Après l’ouragan qui a emporté Mobutu du haut de 32 ans de règne, Kadhafi de ses 41 ans, Ben Ali, Bouthéflikha, et autres dinosaures de la gouvernance politique, les longs règnes en Afrique ont élu domicile dans sa partie occidentale. Pour opérer, ils prennent de plus en plus l’image de dictatures modernes. Mais les dictatures, soient-elles archaïques ou modernes, ont un trait d’union. Ces colosses aux pieds d’argile qui tirent leur stabilité de plusieurs pays protecteurs, de la corruption dictatoriale et de la bénédiction d’une certaine géopolitique sont des ferments d’une instabilité sous-régionale et régionale, c’est selon la taille ou l’influence du pays infecté. Souvent des États pillés en profonde décomposition socio-économique, pour traverser les zones de turbulences, pour refaire peau neuve, ils usent fréquemment de quelques mallettes diplomatiques et des « salamalek » aux opposants. Ainsi, la démocratie se croit-elle restaurée sur l’image du sourire plastique d’une Nation au bord du gouffre.
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Le Togo, ces derniers moments, peine à échapper à ce triste décor. Voici un surprenant tourbillon qui un 19 août balaie la légendaire quiétude de la cité. Pour se tirer d’affaire, monsieur Faure Gnassingbé a fait ce qu’il sait faire le mieux : appeler à un dialogue de dupe. Seulement, l’initiative sera au-delà des attentes. Le roublard politique de la sous-région a pu réunir plus que de simples cons. Il y avait aussi des gangsters, chefs d’État surtout francophones de la CEDEAO, s’y sont intéressés. Cette Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, a joué un vicieux rôle dans la situation de déliquescence que traverse le Togo. Par jurisprudence, le Bénin voisin, où la stable démocratie vient de piquer un accès fébrile, est touché de l’irresponsabilité d’une race de dirigeants dans la crise togolaise. Mais l’impossible équation de cette crise qui fait le lit à la corruption active d’opposants et de chefs d’Etat puis le débat sur la corruption politique on se demande s’il faille en rire ou pleurer.
Les dictateurs, pour leur maintien au pouvoir dans la durée, savent recourir aux méthodes des plus controversées aux plus vils. Le lien de sang entre corruption dictatoriale et instabilité politique a été, cette fois, mis en œuvre dans la crise togolaise. La haute corruption morale et financière qui a prêté sa touche dans le règlement de la tentative de règlement de cette crise laisse une vilaine jurisprudence qui va accoucher de démons au Bénin, bientôt en Guinée et par extension en Côte d’Ivoire. De quoi se poser une énigmatique question: la corruption des élites dans les règlements des crises surtout en Afrique est-elle finalement une simple question éthique, économique ou une question de sécurité régionale. Les dictateurs sont soutenus par des puissances parce qu’ils assurent la stabilité et la sécurité, si éphémère soient-elles. Il vaut mieux une accalmie qui garantit les intérêts du néocolonialisme à une instabilité. Mais à vouloir trop tirer sur certains cas de figure, ce soutien produit une large onde de choc qui va au-delà des frontières en crise. Dans le cas d’espèce, la carie dentaire a contaminé le voisin béninois parce que la CEDEAO et les petits fonctionnaires diplomatiques ont semé la mauvaise graine à Lomé.
Abordant le comportement éhonté surtout de la part des syndiqués du regroupement sous régional du nom de CEDEAO, dans l’une de nos éditions, nous vous faisions des révélations qui seront confirmées par des observateurs avisés lors des débats sur RFI, Radio France Internationale. Répondant donc à une question d’un confrère sur la crise togolaise, un observateur se prononce sur le cas dans le giron de la communauté en ces termes:

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« La CEDEAO c’est un syndicat de chef d’Etat. Certain pays se sont démocratisés autour du Togo. Mais j’étais surpris du débat qui a eu lieu au parlement de la CEDEAO la semaine dernière. C’était un débat sur le Togo. Tous les pays francophones racontaient des histoires à faire dormir debout. En gros, ils faisaient les louanges du régime Gnassingbé. Et tous les pays lusophones, surtout les anglophones, disaient : « mais réveillez-vous là ».
