Ce jeudi 7 mai, une manifestation spontanée ayant pour point de départ Siou, a convergé vers la préfecture de Niamtougou, en ralliant sur son passage les populations des cantons de Tenega, Koka, Baga, Niamtougou et Yaka.

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Les manifestants ont lu devant le préfet la motion ci-jointe, avant d’aller bloquer la nationale no1 sur plusieurs endroits. Tard dans la soirée, ils ont libéré le passage, promettant de revenir dans 24h si leurs demandes n’étaient pas exaucées.

Dans la même journée, nous avons appris la nomination du Lieutenant-colonel Atafai comme nouveau commandant du 1er BIR.

Voici ce que je pense de ces événements, avec mon franc-parler habituel.

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1: Manifestation spontanée dans Doufelgou.

Il faut remonter à deux ans pour comprendre la colère spontanée de ces populations. Il y’a deux ans en effet, Doufelgou perdait le colonel Mba Batanta dans des conditions troubles, à la suite d’une très courte maladie. Chef d’état-major de l’armée de terre, la mort de cet officier à la carrière prometteuse avait été considérée comme une immense perte, et dans nos communautés où la superstition est presque un mode de vie, très rapidement toutes les théories complotistes ont accompagné ce décès.

L’assassinat du lieutenant-colonel Madjoulba est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le pire, c’est que quatre jours après ce drame horrible, il n’y a aucune réaction officielle: Aucune de l’Etat-major des Fat, ni celle du ministère de la défense, ou au moins celle du procureur de la République, qui a été saisi du dossier. Le plus ahurissant, c’est par les médias nationaux et internationaux, qu’on a des informations par bribes, de ce qui se passe réellement.

Cette situation produit le sentiment d’abandon et de révolte des populations qui sont sorties marcher dans la journée de ce jeudi. A tort ou à raison, elles considèrent qu’une main noire empêche la promotion des valeureux officiers de la préfecture, dont le plus méritants seraient éliminés dès qu’ils semblent être promis à une belle carrière.

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Les populations disent ouvertement qu’elles ne trouvent pas normal qu’en dépit du nombre pléthorique d’officiers supérieurs que regorge la préfecture de Doufelgou, il n’y ait jamais eu de général dans leur rang. (Il faut vivre à l’intérieur du pays pour comprendre ce genre de réflexions) Et pour conclure, elles disent qu’on leur rende le corps de leur fils pour qu’elles l’enterrent comme un guerrier tombé au champ d’honneur. Les rites y sont particuliers. Voici sans langue de bois la raison de ces manifestations spontanées.

Par contre, il n’y a aucune exception dans cette réaction. Dans ce pays, régulièrement des manifestations de colère communautaires émaillent notre vie sociale. On en a eu dans la keran, Binah, Kozah, régulièrement dans les préfectures de l’Oti et Tone. Pour ne citer que ces localités-là.

Cependant, il serait illusoire de considérer ces mouvements comme des contestations politiques. En réalité, les officiers dont il s’agit ont été nommés par Faure Gnassingbé qui peut les démettre de leur commandement à n’importe quel moment, donc ce n’est pas le chef suprême des armées qui est indexé, mais des mains noires qui seraient opposées à la promotion des officiers de la préfecture. Il faut prendre ça comme ça.

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2: Nomination d’un nouveau commandant du Bir.

Je connais le lieutenant-colonel Atafai, qui est un ancien de Saint cyr. C’est un officier talentueux et sa valeur n’est pas mise en cause. C’est plutôt le timing de cette nomination qui pose problème. Comme je l’ai dit plus haut, un assassinat horrible s’est passé dans l’enceinte même du camp du Bir.

Alors qu’il n’y pas encore de communication officielle, que la famille n’a pas encore réceptionné le corps de leur parent, que les obsèques ne sont pas organisés alors qu’en pays nawda, un guerrier mort violemment est enterrés en procédure d’urgence, alors donc que rien n’est encore fait, on se précipite pour nommer un remplaçant.

Le premier acte administratif a l’issu de ce drame, est la nomination d’un nouveau commandant, alors que plusieurs unités dans notre armée ont passé parfois des années avec un adjoint assurant l’intérim du commandement, ou au pire des cas, l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. Nous ne sommes pas non plus en temps de guerre pour qu’il y ait un besoin opérationnel d’un nouveau chef rapidement. Si vous vouliez renforcer la théorie du complot et exacerber la colère de ceux qui se considèrent comme héritiers du colonel Madjoulba, vous ne pouviez pas mieux faire.

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3: Récupération politique.

J’ai écouté des audio et vidéos qui circulent, et qui lient le meurtre du colonel à une prétendue allégeance à Agbeyomé. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas pourquoi cet homme a été éliminé. Mais il y’a au moins un motif que je peux écarter les yeux fermés, c’est des raisons politiques. Des hommes comme le lieutenant-colonel Madjoulba ne s’intéressent pas à la politique.

C’est des militaires pur et dur. Ils demandent, c’est qui le chef, on le leur montre et ils vont « lui taper garde-à-vous ». Ce que beaucoup de personnes ne savent pas, si la cour constitutionnelle avait déclaré Agbeyomé ou Jean pierre Fabre président de la République, ils lui auraient fait allégeance avec la même facilité. Il faut donc sortir de ce délire qui consisterait à associer cet assassinat à une quelconque collision politique. Je l’ai déjà dit dans une précédente publication, cet militaire avait ces trois qualités : rigueur, loyauté, discipline.

En conclusion

En tant que responsable politique, je ne peux que demander à nos populations de Doufelgou de renoncer à toute nouvelle manifestation, à cause surtout de la menace coronavirus. Mais je serai malhonnête si en retour je n’exigeais pas la manifestation de la vérité. Ce n’est quand même pas compliqué de trouver le responsable d’un meurtre dans un camp militaire super sécurisé.

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Ensuite, par respect pour le défunt, qu’il y ait une prise de parole officielle. L’homme est déjà mort. Qu’on ait les résultats d’enquête ou pas, des condoléances officielles s’imposent. Et tant que ça tarde, la théorie du complot va s’amplifier, exacerbée par cette nomination précipitée et maladroite d’un nouveau commandant.

Actuellement, notre ennemi commun, c’est le coronavirus. Renforçons l’unité nationale et la concorde sociale pour nous concentrer que sur cet ennemi-là.

Gestes barrières, toujours.

Gerry Taama

Note: le titre original de cette opinion a été modifié

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