Le personnel soignant est en première ligne de la riposte contre le coronavirus au Togo, avec tous les risques auxquels il est exposé.

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Dans cet entretien exclusif accordé au site d’info et de divertissement Le Tabloid, Dr Joël Ekoué Ametitovi, chirurgien et membre du comité scientifique mis en place en son sein par le Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) pour lutter contre la pandémie, parle du stress du corps médical, ses peurs, ses doléances.

Dans quel état d’esprit peut bien travailler un médecin assigné aux soins des malades du Covid-19, sachant qu’il est exposé ?

Le personnel soignant est en première ligne dans la lutte contre la pandémie actuelle. Tous les pays du monde sont confrontés à cette situation.  La transmission de la maladie se faisant par contact humain, le personnel soignant est très exposé.

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Le Covid-19 induit un stress au sein des agents de santé dû à la charge de travail et au manque de matériels de protection. Surtout ici au Togo. C’est pourquoi au Synphot, nous avons mis en place dès le début de la crise, une cellule d’écoute psychologique pour la population et le personnel soignant.  Pour bien travailler.

Il se protège évidemment. Mais le port des masques, gants et autres combinaisons offre-t-il une assurance totale ?

Le port des équipements de protection offre une assurance au personnel soignant de ne pas contracter la maladie. Il permet de réduire le stress évoqué plus haut, mais il n’offre pas une assurance totale. Une petite défaillance du matériel ou dans la procédure peut entraîner la contamination du soignant.

Il y a forcément une petite peur et cela doit affecter sa vie familiale, les contacts avec sa famille, ses enfants…

Bien évidemment. Malheureusement, il y a une stigmatisation par rapport à la maladie et aux personnes infectées. Ce qui rejaillit sur les soignants et leur entourage familial. Ajouté au fait que le risque n’est pas à zéro et que la contamination du soignant et de sa famille est possible. Donc forcément, sa vie sociale en prend un coup.

Ces médecins déployés au chevet des malades du Covid-19, ont-ils des rémunérations ou motivations spéciales avant de s’engager ?

Officiellement, aucune note ou aucun décret. Mais le Synphot estime que les conditions de travail des collègues engagés dans les centres de prise en charge doivent être clairement définies et proches des normes internationales. 8 heures de travail par jour pour chacun.

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Primes spéciales de risques, de motivation et de garde. Et surtout une assurance vie. Quel que soit ce qui a été décidé, cela doit être officiel et connu de tous. Bien entendu après discussions avec les acteurs de la santé.

Sont-ils désignés de force ou bien se sont-ils portés volontaires pour ce travail ?

Ce sont pour la plupart des fonctionnaires d’Etat et agents de santé militaires. Ils étaient déjà en service dans ces centres de prise en charge ou des spécialistes dans la prise en charge des maladies infectieuses.

Le Synphot a lancé une liste de volontaires des agents de santé sur toute l’étendue du territoire. Cette liste sera transmise au ministère et ces derniers seront formés pour participer à la prise en charge.

Dans quel état d’esprit travaille aujourd’hui le personnel soignant du Togo en général avec le risque de contamination réel ?

Stress et frustration. Nos structures sanitaires manquent de ressources humaines, matérielles et financières pour mieux s’organiser face à cette pandémie.  Le plateau technique est très précaire dans certains centres.

Depuis 15 ans, le Synphot n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme sur l’état de notre système de santé. Insuffisance des ressources humaines.  Inexistante du plateau technique. Et surtout absence d’une loi hospitalière pouvant régir le travail dans le milieu de la santé et donc prévoir les situations de crise sanitaire.

Que vaut aujourd’hui le serment d’Hippocrate face à tous les risques auxquels sont exposés les personnels soignants en voulant sauver des vies?

Vous avez bien dit « sauver des vies ». On a tendance à tirer du serment d’Hippocrate seulement l’engagement des médecins à sauver des vies. Mais malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons rien faire si nous ne sommes pas équipés suffisamment. On ne soigne pas les mains nues. Une armée mal équipée, mal entraînée perd la guerre à coup sûr.

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 Le personnel soignant aujourd’hui au Togo a besoin d’être efficacement informé, formé et super équipé pour lutter contre le Covid 19. Autrement, le serment d’Hippocrate ne sauvera pas la population togolaise face à cette pandémie. Informer. Former. Équiper.

Pensez-vous que le sacrifice fait est reconnu à sa juste valeur?

J’ose croire que oui. Mais au-delà de la pandémie actuelle, depuis plusieurs années, le personnel soignant au Togo se sacrifie pour soigner les populations sur l’ensemble du territoire pour les mêmes raisons que j’ai citées plus haut. Même si le corps médical est souvent pris à partie, j’ose croire que leur engagement est reconnu, surtout en ce temps de pandémie.

Dans certains pays, des gestes symboliques comme acclamer le personnel soignant dans leur bravoure face au fléau sont observés. Les praticiens hospitaliers du Togo ont-ils aussi besoin des gestes similaires d’encouragement ?

Pourquoi pas ? Chaque être humain a besoin de reconnaissance. Des gestes similaires peuvent aider le personnel soignant à mieux vivre cette situation de crise.

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Un message de fin à qui de droit ?

Aux autorités politiques et sanitaires, une meilleure mise en œuvre et concrétisation des mesures, surtout dans le cadre de la  prise en charge des patients et de la riposte en général.

A la population, notre engagement à leur apporter le meilleur et nous l’appelons à l’observance rigoureuse des gestes barrières.

Le Tabloid

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