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La représentante du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau s’exclamaient « mais les gars, nous sommes élus par nos peuples. Tout le monde voie très bien ce qui ce passe au Togo. Parlez du vrai problème, c’est un problème de légitimité, c’est un problème d’alternance. En somme, ce parlement n’a pas pu statuer. Donc on a un vrai problème avec la CEDEAO parce qu’elle est composée de fonctionnaires qui sont nommés par des dictateurs qui sont installés là. Bon enfin, je ne peux pas leur en vouloir parce qu’il faut bien qu’ils vivent. Et ils sont là, ils détiennent leurs postes des autorités qui ont été contestées. En écoutant leurs discours, je doutais même de leur compétence. C’était ahurissant, ils n’arrivaient même pas à problématiser le cas togolais, à exprimer leur allégeance au pouvoir togolais.
Et vous savez bien, le pouvoir togolais corrompt avec les ‘‘lobbying’’. Il distribue à tout va, il corrompt dans toutes les institutions. On le voit bien ici à Paris, à New York, à Washington à l’Union Européennes et enfin leur communiqué c’est pour faire plaisir. Et mon appel aujourd’hui c’est pour dire, la CEDEAO, le G5 sont représentés au Togo. Il y a aussi l’ONU, l’ambassadeur des USA, la France, mais ça fait 20 ans qu’ils voient ce qui se passe au Togo. Ils ont peur de ce régime parce que, c’est la France qui a armé ce régime. Ce que nous demandons à la France, c’est de neutraliser cette armée pour que cesse les tueries au Togo, c’est la France qui a ses envoyés spéciaux au Togo, qui a formé cette armée. Mais comment a-t-elle formée une armée qui tourne les armes contre son peuple au lieu de le défendre ?…», fin de citation.

Nous vous faisions plus loin dans le même contexte surchauffé des révélations sur ce qui s’est passé par la suite à Abuja lorsque le regroupement des chefs d’État a affiché ouvertement son soutien pour Lomé après la mascarade électorale du 20 décembre 2018.

« Quand les chefs d’Etat se sont réunis à Abuja, certains d’entre eux sont arrivés en avocats défenseurs pour le pouvoir togolais. Le cas du président du Ghana qui, en réalité, n’était qu’un loup dans la bergerie pour cette crise. Certains présidents n’ont pas hésité à se doigter en altercation sur la crise togolaise, les uns accusant les autres de complicité pour la dictature. Inutile de rappeler que les médiateurs parmi eux n’étaient que des canaux de transmission de sous à une race d’opposants togolais. Les deux médiateurs par exemple, dont les approches sur la crise étaient discordantes, sans qu’aucune ne soit à l’avantage des Togolais, ne se seraient d’ailleurs pas fait de cadeaux pendant cette rencontre à Abuja. Quant à un monsieur comme Ouattara, il n’avait d’yeux et d’oreilles que pour la cause de Faure Gnassingbé dont le pays a servi de base arrière pour la rébellion qui a fait de lui un président.
Des présidents n’avaient d’attention que pour le prince de la Marina, soit parce qu’il a su faire circuler une partie du trésor de guerre cumulé au dos des Togolais, soit parce que le Togo fut pendant longtemps une caverne financière ou militaire pour la survenue de certains règnes. Des voisins du nord, comme le Burkina, dont on ne soupçonnait pas une quelconque entente avec le Togo pour cause de récentes brouilles politico-militaires, ont surpris par leur silence. Pire que le silence, celui-ci offrait ses bons offices en ouvrant les portes partout où la monarchie et ses porteurs de mallettes avaient de la peine à se faire accueillir. A quelques encablures près, les rares chefs d’Etat francophones qui n’étaient pas d’accord avec les méthodes de voyou étalées à Abuja n’avaient pas de voix. Seuls les pays anglophones ont pu se démarquer en désignant le chat par son nom sans pouvoir changer la donne »

C’est ce que publiait Le Rendez-Vous 336 du 08-01-2019. Ce n’est donc pas l’extrait de l’interview citée plus haut qui nous démentira. Par son irresponsabilité, le regroupement a semé le vent au Togo et elle récolte la tempête au Bénin. Élection exclusive au Togo, idem au Bénin.

