reprises contre les vertus supposées de tisane à base d’Artemisia annua. Malgré l’augmentation croissante des cas de Covid-19 sur l’île, le chef de l’Etat vantait encore, dans son allocution télévisée du 12 juillet, les effets thérapeutiques de la boisson.

Le Monde

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