Au Bénin, la population a fait des dégâts dans sa colère contre « la méthode Talon ». L’ancien président Yayi Boni qui s’est frondé contre le forcing est désormais dans l’œil du cyclone. Ses agents de sécurité lui sont retirés, à tout moment on peut à la togolaise forcer les portes de sa résidence pour le chercher. A défaut de pouvoir mettre la main sur lui par ce que les populations sont venues à ses rescousses, ce sont ses proches qui sont arrêtés, certains sont forcés à l’exil dans les pays voisins. La République est assise sur une poudrière, à tout moment ça peut dégénérer avec cette population à laquelle on veut initier à une privation des libertés. La CEDEAO a du mal à se prononcer parce qu’elle a déjà semé le bordel au Togo dans les mêmes conditions.
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L’opposition des hommes d’affaires
Nous ne le dirons jamais trop, l’argent a remplacé toutes les valeurs au Togo. Tous les corps de métiers, avocats, magistrats, architectes, élites intellectuelles des universités, syndiqués, pour bénéficier des largesses de la dictature, se sont réfugiés derrière un silence de marbre et le crime politico-générationnel garde son boulevard. On préfère envoyer au charbon une race, malheureusement frelatée, qu’on appelle hommes politiques de l’opposition. Pour quel résultat ? Cette fratrie ne fait que confirmer le fait que l’éthique a déjà quitté la gestion de la cité. L’achat du silence des élites cachées derrières des tomes d’écrits qui finalement ne servent à rien aux Togolais, l’indifférence du monde estudiantin préoccupé par le quotidien d’une misère académique ou l’accompagnement forcé des fonctionnaires de l’administration tout est bon pour se faire une légitimité dans une gestion aux ordres. Tout le monde, ou par lâcheté, ou par corruption ou encore par indifférence calculée, a une partie du corps qui sent du roussi dans l’enlisement de la situation politico-sociale au Togo.
Mais le crime qui risque d’imploser ceux qui n’ont trouvé gagne-pain que dans le carriérisme à l’opposition est la grande corruption, la corruption dictatoriale, la corruption active. Le pire est que, si le voleur qui continue à chercher sa pitance derrière des larcins est conscient de sa tare dans l’espoir d’en sortir un jour, les carriéristes corrompus de l’opposition y sont pour rester. Ils semblent trouver des justificatifs à leur mal-être : « On ne rejette pas l’argent, mais on peut rejeter une offre politique», « l’argent n’a pas de couleur », « c’est notre argent, il faut l’utiliser pour les combattre ». Autant de philosophies en crise avec le bon sens. Il existe désormais une race d’opposants togolais qui sont plutôt bien pour être des négriers acheteurs d’or sur les côtes. Pour cette race, mi-figue mis raisin, il n’existe pas d’éthique là où passe l’argent, peu importe si des populations en pâtissent. L’essentiel est qu’ils gardent leurs piètres privilèges sur une identité difficile à remonter dans le vécu de l’histoire locale.
La crise politique en cours au Togo en a donné les preuves. Les générations d’opposants se succèdent et se ressemblent par l’échec et le terrain s’y prête puisque les méthodes restent les mêmes. La dictature en place, tout en cumulant un trésor de guerre de cinquante ans sur le sang et la sueur des peuples, prend soin de créer et d’entretenir les mécanismes qui appauvrissent l’adversaire en lutte. On arrive alors à s’excuser derrière la conclusion qu’il est impossible de combattre les poches vides. La corruption en politique n’est plus criminalisée. Les acteurs ont la conscience tranquille de choisir entre l’exil, rejoindre le camp d’en face comme l’ont fait la plupart, ou encore se tailler une deuxième carrière dans les officines du pouvoir : conseiller à la présidence, ministre, ou diplomates et autres charges qui vont avec. Finalement le peuple n’a plus droit à une génération d’anciens hommes politiques qui soient allés à la retraite avec dignité. Tout le monde fait sa retraite aux côtés de ceux qu’il a passé sa vie active à combattre. A défaut d’avoir bien vécu, il faut se faire bien enterré quand même. Voilà pourquoi on manque de personnalité morale forte, personne pour lever le ton en temps difficile.
De sources bien renseignées, à sa mort, Eyadema par exemple, s’était déjà acheté tous les opposants sauf deux : Gnininvi Leopold et Gilchrist Olympio. Mais là encore le fils d’Eyadema viendra relever le défi là où son géniteur de père a échoué. L’opposition carriériste quant à elle, n’arrive pas à faire le poids. Dans la gestion des hommes, aucun vice n’est bon, mais le plus laid de tous c’est de finir par survivre de la sève nourricière sécrétée par les crimes de l’oppresseur. Malheureusement, c’est cette race qui mène le jeu sur une arène où les règles sont naturellement définies par la dictature. Présentement, cela ne fait l’ombre d’aucun doute, des mallettes d’argents ont circulé. Les Chefs d’Etat de la CEDEAO qui en ont pris sont devenus fous amoureux de la dictature togolaise et ses méthodes. Les fonctionnaires-cedeao, du moins une bonne fourchette de cette racaille, s’est sucrée et a su tronqué la réalité. Inutile de faire cas des diplomates étrangers.
Du chef d’État aux fonctionnaires en passant par des députés du parlement de la CEDEAO, la fourchette des mallettes qui ont circulé varie entre 2,5 milliards de F CFA au double et voire plus pour les chefs d’Etats. C’est le minimum que chacun qui pouvait, par son intervention ou son silence servir au maintien de la dictature, recevait de la part des émissaires de Lomé. Les Barqué, les Bawara, les Robert Dussey et autres de la race en savent beaucoup. L’argent a circulé au point de rendre des chefs d’État inefficaces pour ne pas dire nocifs à la crise. Aberration, crime politique, déchéance des valeurs, tout porte à croire que les voisins n’ont pas intérêts à voir notre pays se normaliser. Médiateurs, représentants diplomatiques, fonctionnaires ou observateurs corrompus, Haro sur eux ! Mais c’est très facile de les envoyer à la guillotine si nous même, nous, premières victimes de la crise, ne nous sommes pas auto-critiqués sur notre rôle. « Après avoir chassé le renard, il faut bien demander à la poule ce qu’elle cherchait dans la brousse » avance un adage. Alors, il faut se demander quel rôle a joué la plus grande partie de l’opposition togolaise, protagoniste de la crise. Ici, on comprend le pourquoi ce qui n’est pas possible ailleurs est coutumier à nos situations. Qu’avons-nous fait en tant que Togolais, premiers concernés par la crise, pour décourager ces comportements malsains de la CEDEAO et ses zouaves?
Bien au contraire, le mauvais exemple est venu de l’opposition togolaise. La lutte de libération au Togo fut et reste encore plombée par des commerçants politiques. Mieux, dans les coulisses, c’est leur comportement qui inspire les règles du jeu aux autres qui nous sont venus en rescousse. Parmi ce vaste monde qui a participé à la pagaille organisée au Togo, un fonctionnaire de la CEDEAO devenu même émissaire de l’État togolais s’appelle Garba Lampo. Lui, c’est un Nigérien rompu à la corruption qui n’a pas fini de vivre du marchandage de son titre parmi les nombreux commerçants de sa communauté. Son nom a beaucoup visité les couloirs de l’argent dans cette histoire. Il connaît donc assez de la situation. Réalité anecdotique : un jour, ce petit monsieur qui n’a pas sa langue dans la poche passait devant des membres de l’opposition en pause pendant un dialogue. Il apostrophe alors un des opposants, avocat de profession et membre de la coalition : « mais il faut dire à vos chefs, ils prennent trop de mallettes, c’est trop ». L’avocat de répondre ironique, « ah bon, je vais dire hein ». Mais il faut dire, « je ne me cache pas ». Quand « un crabe te dit que le poisson aussi ronfle est-ce que tu peux nier » ?
A la vieille de la signature de ce qui sera la feuille de route, donc le 30 juillet 2018, c’est le ministre Gilbert Bawara qui téléphone aux leaders de la défunte C14 leur demandant de composer une délégation de 7 personnes pour une rencontre nocturne avec le président Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire. La démarche est déjà faussée à l’entame car tout le monde sait qui est Bawara et qui est Ouattara pour le régime. Les deux génotypes sont connus des Togolais. Pourquoi c’est un Bawara qui prend rendez-vous pour l’opposition à la veille d’une telle échéance avec un monsieur peu fréquentable comme Ouattara dans la crise togolaise? La rencontre a malheureusement eu lieu à l’hôtel du 2 février. A la fin de ce qui peut être appelé lavage de cerveau, un cadeau est remis. A la sortie, ceux qui n’ont pas participé à la préparation de la rencontre n’ont pas compris l’opportunité de la démarche et demandent à savoir comment ils y sont arrivés. C’est alors à la coordinatrice [Brigitte Adjamagbo-Johnson, NDLR] d’alléguer que « c’est Bawara qui a sollicité le rendez-vous pour Ouattara». En tout cas, entre coups de fil et rencontres, la magie initiée par les deux «Wara» au service de la dictature a laissé tomber une lourde enveloppe soi-disant « pour aider la coalition dans la lutte ».
La vraie valeur du butin de la rencontre ?
Ce n’est pas à nous de casser la baraque ici. Un jour ceux qui ont remis les sous, eux-mêmes, vont achever le boulot, car il existe de ces évènements qui rompent vite la bienséance du silence. La seule certitude pour le moment est que la somme est bien au-delà de ce que les gens ont décidé de déclarer sous pressions de l’opinion. D’ailleurs, l’affaire de ce butin est rentrée dans l’espace publique juste parce que certains de la délégation des 7, cette nuit, ont refusé de prendre part au partage d’un gâteau qu’on voudrait bien servir loin du regard des 7 membres absents. De ce fait, craignant que l’information fuite, les démarcheurs ont présenté le lendemain 30 millions de FCFA aux 7 autres qui étaient absents. Après avoir nié en bloc, la coalition finit par reconnaître la couleur des 30 millions FCFA. Argent reçus des mains de Ouattara Alassane Dramane. Lui, c’est le Burkinabè devenu président en Côte d’Ivoire en laissant son frère jumeau, Fousséni Ouattara, à Sindou. Aux frontières nord-ouest, à 100 km de la Côte d’Ivoire, Sindou, c’est un village burkinabé à 150 km de Bobo-Dioulasso et 400 km de Ouagadougou.

Mais tenons-nous aux faits pour dire Honte à vous démarcheurs de l’opposition pour avoir accepté 30 millions CFA comme prix de la trahison d’un peuple. Donc si vous avez décidé de vendre les Togolais, croyez-vous qu’ils ne valent que 30 millions ? En tout cas, petit journaliste, si demain moi je visite Ouattara, ce n’est pas 30 millions que je prendrai, je vaux plus que ça. Le fait que Ouattara soit à l’aise dans la transmission des mallettes aux opposants togolais à ce tournant décisif confirme les assertions selon lesquelles certains de nos opposants sont des habitués de son palais où ils prennent l’argent déposé par la dictature de Lomé. De la France au Ghana en passant par Lomé, les exemples de corruption de nos leaders ont laissé des traces.
La chaine de corruption est devenue tellement banale que parfois les bénéficiaires n’en font pas un mystère, eux-mêmes parlent de leur bouche. C’est le cas de ce grand monsieur de l’opposition qui fait tomber le casque croyait mettre un de ses proches, lui aussi opposant, dans les secrets de sa gestion de l’argent facile. En effet, au cœur de la crise, une délégation de la coalition s’est rendue à Accra. Elle passe la nuit dans un hôtel dans l’espoir d’achever le boulot le lendemain avant de rentrer. Pendant que les autres membres de la délégation étaient chacun dans sa chambre, quatre d’entre eux se retrouvent dans le palais d’un chef traditionnel du Ghana. Ils en repartent avec d’importantes enveloppes.
Au Ghana la chefferie traditionnelle est tellement importante dans la vie de la République que la plupart des audiences avec notre opposition s’est tenue devant une délégation de chefs. Des mois après cette visite juteuse à ce chef, l’un des quatre barbouzes de l’opposition reçoit en visite chez lui un de ses proches, lui aussi présent à Accra cette nuit mais absent dans la cour du chef. Dans la fièvre des échanges, croyant que son visiteur faisait partie des quatre hôtes du chef ghanéen, il déballe tout : « tu sais, ma part de l’argent qu’on a reçu à quatre chez le chef du Ghana la nuit-là, j’ai investi ceci ici, j’ai réalisé ci, j’ai réalisé ça ». Il a tout déballé avant que l’autre ne réponde, «j’étais au Ghana mais, je n’étais pas de cette mission ». Trop tard, le missionnaire change alors de sujet en ces termes « laisse tomber ». Oui, c’est comme ça qu’on a laissé tomber les Togolais.
Nous le disions dans une parution, les Togolais introduits dans les secrets du quotidien du palais de la marina savent bien, au temps fort de la crise, que le jour où monsieur Faure Gnassingbé reste à la présidence jusqu’à 21 ou 22 heures, c’est qu’un leader de l’opposition, toujours le même, doit arriver autour de minuit. Parfois banalisé sur moto ou en passant d’une voiture à l’autre, ce leader finit par arriver et repartir repu de liasses, drôle d’opposition.
Quand tout ceci se passe au nez et à la barbe des médiateurs et autres fonctionnaires attitrés de la CEDEAO, pourquoi voulez-vous qu’ils se contentent de leur salaire, pourquoi les en vouloir d’avoir fait de la crise togolaise un fonds de commerce ?
Question d’éthique ou géo-sécuritaire ?
Corruption politique, corruption démocratique ou corruption dictatoriale, c’est toujours le même vice. Il a fait tache d’huile partout où il est passé. Au sens sous régionale de l’analyse, le dernier pays où il a déposé ses valises est le Togo. Les dictateurs, pour conservation de pouvoir, ont mis en place un mécanisme huilé d’accaparement de ressources publiques en y associant famille, proches, hommes de paille nationaux ou étrangers. Le pillage est alors systématisé au point où il est un impossible exercice de distinguer le bien publique du bien privé des dictateurs. A la lumière d’une analyse de P. Conesa parue dans le Diploweb.com, « la corruption dictatoriale devrait être traitée comme une question de sécurité internationale et non comme une question économique ou simplement éthique ».
A tout égard, on se rend compte que la délicate situation que traverse la sous-région présentement, notamment le Togo et le Bénin, a été décidé dans le premier par la récente corruption politique qui a guidé la médiation. Crise de confiance oblige, il y a de quoi être tenté de revenir à cet éminent observateur de la géopolitique, « la sécurité de demain n’est plus la tenue de l’ensemble de la planète par des régimes autoritaires alliés ». Vouloir entretenir une telle situation rime avec l’apparition de zones sans Etat comme le Togo où germent crimes organisés, crimes économiques et violations systématiques des droits humains. Les pays proches de l’écroulement sont les plus enclins à ces schémas et le Togo s’y plait bien.
Pour réunir sa fortune de guerre et assouvir ses ambitions, le Togo s’est entouré de la famille qu’il faut. Chez les Gnassingbé, pour être un homme d’affaires, véreux ou pas, il vous faut coercitivement pactiser avec la mafia au pouvoir. C’est à ce prix qu’on peut jouir des grands contrats, des placements et prises de participation dans les entreprises qui tiennent. Qui sait jouer le rôle pour enrichir le prince peut sauter du coq à l’âne avec une cécité garantie de la part des institutions de régulation ou de surveillance contre la corruption s’il en existe. L’essentiel est de savoir apporter sa part à la prédation politique, au soutien politique pour les différents programmes qui se relaient : SCAP, PND et autres projets modernistes d’accumulation de richesses.
Le pillage « démocratique » a atteint tous les compartiments de la République surtout le sommet. Au Togo, les contrats de privatisation des secteurs économiques, si névralgiques soient-ils, ne sont pas obligés de passer à la place publique. Les quantités de gisements exportées ne sont pas forcées d’être connues des canaux officiels. Les contrats bénéficiant de l’opacité démocratique, la déclaration des biens peut se limiter juste aux discours creux. Le fruit du combat contre l’évasion des capitaux n’arrive pas forcement au trésor public.
La patrimonialisation de l’économie a le vent en poupe.
Nous avons connu des pays de la région centrale de l’Afrique qui, sollicitant des prêts au FMI, ce dernier a conditionné l’octroi de ses prêts au rapatriement au pays des fonds volés par certains décideurs bien connus. Un travail est fait et des comptes bancaires ont été ciblés. Les fonds ont pu être rapatriés pour soulager les pays qui normalement ne doivent pas avoir besoin du FMI. Le Togo aussi n’a pas échappé à la même conditionnalité d’après nos indiscrétions. Sauf qu’au Togo, on a écho des opérations similaires contre au moins deux barons de la sphère. Mais les destinations finales des fonds rapatriés sont restées floues. Et on se demande si ces fonds n’ont pas plutôt grossi le compte personnel du plus «faure» de la bande.
En tout cas, de père en fils, la différence entre l’argent de l’Etat et celui de la famille qui dirige ne tient qu’à une barrière facile à rompre. La famille dirigeante au Togo du haut de ses 52 ans, la dictature familiale a engrangé une fortune de guerre contre laquelle seule la fin de règne permettra de briser le tabou. On se rappelle que les 32 ans de dictature de Mobutu lui ont autorisé une fortune (5 milliards $) équivalait à peu près au PIB de son pays lors de son décès. Après les 23 ans de dictature de Saddam Hussein, la fortune de ce dernier était estimée à 40 milliards $. Que dire de la Libye après 41 ans de Kadhafi ? Ici et là, dans les dictatures en fin de règne, ce sont des trésors qui dorment à l’étranger.
Sur le plan togolais, depuis le décès du père, outre le fait que Faure Gnassingbé n’a accepté partager qu’un montant de 8 milliards CFA au titre de l’héritage « gnational », la cosignature sur un compte à l’étranger est l’une des pommes de discordes avec Kpatcha Gnassingbé. Monsieur Faure a continué par s’enrichir et la fuite des capitaux n’a fait que doublé après la mort du fondateur de la dictature. Ces comptes des dictateurs, peu importe si tout le monde s’en délecte, l’essentiel est que ce soit une garanti dans laquelle on puise au besoin quand les dictatures traversent des zones de turbulence. Ce fut le cas tout récemment au Togo. Faure Gnassingbé seul savait comment il a réuni le pactole qu’il a distribué dans le monde pour tirer ses marrons du feu. Les crises politiques en raffolent, et « la bourgeoisie mafieuse légale y tire son épingle du jeux. Cet argent « légalement volé », ne répond pas aux questions des journalistes que nous sommes. « Chaque fois qu’un dictateur tombe, c’est une Banque suisse qui ferme ! » disait-on. Les paradis fiscaux sont des « trous noirs » plus obscurs que la Suisse, qu’aucun mandat international n’atteint.
Enfin l’argent dictatorial, c’est aussi de l’argent propre sali qui nourrit le crime international mais surtout l’insécurité internationale dont a besoin le crime organisé. Le Togo et le Bénin viennent de tomber dans cet engrenage. Si la gestion de la dictature est récente aux mains de Talon, elle est tout de même portée par un mec qui a suffisamment gagné de l’argent sale dans les circuits douteux pour noyauter les bonnes manières sans crier gare. A qui donc le tour quand l’argent décide de la politique? En tout cas, nous pensons qu’il faille désormais que les populations n’attendent plus la chute de leurs dirigeants pour s’organiser et poser le débat sur l’origine de leur fortune. Si une société civile existe, elle peut commencer par ici.
Dossier de Abi-Alfa
Source : Le Rendez-Vous No.339 du 31 mai 2019

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